La nouvelle redevance touristique de Percé déjà contestée

Depuis dimanche, chaque transaction de plus de 20 $ effectué à Percé se voit majorée d’1 $. La municipalité de 3000 habitants accueille 500 000 touristes chaque année.
Renaud Philippe Archives Le Devoir Depuis dimanche, chaque transaction de plus de 20 $ effectué à Percé se voit majorée d’1 $. La municipalité de 3000 habitants accueille 500 000 touristes chaque année.

Percé a mis en place dimanche une redevance touristique qui ne fait pas l’affaire de tout le monde au village. Et certains, dont la SEPAQ, exigent un moratoire sur sa mise en application par souci d’équité avec les Gaspésiens qui vivent en périphérie de Percé et qui seront assujettis à cette nouvelle ponction au même titre que les touristes de l’extérieur de la péninsule.

Chaque transaction de plus de 20 $ effectuée à Percé se voit majorée de 1 $ depuis dimanche dernier.

L’objectif de cette redevance touristique est de partager le fardeau des infrastructures consacrées à accueillir les visiteurs au village, dont la construction et l’entretien coûtent annuellement près de 800 000 $. Un lourd tribut à payer pour les 3000 habitants de la municipalité, qui accueille 500 000 touristes chaque année, mais dont le budget se limite à 7,7 millions de dollars.

Grâce à cette redevance, la mairesse, Cathy Poirier, compte ajouter 1,5 million de dollars par an dans les coffres de la ville — de quoi aménager et exploiter les sentiers, les parcs, les plages et les marinas fréquentés par les touristes.

Contestation

 

Un regroupement d’une quarantaine de commerçants de Percé décrie toutefois la nouvelle redevance, dont l’application leur incombe. « Sans avoir été préalablement consultés, [ils] se verront dans l’obligation d’être ceux qui percevront la redevance touristique sous peine d’amendes salées remises par la Ville de Percé en cas de refus », déplore un des porte-parole du groupe, Jean-François Gagné.

Un autre porte-parole du comité, Olivier Lafontaine, a indiqué au Devoir que même la SEPAQ, qui est responsable du parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé, soulève des interrogations quant à la légalité du règlement, notamment l’obligation qu’elle impose aux commerçants de percevoir la redevance. Selon les informations transmises par M. Lafontaine, la SEPAQ estime d’ailleurs « opportun de retarder la mise en application du nouveau règlement ».

Le porte-parole de la Société des établissements de plein air du Québec, Simon Boivin, indique de son côté que la SEPAQ demeure « en discussion avec la municipalité au sujet de la redevance aux touristes », en précisant ne pas vouloir commenter davantage le dossier « pour l’heure actuelle ».

Les commerçants qui contreviendront au nouveau règlement s’exposent à une amende de 2000 $. Et une deuxième infraction entraînera une pénalité deux fois plus salée si elle est commise la même année que la première. Le comité de contestation, qui regroupe une trentaine de personnes du milieu des affaires, dénonce ainsi une « taxe déguisée et illégale » qui est loin de s’appliquer, selon lui, aux seuls utilisateurs-payeurs. Ses membres demandent donc une suspension de l’application de la mesure afin que celle-ci soit peaufinée.

Cibler les touristes, pas les voisins

 

L’achat de tabac, d’alcool et de cannabis ainsi que les biens exemptés de taxes échappent à la mesure. Tout le reste, ou presque, devra s’y soumettre — et c’est entre autres là que le bât blesse, selon plusieurs.

« Le principe, je le trouve correct, souligne Patrice Dansereau, propriétaire du café-librairie Nath & Compagnie. Mais le règlement mériterait d’être revu pour être plus adapté. »

À son avis, la redevance pourrait nuire aux commerces comme le sien, notamment parce qu’un visiteur n’a pas besoin de venir de très loin pour devoir acquitter la redevance. Un habitant de Chandler ou de Gaspé, par exemple, devra la payer. Il faudra résider à Percé et présenter la carte citoyenne locale, la B-CITI+, pour y échapper.

« Dans mon commerce, ma propre main-d’œuvre vient souvent de l’extérieur. Chaque fois que mes employés vont s’acheter un lunch à plus de 20 $, ils devront débourser un dollar supplémentaire », dénonce M. Dansereau.

Ses clients viennent aussi en majorité de l’extérieur de Percé, et le propriétaire d’une des rares librairies ouvertes à l’année en Gaspésie se demande si la redevance les découragera. « Le consommateur sera peut-être tenté de commander son livre en ligne, auprès d’une compagnie que je ne nommerai pas… »

La municipalité aurait pu mieux cibler les touristes, croit-il, en concentrant sa nouvelle perception sur les industries de l’hôtellerie et de la restauration, par exemple. « Présentement, une nuitée à 500 $ va rapporter un dollar à la Ville — le même montant que moi, quand je vends un livre à 20 $. »

Il croit également que l’application de la mesure toute l’année pénalise inutilement les commerces locaux et leur clientèle d’habitués. « On ne fait rien pour encourager les gens à demeurer ouverts à l’année », souligne M. Dansereau. Selon lui, une redevance seulement appliquée en été, en période de forte affluence touristique, serait plus sensée.

La municipalité de Percé n’avait pas répondu Le Devoir au moment où ces lignes ont été écrites.

Avec Isabelle Porter

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