Un meilleur encadrement demandé pour les influenceurs qui font la promotion d’alcool

Afin d’éviter la consommation abusive, la promotion de produits alcoolisés par des influenceurs doit être mieux réglementée, estime le Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques dans son rapport annuel rendu public mardi.
« La promotion des boissons alcooliques sur le Web, notamment par le biais des influenceurs, déjà observée l’an dernier, s’est accentuée en 2021, entraînant avec elle son lot de défis », note l’organisme d’autorégulation de l’industrie.
Cette « nouvelle tendance » inquiète grandement le Conseil, qui lève le drapeau rouge avant même d’avoir reçu des plaintes à ce sujet. « Notre objectif est de rappeler à nos membres que le code d’éthique s’applique également lorsqu’ils engagent un influenceur pour promouvoir un de leurs produits », explique le président de l’organisme, Robert Dutton.
Le code d’éthique, auquel les principaux producteurs et vendeurs d’alcool du Québec adhèrent, les oblige notamment à indiquer sur toutes les publicités le slogan « La modération a bien meilleur goût ». Il interdit également d’avoir recours au sexisme ou à l’exploitation de la sexualité pour vendre de l’alcool.
Mais comment s’assurer que le code d’éthique est connu et respecté par les influenceurs, qui proposent un modèle de publicité plus « niché » et « discret » que celui qui se retrouve dans les médias de masse ? D’autant plus qu’il est « pratiquement impossible » de faire la distinction entre les influenceurs qui sont rémunérés et ceux qui ne le sont pas.
Le Conseil reconnaît que « la vigie de ce qui se passe sur la Toile [est] extrêmement difficile et en partie impossible », mais il demande néanmoins à la Régie des alcools, des courses et des jeux de procéder à des « contrôles aléatoires » pour s’assurer que le code d’éthique est respecté.
« La loi ne peut toutefois tout régir », estime le Conseil, qui rappelle à ses membres qu’ils peuvent « faire une véritable différence » en s’assurant que les influenceurs qu’ils embauchent sont « pleinement informés des dispositions du code d’éthique et invités à les respecter aussi scrupuleusement que l’on est en droit de s’attendre de tout publicitaire, quel que soit le titre qu’il porte ».
Un blâme pour Archibald
Selon le président, Robert Dutton, les membres du Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques sont « responsables » et respectent généralement le code d’éthique dont ils se sont dotés. Pourtant, chaque année, des cas sont portés devant l’organisme d’autorégulation. Cette année, le Conseil a évalué six plaintes, un nombre qui diminue d’année en année.
La microbrasserie Archibald, détenue par Labatt, a été montrée du doigt par le Conseil pour sa publicité « Les vendredis tape-toi une grosse de 17 h à 21 h à 5 $ la canette ». L’annonce était illustrée avec trois produits au nom féminin : la Chipie, la Matante et la Joufflue.
« Devant le tollé qu’elle a provoqué, la campagne a été rapidement retirée, mais, outre sa grossièreté et son goût pour le moins douteux, elle constitue une violation incontestable de la disposition du code d’éthique qui interdit strictement le recours au sexisme et aux allusions à caractère sexuel pour vendre de l’alcool », indique le Conseil.
Contactée par Le Devoir à la suite de ce blâme, la directrice des communications de la Brasserie Labatt, Jennifer Damiani, a répondu par courriel. « Nous respectons le Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques et le travail qu’il accomplit, écrit-elle. Chez Archibald, nous nous efforçons d’être rassembleurs et authentiques, et de promouvoir le respect et l’inclusion, et nous avons apprécié que les consommateurs attirent notre attention sur cette erreur. »
Le Conseil d’éthique rappelle également à l’ordre le fabriquant d’eau gazéifiée et de bâtons glacés alcoolisés Glacier Factory pour une campagne promotionnelle mettant en scène une « jeune femme qui semblait être une adolescente ». Le Conseil indique que le recours à des mineurs pour vendre de l’alcool est contraire aux dispositions du code d’éthique et que « les personnes ne doivent pas avoir l’air d’avoir moins de 25 ans ». Il ajoute que le fabricant ignorait qu’il devait soumettre ses publicités à la Régie des alcools, des courses et des jeux et qu’il s’est « engagé à ne plus refaire cette incartade ».
Glacier Factory n’a pas répondu à la demande d’entrevue du Devoir.
Enfin, le Conseil demande à Québec de procéder à une refonte des lois et règlements sur l’alcool, estimant qu’il est primordial de permettre notamment à la Régie des alcools de suspendre ou d’abroger sur-le-champ un permis d’alcool lorsqu’un établissement ne respecte pas la loi, et d’interdire formellement le recours au sexisme ou à l’exploitation de la sexualité pour vendre de l’alcool. « Pour nous, ces points-là sont importants et doivent être revus », conclut Robert Dutton.