Procès des Hells Angels - Discussions hors cour, rien de plus normal

Il n'y a rien d'étonnant à ce que les procureurs de la Couronne aient engagé des discussions avec ceux de la défense afin d'éviter la tenue de mégaprocès pour les motards criminels, commentent les criminalistes. Au contraire, l'entêtement de la Couronne à vouloir poursuivre les procédures à tout prix discréditerait bien davantage l'administration de la justice, disent-ils.

«Ce qui aurait fait la une pour nous, c'est que des discussions comme celles-là n'existent pas», indique le spécialiste en droit criminel Guy Cournoyer, en faisant référence à la manchette de La Presse d'hier qui faisait état de propositions de la Couronne visant à obtenir des plaidoyers de culpabilité de la part des accusés arrêtés lors de l'opération Printemps 2001.

Au cabinet du ministre de la Justice, Paul Bégin, on refuse de confirmer la nouvelle en prétextant que les procédures devant les tribunaux ne sont pas terminées, mais les négociations entreprises n'ont rien de surprenant pour les criminalistes.

«Dans tous les dossiers criminels, c'est le devoir d'un avocat de la défense de s'enquérir des intentions de la Couronne dans l'éventualité d'un plaidoyer de culpabilité à l'une ou l'autre des infractions, poursuit Me Cournoyer. Il faut savoir que de 80 à 90 % des dossiers en droit criminel font l'objet de discussions amenant l'accusé à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Les gens perdent souvent ça de vue.»

Plus d'ardeur

On peut donc penser que de telles négociations ont eu lieu auparavant, avant même la tenue du procès présidé par le juge Jean-Guy Boilard, mais qu'elles n'ont pas porté fruits. Aujourd'hui toutefois, après l'avortement de ce procès, il est vraisemblable que la Couronne mette encore plus d'ardeur à trouver un terrain d'entente, croit une autre criminaliste. «C'est l'occasion pour la Couronne de régler sans perdre la face. Il y aurait plusieurs accusés qui plaideraient coupables, seraient condamnés et étiquetés comme criminels. La société serait contente, les médias auraient leur histoire et la défense, si elle a trop à perdre en procès, pourrait y trouver son avantage aussi», explique Me Nellie Benoit.

Le public ne doit toutefois pas interpréter cette pratique comme une façon pour les accusés d'obtenir des faveurs de la Couronne. «Ce n'est pas une vente à rabais», précise Me Cournoyer. Ces négociations ne sont pas des «discussions hors cour» telles qu'on l'entend en droit civil et ne mènent pas à des «ententes à l'amiable». Les représentations communes qui en découlent sont faites devant le juge, qui aura le dernier mot. «Ces représentations doivent être nécessairement raisonnables, être formulées dans l'intérêt public et ne doivent pas en elles-mêmes discréditer l'administration de la justice. Le juge a le pouvoir de les refuser.» Elles ne doivent donc pas être démesurément clémentes ou démesurément sévères pour obtenir l'aval du juge.

D'autres procès

Plusieurs procès de grande envergure doivent commencer à l'automne, notamment celui des 17 présumés membres ou associés des Hells Angels, à la suite de l'avortement du premier procès, et un second impliquant 13 motards devant le juge Réjean Paul. Si des ententes survenaient entre les deux parties, ces procédures pourraient être allégées ou même annulées, épargnant du même coup des millions de dollars à l'État. «Si le ministère public fait l'évaluation que la peine qu'il va avoir est substantiellement conforme aux objectifs qu'il poursuivait, il serait absolument ridicule pour lui de s'entêter à tenir un procès pour le simple plaisir de le faire», fait valoir Me Cournoyer.

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