Des élus dénoncent l’exclusion des hommes blancs sans handicap d'un poste à l'Université Laval

L’Université Laval se défend, affirmant ne pas être la seule université à devoir se soumettre aux exigences des Chaires de recherche du Canada en matière d’équité.
Photo: Francis Vachon Le Devoir L’Université Laval se défend, affirmant ne pas être la seule université à devoir se soumettre aux exigences des Chaires de recherche du Canada en matière d’équité.

Le gouvernement du Québec et les partis d’opposition ont unanimement dénoncé des mesures de discrimination positive imposées à l’Université Laval pour un poste à la Chaire de recherche du Canada en biologie.

Aux yeux du gouvernement, l’université a franchi une « limite où il ne faut pas aller ». « Je n’aime pas le message que ça passe », a déclaré le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière.

Pour se conformer aux règles du programme de Chaires de recherche du Canada, l’Université Laval a lancé un appel de candidatures réservé aux femmes, aux Autochtones, aux personnes en situation de handicap et aux minorités visibles, rapportait Le Journal de Québec mercredi.

« On ne veut pas discriminer d’un côté, il ne faut pas discriminer de l’autre côté non plus », a déclaré la ministre Nadine Girault, qui a siégé à titre de coprésidente au Groupe d’action contre le racisme, créé en 2020 par le gouvernement. « Notre porte devrait être ouverte à tous les bons candidats. »

Plus tard dans la journée, la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, en a rajouté sur Twitter. « Les critères des chaires de recherche du Canada qui en viennent à exclure des personnes compétentes vont beaucoup trop loin », a-t-elle écrit.

En réaction à la polémique, l’Université Laval a soutenu que la plupart de ses offres d’emploi n’excluaient personne. Sur les 27 chaires octroyées depuis 2017, 11 étaient destinées « aux groupes sous-représentés », a indiqué la porte-parole de l’Université Laval, Andrée-Anne Stewart. Cela « représente une infime proportion de nos embauches (moins de 0,1 % d’une moyenne de 1600 embauches par année pour tout le personnel) ».

Et d’ajouter que Laval n’est pas la seule à devoir se soumettre aux exigences des Chaires de recherche du Canada en matière d’équité. « Toutes les universités doivent se conformer à ces exigences. L’Université Laval n’est pas différente des autres universités. »

Contre « l’exclusion »

Au Parlement, les partis ont tous vivement dénoncé cette pratique. « Ça m’interpelle au plus haut point, a déclaré la cheffe libérale, Dominique Anglade. Mais d’exclure d’office des gens pour des candidatures, je ne pense pas que ce soit la bonne approche. » « Ça va trop loin », a-t-elle ajouté.

Aux yeux du Parti québécois, c’est « complètement inacceptable ». « C’est très inquiétant, et ça découle d’une idéologie qui nous vient du financement fédéral », a fait valoir Paul St-Pierre Plamondon. « Ce n’est pas le modèle québécois que nous, on veut. »

Québec solidaire aussi s’est montré critique mercredi matin. « Selon nous, une approche plus progressive est préférable », a affirmé le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois. « Nous, ce qu’on proposait, c’est une embauche sur quatre jusqu’à l’atteinte de l’objectif de représentation dans l’organisme en question. »

L’historien des sciences de l’UQAM, Yves Gingras, a invité les députés à blâmer le gouvernement fédéral plutôt que l’Université Laval. « L’Université a les poings liés », a-t-il dit. Dès 2002, le chercheur déplorait d’ailleurs dans Le Devoir la perte d’autonomie des universités québécoises causée par le programme des Chaires du Canada. Les universités, soutient-il, se « mettent à genoux » pour avoir accès à l’argent du gouvernement fédéral en recherche.

Sur le fond, M. Gingras juge en outre que les mesures de discrimination positive en cause dans cette affaire sont « un tissu d’idéologie absurde ». Les cibles de représentativité des minorités au sein des chaires ne sont « pas réalistes », soutient le professeur qui a siégé à la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, créée par le gouvernement Legault l’an dernier.

Les cibles, dit-il, ne « correspondent pas aux viviers de candidats disponibles », les doctorants issus de certaines minorités étant peu nombreux dans certaines disciplines.

Une majorité d’hommes

À l’Université Laval, les femmes comptent pour 38 % du corps professoral, les minorités visibles pour 6 %, les personnes handicapées pour 1 %, et encore moins pour les Autochtones, selon un sondage publié par l’Université dans son Plan d’action en équité, diversité et inclusion. Les données montrent en outre que parmi les enseignants, les hommes sont surreprésentés dans les échelons supérieurs à titre de titulaires, par exemple.

Au sein des Chaires de recherche du Canada, qui sont au nombre de 72 sur le campus, les femmes comptent pour 34,7 % des professeurs, et les minorités visibles pour 6,2 %. Quant aux données sur les personnes handicapées ou autochtones, elles sont exclues des statistiques parce que trop petites.

Avec Alexandre Robillard et Marie-Michèle Sioui

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