Vers des excuses du pape François pour les pensionnats?

Un pas de plus vers la réconciliation avec les peuples autochtones a été franchi lundi au Vatican. Des délégations métisse et inuite ont rencontré le pape François afin de lui transmettre leurs vérités sur les déracinements subis dans les pensionnats pour Autochtones et sur les violences sexuelles et physiques qu’ont vécues de nombreux survivants. Leurs espoirs sont maintenant tournés vers le pape François, pour qu’il prononce des excuses officielles au nom de l’Église catholique lors de son voyage au Canada prévu dans les prochains mois.
Lors de ces deux audiences avec le pape, les leaders des communautés métisse et inuite étaient accompagnés de victimes. Des rencontres qui se sont déroulées sous le signe de l’écoute. « Je suis très touchée d’avoir été choisie pour participer à cette rencontre », a déclaré Martha Greig, une Inuite du Québec, après l’audience avec le souverain pontife.
« J’ai dit au pape qu’il y avait un grand besoin pour les gens de guérir, et qu’une excuse véritable et sincère serait le premier pas vers une telle guérison, a-t-elle rapporté. En tant qu’ancienne pensionnaire, ça signifierait beaucoup pour moi. »
Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente plus de 50 000 Inuits du pays, a souligné que « le pape a été accueillant, très attentionné et engagé tout au long de cette rencontre » à laquelle huit représentants inuits ont pris part.
De son côté, Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, a mentionné que la rencontre des huit délégués métis, dont trois survivants, avec le pape avait été un moment puissant (« powerful moment »).
« On espère que le pape a entendu nos histoires, qu’il a vraiment compris et qu’il va transposer ces histoires de sa tête à son cœur », a-t-elle dit, ajoutant avoir invité le pape François « à se joindre à nous dans notre chemin vers la vérité, la guérison, la justice et la réconciliation ».
Signe de sa volonté de pardonner le passé si une action significative était posée par le Vatican, la délégation métisse a remis au pape une paire de mocassins rouges perlés. « Pour qu’on puisse marcher ensemble », a indiqué Florence Eugenia Wells, surnommée Pixie, une Métisse bispirituelle qui a pris part à la rencontre.
Au-delà des mots
Pour que d’éventuelles excuses résonnent avec force dans les communautés autochtones du pays, elles devront reconnaître la responsabilité de l’Église catholique quant aux torts infligés aux pensionnaires, mais aussi aux souffrances vécues encore aujourd’hui dans les communautés, a fait valoir Cassidy Caron.
« On sait que les traumatismes intergénérationnels font partie de notre ADN. On se transmet ces traumatismes de génération en génération », a-t-elle dit.
Des paroles qui devront être accompagnées d’actions concrètes pour sceller la réconciliation, ont soutenu les représentants métis et inuits. Ceux-ci ont notamment réclamé un engagement du souverain pontife à ne pas protéger les membres de l’Église catholique toujours vivants qui sont visés par des allégations d’agressions sexuelles ou physiques.
Le chef inuit Natan Obed a précisément demandé au pape François de faire pression sur les autorités françaises pour que le missionnaire oblat Johannes Rivoire, qui vit en France depuis 1993, soit extradé au Canada. Le religieux, qui aurait agressé sexuellement des enfants inuits dans les années 1960, est visé par un mandat d’arrêt lancé par la Gendarmerie royale du Canada en 1998. Les accusations ont toutefois été suspendues 20 ans plus tard.
« C’est tellement déchirant de constater que des gens qui auraient dû être traînés devant la justice depuis des décennies ne le sont toujours pas et que des victimes décèdent avant que justice soit faite », a déploré M. Obed.
Accès aux archives
En point de presse, la cheffe métisse Cassidy Caron a réitéré la demande voulant que les communautés aient accès aux archives sur les pensionnats pour Autochtones. « Pour qu’on puisse rapiécer notre histoire […] et savoir quels enfants ne sont pas revenus », a-t-elle mentionné.
En réponse, Mgr Raymond Poisson, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada — qui accompagne la délégation de 32 Autochtones à Rome —, a affirmé qu’aucun dossier concernant les pensionnats ne se trouvait au Vatican. « Les dossiers sont principalement entre les mains des communautés religieuses et du gouvernement [du Canada] », a-t-il déclaré. Mgr Poisson a ajouté qu’un « travail se fait présentement pour ouvrir le plus possible » les archives, dans le respect des lois protégeant la vie privée.
Enfin, les représentants métis et inuits ont demandé que l’Église catholique paye les sommes promises aux communautés autochtones pour leur guérison, à la fois les 25 millions de dollars qu’elle devait rassembler dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2006 et les 30 millions qu’elle avait promis d’amasser en septembre dernier.
Mgr Poisson a indiqué que ces 30 millions avaient été recueillis, « et peut-être même un peu plus ». Une structure « indépendante et transparente » est présentement mise en place pour distribuer l’argent, a-t-il ajouté.
Jeudi, ce sera au tour des représentants des Premières Nations de rencontrer le pape François. Les trois délégations autochtones rencontreront ensuite le souverain pontife ensemble vendredi. Environ 150 000 enfants autochtones ont été contraints de fréquenter des pensionnats, dont plus de 60 % étaient gérés par l’Église catholique.