En coulisse, des réseaux réinventent la philanthropie

Miriane Demers-Lemay
Collaboration spéciale
Comme ici en 2018 à Toronto, FPC organise chaque année un rassemblement des innovateurs du secteur philanthropique du Canada et du monde entier pour échanger des idées et apprendre les uns des autres.
Fondations philanthropiques Canada Comme ici en 2018 à Toronto, FPC organise chaque année un rassemblement des innovateurs du secteur philanthropique du Canada et du monde entier pour échanger des idées et apprendre les uns des autres.

Ce texte fait partie du cahier spécial Philanthropie

Alors que la justice sociale et le climat s’imposent de plus en plus dans l’ordre du jour mondial, des réseaux philanthropiques « parapluie » jouent un rôle méconnu, mais essentiel, dans la résolution de ces grandes problématiques contemporaines.

Si la société canadienne et ses lois ont bien changé depuis les années 1980, les règles sont toujours les mêmes dans le secteur philanthropique. Et c’est un problème, selon Bruce MacDonald, président et directeur général d’Imagine Canada, réseau à la tête des organismes de charité canadiens.

« Si une fondation torontoise veut investir dans un programme d’éducation dans une réserve en faisant un partenariat avec une organisation autochtone n’étant pas enregistrée entant qu’organisme de charité, les deux parties doivent signer une entente qui donne le droit à la fondation de contrôler et de diriger tout ce que fait l’organisation, illustre M. MacDonald. Même si l’organisation autochtone crée une approche très innovante en éducation, la fondation possède la propriété intellectuelle ! C’est une vieille façon de procéder, non respectueuse et coloniale. Cette inégalité est intégrée dans le système partout. On veut changer les règles pour s’assurer que la philanthropie peut évoluer afin de démanteler les systèmes d’oppression et de racisme. »

Pour ce faire, des réseaux de soutien philanthropique comme Imagine Canada font pression auprès des gouvernements pour améliorer l’environnement dans lequel la philanthropie peut s’épanouir. « On fait de la recherche et on produit des recommandations politiques, un peu comme un think tank, mais nous allons aussi faire des plaidoyers auprès du gouvernement », ajoute M. MacDonald.

Imagine Canada fait notamment pression auprès du gouvernement fédéral afin de changer la loi pour une meilleure reconnaissance de l’expertise des organismes sans but lucratif ou pour la création d’un département qui permettrait de faire avancer les législations canadiennes entourant la philanthropie plus rapidement. Ce type de réseau est aussi très actif au sein des fondations et des organismes de charité.

Bâtir des ponts et changer les pratiques

 

« On joue le rôle de bâtisseurs de ponts », observe Jean-Marc Mangin, président et directeur général de Fondations philanthropiques Canada (FPC). Pendant la deuxième vague de COVID-19, le réseau a soutenu un consortium philanthropique agissant dans les quartiers de Montréal les plus affectés par la pandémie, donne comme exemple M. Mangin.

« On a créé un fonds commun qui a soutenu des tables de concertation, lesquelles soutenaient de 20 à 30 organismes communautaires dans chaque quartier. Donc, au lieu d’avoir chaque organisme communautaire allant frapper à la porte de 30 fondations, il y avait une seule soumission, et ça allait beaucoup plus vite. Au bout du compte, il y a un financement de 12 millions de dollars qui a abouti au niveau communautaire. »

Dans le cadre de la Conférence de Glasgow sur les changements climatiques (COP26), FPC a également encouragé les fondations à s’engager dans la résolution de la crise climatique. « On essaie d’encourager nos membres, qu’ils agissent en santé, en arts ou en éducation, à réfléchir à la manière dont ils peuvent intégrer cette action climatique dans leur programmation », explique M. Mangin.

« Il y a des discussions qu’on n’avait pas avant, des questions qui vont au cœur même de l’action philanthropique, comme le racisme systémique, poursuit-il. On passe d’un paradigme de la charité à un paradigme de la justice. Certaines fondations ont poussé la réflexion très loin, tandis que d’autres la commencent. Peu importe où la fondation se trouve dans ce spectre, notre rôle est de pouvoir renforcer ce partage des connaissances et leur capacité. »

La force de l’union

« On se retrouve avec des crises économiques et écologiques de plus en plus majeures », observe de son côté Benjamin Bellegy, directeur général de Worldwide Initiatives for Grantmaker Support (WINGS), réseau comptant près d’une centaine d’associations philanthropiques au sein de 39 pays dans le monde. L’organisation WINGS joue un rôle semblable à celui d’Imagine Canada et de FPC à l’échelle internationale, et est active auprès d’acteurs comme les Nations unies, l’Union européenne ou l’Organisation de coopération et de développement économiques.

« Comment peut-on continuer à jouer un rôle dans la transformation de nos sociétés ? poursuit M. Bellegy. Le secteur a un potentiel énorme parce qu’on a une indépendance qui nous permet de prendre des risques, qui nous permet de jouer un rôle de pont avec d’autres acteurs. Il faut qu’il y ait plus d’investissement dans cet écosystème, dans ces acteurs qui mettent en réseau, qui influencent, soutiennent, guident, questionnent, coordonnent, aident à joindre les fonds pour que collectivement, on ait plus d’impact en tant que secteur. On a un rôle vraiment important à jouer, qui peut avoir un effet levier [dans la société]. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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