Mobilisation en faveur de l’allaitement au Centre Eaton

Un rassemblement pour dénoncer l’expulsion d’une femme qui allaitait au Centre Eaton, à Montréal, la fin de semaine dernière, a mobilisé plus d’une centaine de personnes dimanche.
« Quand vous passez devant une personne allaitante, continuez votre chemin », s’est exclamée sur une petite scène l’une des organisatrices, Valérie Laframboise.
L’ambiance du rassemblement était joyeuse tandis que des dizaines d’enfants couraient dans tous les sens près de leurs parents, entre les magasins Uniqlo et Sephora. Le Centre Eaton a mobilisé des employés pour distribuer jus et collations aux jeunes tandis que des mères se sont installées sur des chaises disposées en rangées pour allaiter. « Nous avons contacté les organisatrices de l’événement pour leur demander leurs besoins », a confirmé au Devoir une représentante des affaires publiques d’Ivanhoé Cambridge, Gabrielle Meloche.

L’événement a été organisé en soutien à Isabelle Côté, qui s’était fait interdire d’allaiter sur un banc du centre commercial une semaine plus tôt. Une agente de sécurité, appuyée par son superviseur, lui avait alors demandé d’arrêter de nourrir son enfant et de plutôt se rendre à la salle d’allaitement du centre commercial. « Ce qu’on a réalisé cette semaine, c’est que mon cas n’était pas isolé. Ça arrive vraiment plus souvent qu’on le pense », a déploré Mme Côté en entrevue au Devoir.
Une affirmation que corrobore Jeanne, une mère présente à l’événement avec son conjoint et ses deux enfants. « Il y a deux mois, je magasinais des vêtements [dans un autre centre commercial], et mon enfant a eu besoin de manger. J’ai demandé aux commis si je pouvais allaiter, et on m’a dit non », raconte-t-elle.
« Encore un tabou »
De nombreuses familles étaient présentes à l’événement, et des enfants s’amusaient avec des jeux et des ballons gonflables distribués sur place. « Moi, j’allaite partout et je n’ai jamais vécu de discrimination, mais je trouve ça vraiment dommage de voir que des mamans vivent ça », a mentionné Daphné, venue allaiter son petit Renaud. « Le combat est vraiment loin d’être fini », a quant à elle constaté Sophie, une autre mère présente.
Une petite scène avait été installée afin que quelques intervenantes y fassent un discours. « On ne peut pas croire qu’en 2022 [l’allaitement] soit encore un tabou », s’est indignée la coorganisatrice du rassemblement, Gabrielle Charest.
L’enjeu est important parce que plus on invisibilise les femmes qui allaitent, moins on normalise l’allai-tement, et ça renforce l’idée qu’il s’agit d’un geste privé.
Des stands du Mouvement Allaitement Québec et de la Fédération Nourri-Source, qui soutient l’allaitement maternel dans les familles, étaient installés sur place.
Le droit d’allaiter en public est protégé par les chartes des droits et libertés canadienne et québécoise. Pour Raphaëlle Petitjean, directrice générale du Mouvement allaitement du Québec, la situation qu’a vécue Mme Côté n’a rien de nouveau. « On entend régulièrement des histoires comme celles-là, affirme-t-elle. Mais l’enjeu est important parce que plus on invisibilise les femmes qui allaitent, moins on normalise l’allaitement, et ça renforce l’idée qu’il s’agit d’un geste privé. » Elle revendique également l’installation de pancartes dans les lieux publics pour indiquer aux gens de ne pas interpeller les femmes qui allaitent.
Selon Isabelle Côté, « il n’y a pas de raison, en 2022, de sexualiser le sein et le corps de la femme ». Celle qui a porté plainte à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec s’est réjouie de voir des mères affluer en si grand nombre : « L’allaitement, ça doit se faire partout, et les mères doivent être fières de le faire ! »