Le tissu social décousu par la crise du logement

Dans le cadre de la Journée des locataires, le RCLALQ organisait une manifestation afin de réclamer des mesures urgentes pour assurer le droit au logement.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Dans le cadre de la Journée des locataires, le RCLALQ organisait une manifestation afin de réclamer des mesures urgentes pour assurer le droit au logement.

La crise du logement que traverse le Québec — maintenant reconnue par le gouvernement — ébranle la vie de quartiers entiers. Les départs forcés de locataires de longue date affaiblissent le tissu social de plusieurs secteurs de Montréal, tout comme de certains villages en région.

« Ça a détruit des communautés », déplore Marjolaine Deneault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). Les rénovictions, les surenchères sur le prix des locations, ou encore les hausses des loyers abusives provoquent selon elle l’exode de plus en plus de Québécois hors de leur quartier bien aimé.

« Des gens partent, alors que ça fait 10 ou 20 ans qu’ils habitent leur immeuble. L’épicerie du coin, la garderie, les proches, les voisins qu’ils connaissaient : tout ça, c’est à rebâtir. Ce n’est pas uniquement une question de logement ou de toit, c’est aussi une question de solidarité, de soutien, une question sociale. »

Son organisme a planifié dimanche une manifestation pour dénoncer les loyers qui « explosent ». Quelque 500 personnes ont ainsi protesté dans les rues de Verdun pour exiger un contrôle des loyers par Québec.

À Verdun, justement, le visage du quartier change « et pas nécessairement pour le mieux », assure Michel Proulx, intervenant social du Comité local d’action des citoyennes et citoyens. « Les loyers qui étaient à 600 $, 700 $, 800 $ sont rendus à 1500 $. Les gens n’ont plus les moyens de vivre ici. Avant, c’était beaucoup plus la classe défavorisée qui nous demandait de l’aide, mais maintenant, ce sont des gens de la classe moyenne qui nous appellent et qui nous disent qu’ils ne sont plus capables de payer. »

« C’est plein de nouveaux propriétaires qui mettent des gens dehors, renchérit-il. Les nouveaux locataires qui arrivent n’habitaient pas à Verdun avant, mais eux, ils ont les moyens d’avoir un logement à 1200 $ par mois. Il y a des d’endroits où les gens se connaissaient depuis plusieurs années, mais ils ne sont plus capables de rester dans leur quartier », se désole-t-il.

Parfois, ce n’est pas le prix du logement qui bouleverse l’équilibre d’un quartier, mais plutôt le prix des baux commerciaux. Ceux-ci ne sont régis par aucune loi, sauf celle du libre marché, et certains commerçants doivent plier bagage devant les hausses de loyer imposé.

« C’est bien beau la pâtisserie, une belle boucherie, mais les gens n’ont pas toujours les moyens de s’acheter un beau fromage. Les gens se sentent étouffés, ils n’ont pas les moyens de vivre là », fait remarquer Gaétan Roberge, organisateur communautaire du comité de logement dans Ville-Marie.

Actif depuis 20 ans dans le domaine, il atteste que plusieurs quartiers ont été vidés de leurs habitants par une conversion des services offerts. « Prenez le quartier gai. C’est beau, le quartier gai, mais tous les commerces de proximité ont disparu. Il n’y a même plus de quincaillerie. C’est rendu des restaurants et des bars. C’est bien, c’est touristique, mais les gens autour ont perdu leur espace de vie. »

Les gens se sentent étouffés, ils n’ont pas les moyens de vivre là

Même les quartiers excentrés, comme Montréal-Nord, perdent depuis deux ans des habitants qui perpétuaient la mémoire des lieux, témoigne Jacynthe Morin, du comité de logement local.

« Avec les augmentations de loyer, c’est vraiment un cocktail désastreux. On en voit plein, des gens qui ne peuvent pas payer, ils doivent trouver un autre logement. Mais pour aller où ? »

Même la campagne apparaît de plus en plus comme une impasse pour les locataires potentiels. Les plus récentes données officielles indiquaient que des villes comme Granby, Drummondville, Joliette, Rouyn-Noranda ou Rivière-du-Loup présentent des taux d’inoccupation des logements frôlant 0 %.

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