Vermont - Molière ne serait pas fier

Newport, Vermont — Un des rares bastions du français aux États-Unis, l'État du Vermont, situé à la frontière avec le Québec, se transforme en peau de chagrin. Le nombre d'habitants parlant la langue de Molière à la maison y a ainsi baissé de 15 % en dix ans.

Lucie deLaBruere, 43 ans, parlait uniquement français au sein de sa famille et n'a appris l'anglais qu'après son entrée à l'école primaire. Aujourd'hui, elle regrette que ses trois enfants n'aient pas appris le français à la maison. «Je voulais essayer d'utiliser la langue au foyer, mais cela s'est avéré difficile», explique-t-elle.

Dans tout le nord du Vermont, dit-elle, il est courant de voir des adultes capables de s'exprimer en français, mais de moins en moins d'enfants et de petits-enfants peuvent en faire autant. «La génération qui s'est installée dans cette zone en provenance du Québec est en train de disparaître rapidement», constate cette enseignante du lycée North Country Union à Newport, dont les élèves ont participé l'an dernier à la création d'un site Web sur le patrimoine franco-américain dans la région.

Les chiffres récemment publiés par le Bureau du recensement américain confirment la tendance. Bien que les francophones dans certaines enclaves isolées comme la ville de Newport aient réussi à se maintenir, le nombre de locuteurs francophones à la maison a baissé de 15 % en dix ans dans l'État.

Le recul est particulièrement prononcé dans les comtés limitrophes avec le Québec. Dans celui d'Orleans, le nombre de francophones a chuté de 22 % au cours de la dernière décennie. Des pertes similaires ont été observées dans les comtés voisins d'Essex et de Franklin.

Le français a historiquement une forte présence au Vermont, les Franco-Américains représentant le plus grand groupe ethnique du «Green Mountain State». Près d'un quart des habitants de l'État en 2000 s'identifiaient comme étant d'origine française ou franco-canadienne. Mais la langue est en perte de vitesse depuis un certain temps.

«Nous avons affaire depuis 1950 à une population vieillissante qui ne s'accroît pas», souligne André Sénécal, un professeur de français à l'université du Vermont. «Avec la disparition de ces gens, le déclin [du français] est brutal.»

Rare immigration

depuis le Québec

Les immigrants franco-canadiens ont afflué vers les centres industriels de l'État à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Une immigration plus récente en provenance du Québec depuis les années 40 a eu tendance à se cantonner dans le tiers septentrional du Vermont, souligne M. Sénécal. La population francophone n'est pas renouvelée parce que le niveau de vie au Canada augmente rapidement et que les Québécois n'ont plus besoin de migrer vers le sud pour trouver une vie meilleure, ajoute-t-il.

Paul Landry, président de la Société généalogique franco-canadienne, explique que les francophones désirent préserver leur héritage culturel mais que malgré tout l'assimilation prend progressivement le pas. «Lorsque vous arrivez dans un pays essentiellement anglophone, les enfants vont à l'école et bientôt ils parlent anglais et non plus français à la maison.»

Malgré ce déclin, le français maintient une présence dans le nord de l'État en raison de la proximité avec le Québec. Ainsi peut-on y capter des programmes de télévision et de radio en français provenant de la Belle Province.

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