Disparition de deux fillettes en Grande-Bretagne - Surenchères médiatiques
La disparition de Holly Wells et de Jessica Chapman, deux fillettes britanniques, bouleverse toute la grande-Bretagne, mobilise 300 policiers, fait la «une» de la presse et suscite un grand émoi au sein d'une population encore traumatisée par le meurtre pédophile en juillet 2000 de Sarah Payne, alors âgée de huit ans.
Londres — «Un million de livres sterling»... La légende s'étale en gros caractères noirs au-dessus des photos de deux fillettes de 10 ans, Jessica Chapman et Holly Wells, dont la disparition depuis plus d'une semaine ronge l'Angleterre. C'est la récompense offerte par le tabloïd Daily Express pour toute information permettant de retrouver celles qui pourraient avoir été les victimes d'un enlèvement pédophile. Appartenant à un éditeur de porno, ce quotidien dame ainsi le pion à ses concurrents, le Sun et le News of the World, qui n'ont offert que 150 000 livres. Cette surenchère financière est condamnée par la police du Cambridgeshire: «En faisant appel à l'âpreté au gain, on ne peut que multiplier les témoignages sans fondement.» Trop c'est trop...Les deux amies, originaires du village de Soham, près de Cambridge, ont quitté le domicile de l'une d'entre elles le 4 août en fin d'après-midi. Elles ont auparavant communiqué sur Internet avec un inconnu pendant vingt-quatre minutes. Le jour de leur disparition, les petites filles, pas sauvages pour un sou, ont enfilé le maillot rouge de l'équipe de Manchester United portant le numéro 7, celui de leur idole, David Beckham. La star a immédiatement lancé un appel, le 7 août, alors que la police privilégiait l'hypothèse d'une fugue, pour que Jessica et Holly «rentrent à la maison». Quelques jours plus tard, la police a annoncé brutalement qu'il s'agissait d'un enlèvement criminel.Depuis, le simple fait divers s'est transformé en procès des excès d'une certaine presse. Pédophilie, enlèvements d'enfants, Internet et téléphone portable, tous les ingrédients sont là pour remplir les caisses de journaux populaires en crise — le Daily Express et les deux titres du groupe Murdoch, victimes d'une sanglante guerre des prix. Les télés ne sont pas en reste, en cette période de vaches maigres estivales où l'actualité se limite à la météo pourrie et à l'indécision de Blair sur l'Irak. La photo des deux gamines a la primeur de tous les journaux de la BBC. Devenu le porte-parole des parents des victimes, le père de Jessica est devenu une star, comme le fut celui de Mélissa Russo dans l'affaire Dutroux en Belgique.
L'Angleterre connaîtrait-elle un drame similaire? Depuis le 12 août, des centaines de personnes ayant eu à rendre compte par le passé d'affaires de pédophilie sont interrogées par la police. Le disque dur de l'ordinateur de Jessica est épluché par des spécialistes. Depuis la reconstitution médiatisée de l'itinéraire du duo, plusieurs centaines de dénonciations sont arrivées. Mais, pour l'heure, aucune piste sérieuse ne se profile à l'horizon.
Le seul motif de satisfaction de la police à ce jour est que, malgré le déchaînement des journaux, il n'y a pas eu, pour l'instant, de chasse aux sorcières de pédophiles présumés, comme ce fut le cas en juillet 2000 lors du meurtre de la petite Sarah Payne.