L’implantation d’un système de traitement à l’ozone laisse prévoir des rejets d’eaux usées dans le fleuve

Les travaux nécessaires à l’implantation d’un système de désinfection à l’ozone à la station d’épuration Jean-R.-Marcotte pourraient entraîner un rejet accru d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent. La Ville de Montréal assure toutefois qu’il s’agira principalement d’eau de pluie, donc que les répercussions environnementales seront très limitées.
La Ville a visiblement tiré plusieurs leçons du « flushgate » de 2015, une histoire qui avait fait le tour du monde. Le comité exécutif a accordé mercredi matin un contrat de 93,2 millions de dollars à l’entreprise Pomerleau pour la construction de deux siphons géants dans le cadre de l’implantation d’une unité de désinfection à l’ozone. Ce système permettra, à terme, d’améliorer de façon substantielle le traitement des eaux usées de l’ensemble de l’île à l’usine d’épuration Jean-R.-Marcotte.
Cette fois, pour éviter les cafouillages de 2015 en matière de communication, la Ville a pris les devants pour présenter publiquement les possibles impacts des travaux. Pendant la construction de ces deux siphons, la capacité de traitement de la station d’épuration sera réduite, ce qui fait en sorte qu’en cas de fortes pluies ou d’une importante fonte des neiges, des surplus d’eau pourraient être rejetés directement dans le fleuve.
Un scénario différent
Selon la directrice du Service de l’eau, Chantal Morissette, la situation serait très différente de celle de 2015, lorsque la Ville avait dû effectuer des travaux dans l’intercepteur sud-est. À l’époque, 4,9 milliards de litres d’eaux usées non traitées avaient été déversés dans le fleuve Saint-Laurent en quatre jours.
Cette fois, aucun intercepteur ne sera fermé, et l’usine Jean-R.-Marcotte pourra continuer de traiter les eaux usées des résidents de l’île par temps sec. Mais sa capacité sera diminuée. « En période de forte pluie, on est capables de traiter jusqu’à l’équivalent de trois stades olympiques par jour, mais pendant la période de construction, on va être capables de traiter jusqu’à deux stades olympiques par jour », a illustré Mme Morissette. « Mais ce ne sera jamais de l’eau sanitaire concentrée qui va être rejetée. Ça va être une eau diluée avec un peu de sanitaire et de l’eau de pluie rejetée autour de l’île. »
Afin de réduire les risques, la Ville a choisi de procéder aux travaux pendant la saison hivernale, période historiquement peu propice aux pluies abondantes et aux activités nautiques, ce qui limitera au minimum les répercussions. Ainsi, la première phase des travaux sera réalisée de novembre 2022 à avril 2023, et la seconde, de novembre 2023 à avril 2024.
Ce sont tout de même 13 milliards de litres d’eaux usées « diluées » qui pourraient se retrouver dans le fleuve pendant les deux périodes de travaux, qui sont réparties sur 360 jours.
En 2015, la Ville avait procédé à de nombreuses analyses pour mesurer l’impact des rejets d’eaux usées dans l’environnement aquatique et elle avait constaté que les effets avaient été limités. « On s’attend à ce que les épisodes de déversement d’eaux diluées de pluie pendant les travaux n’aient pas d’effets majeurs sur les cours d’eau autour de l’île », a indiqué Chantal Morissette mercredi.
Un mal nécessaire
Les rejets d’eaux usées dans les cours d’eau ne sont jamais souhaitables, mais cette fois, il s’agit d’un moindre mal compte tenu des bénéfices immenses qui résulteront du traitement de l’eau à l’ozone, estime André Bélanger, directeur général de la Fondation Rivières. « C’est inévitable. Mais la Ville prend les mesures nécessaires pour éviter les conséquences sur l’environnement. »
Les avantages du traitement des eaux usées par ozonation sont tels que les risques en valent la chandelle, selon lui. « Ces travaux vont faire en sorte qu’on va être capables de se baigner tout le long de la rive nord du fleuve entre Montréal et Trois-Rivières. C’est majeur ! » dit-il.
Selon lui, Montréal fait preuve de courage dans ce dossier. « La Ville a été un peu laissée à elle-même pour faire ça. C’est un projet risqué et complexe. Habituellement, les villes vont choisir des solutions moins efficaces et moins coûteuses à exploiter. »
Le traitement par ozonation permettra un traitement plus efficace des eaux usées qui sont rejetées dans le fleuve Saint-Laurent. En plus d’éliminer les coliformes fécaux et de détruire les virus, ce procédé supprime une bonne partie — de 75 % à plus de 90 % — des polluants émergents tels que les médicaments, les anovulants et les antibiotiques qui se retrouvent dans les eaux usées.
Lorsque le projet d’ozonation avait été annoncé, en 2008, le maire Gérald Tremblay avait évoqué un coût de 200 millions et une mise en service en 2013. Les nombreuses embûches rencontrées font en sorte que le coût du projet atteint maintenant 696,2 millions, a précisé Chantal Morissette. La mise en service de la nouvelle unité de désinfection est prévue pour la mi-2025.