Blais n’a pas mis le premier ministre au courant des cas de COVID-19 au CHSLD Herron

Marguerite Blais (photo) et Danielle McCann n’ont plus leur place au sein du gouvernement Legault, selon la cheffe libérale Dominique Anglade.
Photo: Jacques Nadeau Archives Le Devoir Marguerite Blais (photo) et Danielle McCann n’ont plus leur place au sein du gouvernement Legault, selon la cheffe libérale Dominique Anglade.

La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, n’a pas alerté le premier ministre devant la flambée des cas de COVID-19 qui a fait des dizaines de morts au CHSLD Herron au printemps 2020. Et ce, bien qu’elle ait reçu un avis de situation une dizaine de jours avant que l’hécatombe soit rapportée sur la place publique.

« Je n’ai pas transféré l’information au bureau du premier ministre parce qu’on nous disait que c’était pris en charge », a lancé la ministre mardi, à l’Assemblée nationale. Elle réagissait à un courriel que son cabinet a reçu au printemps 2020, dans lequel il était question du danger imminent qui guettait les résidents du CHSLD de l’ouest de l’île de Montréal. C’était près de deux semaines avant que les médias ne fassent état de l’ampleur de la situation.

L’échange date du 29 mars 2020. La sous-ministre adjointe à la Santé Natalie Rosebush écrivait à la directrice de cabinet de la ministre Blais, Pascale Fréchette, pour lui dire que le manque de soignants disponibles était « très problématique » à l’intérieur de la résidence dorvaloise.

« Il n’y a presque plus de personnel pour prendre soin des 154 résidents », écrivait-elle dans le courriel intitulé « URGENT : Situation CHSLD Herron Ouest Montréal ».

La résidence de l’ouest de l’île de Montréal est vite devenue le symbole de la fulgurante première vague d’infections qui a déferlé dans les CHSLD en mars et en avril 2020. Près de 50 morts y ont été constatées dans les semaines suivant l’arrivée du coronavirus au Québec.

La nouvelle a fait les manchettes le 11 avril 2020, quand le quotidien anglophone The Gazette a rapporté la nouvelle une première fois. À l’époque, le premier ministre, François Legault, avait annulé son premier congé en un mois pour tenir une conférence de presse d’urgence. « C’est épouvantable, ce qui est arrivé », a-t-il lancé il y a deux ans.

« Le CIUSSS s’en occupait »

Mais mardi, le premier ministre a tenu à défendre sa ministre responsable des Aînés. « On [nous] disait : le CIUSSS prend la situation en charge. C’était rassurant. […] L’information qu’on avait, le 30 mars, c’était que le CIUSSS s’en occupait », a-t-il répété lors d’une mêlée de presse au parlement.

Le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal n’a pas voulu répondre aux questions du Devoir, mardi, soutenant que l’enquête de la coroner Géhane Kamel sur la gestion de la pandémie l’en empêchait. Or, selon un rapport d’intervention qu’il a signé en mai 2020 — et déposé comme preuve au Bureau du coroner —, le CIUSSS n’avait pas reçu la directive d’intervenir différemment de ce qu’il faisait à la fin du mois de mars, quand Herron a été mis sous tutelle en raison d’un manque criant de personnel.

« Malgré les relances quotidiennes auprès du [ministère], le CIUSSS n’a pas reçu d’écrit qui le légitimait d’intervenir autrement qu’en mode soutien-accompagnement », peut-on lire dans le document.

Versions divergentes ?

Mardi, les groupes d’opposition à l’Assemblée nationale ont fortement remis en question les versions des faits de Marguerite Blais et de son ex-collègue à la Santé, Danielle McCann. En affirmant devant la coroner qu’elle avait pris conscience de l’ampleur de l’hécatombe le 11 avril dans The Gazette, Mme McCann a « menti sous serment », a laissé tomber devant les journalistes le député péquiste Pascal Bérubé.

Selon la cheffe libérale, Dominique Anglade, Mmes Blais et McCann n’ont plus leur place au sein du gouvernement Legault. « Elles ont menti, elles devraient [démissionner] », a-t-elle lancé mardi. « Et si les chefs de cabinet n’ont pas transmis les informations, je veux dire, ils devraient se faire arracher la tête. C’est ça, la réalité. »

Mme McCann réfute l’argumentaire de l’opposition. Accostée par les journalistes mardi, elle les a renvoyés à son témoignage livré devant la coroner en novembre dernier.

À l’époque, elle disait avoir été informée le 29 mars « qu’il y a[vait] un problème de personnel » et « quelques décès » au CHSLD Herron. Puis, c’est le 11 avril qu’elle « s’est aperçue qu’il y avait eu 31 décès », avait-elle raconté devant Géhane Kamel.

Depuis plusieurs mois maintenant, les groupes d’opposition à l’Assemblée nationale exhortent le gouvernement à mandater une commission d’enquête indépendante sur la gestion de la pandémie. Après la protectrice du citoyen et la commissaire à la santé et au bien-être, la coroner souhaite rendre son rapport « avant l’été 2022 ».

Avec Marie-Michèle Sioui

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