Victime de rejet, Girouard voulait rebâtir son estime de soi

Le médecin qui a évalué Carl Girouard après les meurtres témoignait lundi au procès au nom de la défense.
Photo: Renaud Philippe Le Devoir Le médecin qui a évalué Carl Girouard après les meurtres témoignait lundi au procès au nom de la défense.

Le tueur au sabre Carl Girouard était un enfant « victime de rejet » qui s’est « réfugié dans les fantasmes » pour se protéger. Narcissique, il tenait à tout prix à ce qu’on le reconnaisse « à sa juste valeur ».

Girouard a admis à son procès avoir tué deux personnes, et en avoir blessé cinq autres dans le Vieux-Québec à l’Halloween 2020. Mais il soutient qu’il n’est pas criminellement responsable pour cause de trouble mental.

Lundi, le neuropsychologue William Pothier a balayé l’assertion de la défense, selon laquelle Girouard souffrait de schizophrénie, était sur le spectre de l’autisme, et avait possiblement en prime le syndrome Gilles de la Tourette.

Selon lui, l’accusé a toujours été intéressé par les autres. Il avait soif d’attention, mais parce qu’il adoptait des comportements dérangeants et provocateurs, ses camarades de classe le rejetaient. Son estime de soi était en chute libre.

Cette situation l’a mené au secondaire à se replier sur lui-même, pour éviter de se faire blesser davantage. Il a trouvé refuge dans les jeux vidéo, un monde fantastique où il pouvait être le héros.

Pour nourrir son estime de soi, il a commencé à s’imaginer dans le rôle du persécuteur et a développé un sentiment de supériorité face aux autres, selon le Dr Pothier.

« On a quelqu’un qui a une estime de soi qui a été fragilisée, puis il essaie de trouver des moyens pour remonter cette estime de soi-là en se valorisant par sa différence », a expliqué le neuropsychologue.

Au moment d’élaborer son plan de tuerie, il est « obnubilé par son image de soi » et veut montrer sa supériorité. Le Dr Pothier a évalué Carl Girouard en mars dernier dans le but de fournir une clarification diagnostique.

Il a expliqué au tribunal avoir mené une série de tests et d’entrevues avec l’accusé, et d’avoir lu les nombreux rapports et notes de professionnels qui existent à son sujet.

Girouard joue aux cartes

 

Plus tôt dans la journée, le procureur de la Couronne, Me François Godin, s’est attaqué à la crédibilité du témoignage du psychiatre de la défense, le Dr Gilles Chamberland.

En contre-interrogatoire, Me Godin a révélé que deux mois après avoir assassiné deux personnes dans le Vieux-Québec, Carl Girouard « discutait avec les détenus », « jouait aux cartes », « socialisait et répondait à l’humour ».

Selon la Couronne, cela démontre que Girouard « n’avait pas perdu intérêt pour les interactions ».

Par ailleurs, vers l’âge de 10 ans, l’accusé avait rencontré deux pédopsychiatres qui n’avaient pas diagnostiqué d’autisme ni de schizophrénie, mais un TDAH pour lequel ils lui avaient prescrit du Ritalin.

L’un des pédopsychiatres avait noté l’absence de remords chez le jeune Carl, ainsi que ses « menteries » et le fait qu’il imputait la faute aux autres.

Me Godin a laissé entendre devant le jury que le Dr Chamberland avait un « biais de confirmation d’hypothèse », c’est-à-dire qu’il se réfugiait dans ses idées préconçues.

Dès le lendemain des attentats, le 1er novembre 2020, le psychiatre avait donné une entrevue à la radio, dans laquelle il affirmait qu’il ne faisait aucun doute que le suspect souffrait d’un trouble mental.

« On part avec une hypothèse, et peu importe ce à quoi on va être confronté, on va aller chercher les éléments pour confirmer notre hypothèse », a avancé Me Godin.

Son accusation à peine voilée envers le Dr Chamberland lui a valu une réplique assez cassante du juge Richard Grenier, de la Cour supérieure, qui a sommé le procureur de cesser ses questions « vexatoires ».

Le magistrat a déclaré que l’idée du Dr Chamberland ne pouvait pas être faite, puisqu’il a parlé de Girouard à la radio comme d’une personne hallucinée, pour plus tard changer d’idée dans son rapport.

« Vous dites qu’il s’est fait une idée dès le départ, alors que l’extrait qu’on vient d’entendre dit le contraire. Les jurés apprécieront. C’est mon opinion », a-t-il tranché.

Le procès de Carl Girouard se poursuit mardi avec la suite du témoignage de William Pothier.



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