Ses entreprises insolvables, Tony Accurso s’entend avec la Ville

L’entrepreneur Tony Accurso en 2018.
Graham Hugues La Presse canadienne L’entrepreneur Tony Accurso en 2018.

Montréal a conclu une entente de principe avec Tony Accurso en vertu de laquelle l’ex-entrepreneur en construction versera 3,8 millions de dollars à la Ville de Montréal. Ce montant est toutefois bien inférieur à celui que réclamait la Ville dans le cadre des poursuites pour fraude intentées contre l’homme d’affaires déchu.

Les documents fournis par la Ville indiquent que le montant convenu correspond à la somme proposée par le syndic Raymond Chabot en février 2022, après que le Groupe Accurso a déposé des procédures en vue de faire une proposition à ses créanciers. La Ville estime « improbable » d’obtenir une somme plus importante compte tenu de la « situation financière précaire » du Groupe Accurso et de son insolvabilité. « [L’entente] représente le scénario réaliste », souligne Gonzalo Nunez, relationniste à la Ville, dans un courriel.

Rappelons que dans la foulée du rapport de la commission Charbonneau déposé en novembre 2015, la Ville de Montréal s’était adressée aux tribunaux pour tenter de récupérer l’argent de la collusion et de la corruption.

En septembre 2018, elle avait déposé une poursuite de 14 millions de dollars contre 14 entreprises et individus qu’elle tenait responsables de la fraude dont elle aurait été victime relativement au contrat des compteurs d’eau. Parmi eux figuraient les entrepreneurs Tony Accurso et Paolo Catania, ainsi que l’ex-président du comité exécutif, Frank Zampino.

Un an plus tard, la Ville avait intenté un recours de 26 millions de dollars à l’encontre de Tony Accurso et de Frank Zampino. Cette fois, le litige concernait leur participation alléguée à un système de trucage de contrats de voirie.

Le Service des affaires juridiques de la Ville rappelle toutefois qu’au cours des dernières années, des ententes sont intervenues dans plusieurs dossiers litigieux, notamment en 2018 avec Hexagone, qui avait repris certains actifs de l’empire Accurso, avec Frank Minicucci et son groupe d’entreprises, ainsi qu’avec Construction Frank Catania. Certains remboursements ont également été obtenus dans le cadre du programme de remboursement volontaire mis sur pied par Québec.

La Ville estime que dans le périmètre des entreprises liées au Groupe Accurso, elle a récupéré plus de 13 millions, ce qui inclut l’accord de 3,8 millions approuvé mercredi par le comité exécutif. La Ville rappelle cependant que l’entente de principe devra être soumise à l’approbation du tribunal.

De son côté, Frank Zampino est en situation d’insolvabilité, précise-t-on.

« Mieux que rien »

La Presse, qui rapportait vendredi l’existence de cette entente de principe entre l’ex-entrepreneur et la Ville, indiquait aussi que Tony Accurso aurait conclu un accord avec la Ville de Laval afin de régler leurs litiges. L’attaché de presse du maire Stéphane Boyer, Alexandre Banville, a toutefois indiqué au Devoir qu’aucune entente n’était encore intervenue dans le dossier.

La Ville de Laval avait déposé une poursuite de 29 millions en 2016 contre Tony Accurso et l’ancien directeur du Service de l’ingénierie de Laval, Claude de Guise, les accusant d’avoir profité d’un stratagème collusoire de 1996 à 2010.

Professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, Danielle Pilette estime bien modeste le montant de 3,8 millions récupéré par la Ville de Montréal, mais selon elle, le temps jouait en défaveur de la Ville. « C’est mieux que rien. Je pense que chaque année qui passe nous prive d’un pourcentage de récupération potentielle », explique-t-elle. « Avec les changements organisationnels, c’est très difficile de récupérer davantage. Ces entreprises ont changé leurs administrateurs et ont eu le temps de faire toutes sortes de manœuvres, parfois inconnues. »

Plusieurs procès

 

En juin 2018, Tony Accurso avait été reconnu coupable d’avoir participé au système de corruption et de collusion qui sévissait à Laval sous le règne de l’ex-maire Gilles Vaillancourt.

En 2020, Tony Accurso et quatre entreprises auxquelles il était associé avaient été condamnés à payer 4,2 millions de dollars d’amendes pour fraude fiscale à l’endroit de Revenu Québec, après avoir plaidé coupables. L’année dernière, l’ex-entrepreneur et quatre coaccusés avaient cependant bénéficié d’un arrêt de procédures dans le litige qui les opposait à Revenu Canada.

La Ville de Montréal cherchait depuis des années à récupérer l’argent qu’elle jugeait avoir payé en trop en raison de la fraude et de la corruption. En janvier dernier, le contrôleur général Alain Bond avait indiqué que la Ville avait réussi à toucher près de 50 millions de dollars depuis 2015.

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