Maison de Sophia: François Legault invoque des problèmes de gestion de l’organisme

La Maison Sophia héberge des femmes en difficulté à Saint-Jérôme.
Marie-France Coallier Le Devoir La Maison Sophia héberge des femmes en difficulté à Saint-Jérôme.

Francois Legault refuse de s’impliquer pour sauver la Maison de Sophia, un organisme d’hébergement pour femmes en difficulté à Saint-Jérôme qui est sur le point de fermer ses portes. Le premier ministre invoque des « problèmes de reddition de comptes » de l’organisme pour justifier son définancement par le CISSS des Laurentides.

Questionné sur l’aide qu’il entendait apporter aux femmes de la Maison de Sophia, qui ont lancé un cri du cœur dans un article publié lundi dans Le Devoir, le premier ministre François Legault a indiqué qu’il avait eu des discussions à ce sujet avec son ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant. « Ce que je comprends, d’abord, c’est qu’on va offrir toutes les places qui sont nécessaires pour les femmes », a-t-il répondu, en marge d’une opération de distribution de chocolat de Pâques dans une école primaire d’Hochelaga.

Il a rapidement rejeté le blâme sur les gestionnaires de la Maison de Sophia. « Il y a un problème avec cet organisme-là, a-t-il déclaré. Je ne veux pas aller plus loin, mais il y a un problème de reddition de comptes, donc c’est vraiment un problème avec l’organisme. »

Le premier ministre a réitéré que son collègue « s’assure que toutes les places soient disponibles » pour les neuf femmes qui logent présentement à la Maison de Sophia. « Évidemment, ça pourrait être avec d’autres organismes, mais évidemment, il faut qu’il y ait une bonne gestion dans chaque organisme », a-t-il ajouté, sans préciser où seront logées les femmes si la Maison de Sophia devait fermer ses portes.

« Parfaitement injuste »

La présidente bénévole du conseil d’administration de la Maison de Sophia, Alexandra Soumain, s’insurge contre cette réponse du premier ministre. « Je trouve ça vraiment indécent [de ramener cet argument] pour justifier qu’on ne nous donne pas de financement », lance-t-elle au téléphone.

Oui, l’organisme a eu des problèmes de reddition de comptes dans un passé récent, admet Mme Soumain. Ces problèmes, qui datent de l’époque de l’ancienne administration, avaient été évoqués en toute transparence avec Le Devoir la semaine dernière.

Précisons qu’Alexandra Soumain a repris les rênes du conseil d’administration de la Maison de Sophia il y a un an à peine. À ce moment, l’ancienne administration, qui était « vieillissante et épuisée par le manque de subvention » selon Mme Soumain, voulait mettre la clé dans la porte. Alexandra Soumain a refusé. L’ancienne équipe a donc démissionné en bloc et elle s’est retrouvée présidente du conseil d’administration. Depuis, elle s’est entourée d’une nouvelle équipe.

« C’est vrai qu’il y a des chiffres qu’on n’avait pas jusqu’en 2021, réitère Mme Soumain. Mais en arrivant, en mai 2021, on a demandé spécifiquement au CISSS : s’il vous plaît, soyez indulgents, on n’aura pas de bris de service, on va travailler très fort, nous, les bénévoles, pour tout remettre à plat. Et depuis un an, on fait tout ce qu’on nous demande. »

Elle trouve « inacceptable » et « parfaitement injuste » que l’on fasse encore des reproches à son organisme à ce sujet et que, pour cette raison, on prive les femmes d’un répit dont elles ont bien besoin.

Cette explication est d’autant plus difficile à accepter pour Mme Soumain que jamais, dans la lettre officielle que le CISSS leur a adressée pour les informer de la fin des subventions, on ne fait mention de problèmes de gestion ou de reddition de compte. On affirmait plutôt qu’il n’y avait pas assez d’argent pour financer l’ensemble des projets en itinérance présentés dans le cadre du programme Vers un chez soi. C’est également la réponse que le CISSS avait fournie au Devoir, à savoir qu’il avait fallu faire des « choix déchirants » faute de budget.

Devant la réponse du premier ministre, lundi, Alexandra Soumain indique son intention de lui écrire une lettre pour lui expliquer la situation : « On va nommer ce qui ne marche pas et le mettre face à ses responsabilités, parce que c’est inacceptable », annonce-t-elle.

Au moment d’écrire ces lignes, lundi, le CISSS n’était pas en mesure de répondre aux nouvelles questions du Devoir à ce sujet. Le ministre délégué à la santé et aux services sociaux, Lionel Carmant, et la ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest, ont décliné nos demandes d’entrevue.

Avec Marco Fortier

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