Jusqu’à 32 000 infections par jour au Québec

Porté par la sixième vague et le très contagieux variant BA.2, le nombre d’infections au Québec aurait oscillé entre 24 000 et 32 000 nouveaux cas par jour la semaine dernière, marquant un bond de plus de 35 % en une semaine.
Ces nouveaux chiffres compilés au cours des dernières heures par le Groupe de recherche CIRANO de l’Université de Montréal, obtenus par Le Devoir, permettent de mesurer avec plus d’acuité l’ampleur de la sixième vague qui s’abat actuellement sur le Québec.
Ces indicateurs confirment une remontée marquée des cas d’infection depuis deux semaines. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a décrété officiellement le début d’une sixième vague mercredi en fin de journée.
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« Notre estimation, c’est qu’il y a eu au moins 24 000 personnes par jour qui ont contracté la COVID, confirmée par un test PCR ou rapide, au Québec la semaine dernière, et jusqu’à 32 000 si l’on inclut les autodiagnostics. Peu importe les indicateurs utilisés, la hausse se voit dans toutes les tranches d’âge », explique la professeure Roxane Borgès Da Silva, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, membre de ce groupe de recherche qui sonde un échantillon représentatif de 3000 personnes chaque semaine.
Ces récentes données, qui évaluent à plus de 220 000 les nouvelles infections la semaine dernière, ont été présentées mercredi soir au ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce seuil d’infections équivaut à celui qui prévalait fin janvier, début février, juste après l’énorme vague générée par le sous-variant BA.1 d’Omicron pendant les Fêtes.
Frappés en région
Les mêmes données confirment un taux de transmission très élevé dans les régions plus épargnées en janvier dernier, notamment dans l’est et le nord du Québec (Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine), où le nombre d’infections se rapproche désormais du pic atteint au mois de janvier.
Selon les indicateurs du groupe CIRANO, dans ces régions, entre 5 % et 6 % des répondants ont contracté la COVID la semaine dernière, soit près du double observé dans la grande région de Montréal. L’incidence des infections oscillerait autour de 4 % dans les régions du centre du Québec (Chaudière-Appalaches, Mauricie, Estrie et Capitale-Nationale). Bien que ces données doivent être interprétées avec prudence, elles indiquent une tendance préoccupante dans des régions où les ressources de santé sont facilement fragilisées, affirme Mme Borgès Da Silva.
Au Bas-Saint-Laurent, on a enregistré jeudi un record de 37 hospitalisations, un niveau jamais atteint depuis le début de la pandémie, et plus de 300 employés sont en isolement. « On n’a jamais eu autant d’employés infectés. Notre capacité à répondre aux besoins est réduite », a indiqué jeudi le directeur régional de la santé publique du Bas-Saint-Laurent, le Dr Sylvain Leduc. « Le virus est dans tous les groupes d’âge, tous les milieux, les CHSLD, les RPA. On a au moins 4 à 5 fois plus de cas que les 700 déclarés. Ce n’est pas le temps d’organiser des soupers, mais d’aller chercher la troisième dose », insiste-t-il.
La région de 200 000 habitants a enregistré 15 décès en mars, comparativement à 21 pour toute l’île de Montréal, dix fois plus peuplée. Même portrait sur la Côte-Nord, où 53 patients étaient hospitalisés pour la COVID jeudi. « Aucune MRC n’est épargnée, même des communautés autochtones isolées sont touchées pour la première fois », a indiqué jeudi le Dr Richard Fachehoun, directeur régional de la santé publique de la Côte-Nord.
En février et mars, la région de 90 000 habitants a compté 23 décès, soit presque autant que la région de Lanaudière (26), abritant 400 000 habitants. « C’est fragile, nous avons 182 employés en isolement, soit 75 % de plus que le 21 mars. On demande aux citoyens de nous aider, de limiter leurs contacts », a-t-il dit.
Québec maintient sa stratégie
Jeudi, tant le ministre de la Santé, Christian Dubé, que le directeur national de santé publique par intérim, le Dr Luc Boileau, ont soutenu que cette hausse était « prévue » et qu’aucun resserrement des mesures sanitaires n’est envisagé pour l’instant. « Il n’y a aucune raison pour le moment de changer la stratégie. […] Les gens doivent apprendre à vivre avec le virus et continuer à se protéger », a dit le ministre Dubé, bien qu’inquiet de la situation en région. Jeudi, 10 000 travailleurs de la santé manquaient à l’appel en raison de la COVID-19, a-t-il précisé.
La levée de l’obligation du port du masque, prévue le 15 avril, pourrait être retardée, a laissé entendre le Dr Boileau, qui basera ses recommandations sur la capacité des citoyens à réduire leurs contacts pour ralentir la course du très contagieux BA.2.
Cette décision étonne Roxane Borgès Da Silva, qui est d’avis que le gouvernement sous-estime le fait que l’immunité conférée par une troisième dose ou par une infection au BA.1 durant les Fêtes est en voie de chuter chez beaucoup de gens. « Oui, les taux de vaccination sont bons, et beaucoup de gens ont eu la COVID. Mais être infecté au BA.2 est possible, malgré une infection préalable au BA.1 », dit-elle, craignant l’impact sur un réseau déjà fragilisé au maximum. L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) prévoit que d’ici deux semaines, le Québec pourrait compter 200 nouvelles hospitalisations par jour.
Bonne nouvelle toutefois, l’INSPQ a dévoilé jeudi une étude démontrant que la létalité générale liée à une infection à la COVID-19 est passée de 10,1 % à 0,5 % entre la première et la cinquième vague. Le risque de décès chez les plus de 80 ans infectés est passé de 37 % pendant la première vague à 6,5 % aujourd’hui et il a chuté de moitié chez ceux qui sont hospitalisés. Une amélioration spectaculaire imputable aux vaccins, aux variants en cause, mais aussi à l’amélioration des soins et au port du masque, qui réduit le degré d’infection lié au virus, rappelle la Dre Rodica Gilca, autrice de l’étude. « C’est difficile de dire ce qui va arriver pour la sixième vague. Le taux de décès devrait rester bas. Mais s’il y a beaucoup d’infections comme en janvier, en nombre absolu, on pourrait forcément observer une hausse des décès. »