Un observatoire pour l’égalité femmes-hommes dans la francophonie

Jean-Benoît Nadeau
Collaboration spéciale
Le premier mandat de l’OFDIG sera de produire des données fiables pour sensibiliser les gens aux inégalités fondées sur le genre.
Photo: Getty Images Le premier mandat de l’OFDIG sera de produire des données fiables pour sensibiliser les gens aux inégalités fondées sur le genre.

Ce texte fait partie du cahier spécial Francophonie

Les femmes ont parcouru un chemin phénoménal en deux siècles. Mais voici la mauvaise nouvelle : au rythme actuel, il faudra plus de 200 ans pour atteindre la réelle parité entre les sexes, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Et c’est pour faire mentir cette prédiction que l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et l’Université du Québec à Montréal (UQAM)unissent leurs forces pour créer l’Observatoire francophone pour le développement inclusif par le genre (OFDIG), qui a été lancé le 8 mars dernier à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, avec l’ambition d’en faire la référence internationale en la matière d’ici une décennie.

Le premier mandat de l’OFDIG sera de produire des données. « On veut aider au plaidoyer et à l’action en fournissant des chiffres fiables et scientifiques », affirme Caterine Bourassa-Dansereau, codirectrice de l’OFDIG et professeure au Département de communication sociale et publique de l’UQAM.

« L’absence de réels indicateurs nous désensibilise sur la question de l’inégalité », ajoute Marie Langevin, codirectrice et professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG UQAM.

Les données existantes, qui émanent de l’ONU, de la Banque mondiale ou des instituts nationaux de statistique, sont difficilement comparables. « On sait des choses sur les écarts de salaires, mais ici, c’est le salaire horaire médian, là, c’est le salaire annuel », fait valoir Marie Langevin.

On a fait de grands pas [pour l’égalité des genres] au Québec entre 1990 et 2022, mais le dernier bout de chemin sera très dur. Ça ne se réglera pas tout seul.

 

Les deux collègues veulent lutter contre la discrimination invisible, qui demeure importante, même au Québec. Les femmes sont très présentes en économie solidaire, par exemple, mais en fait de données, rien. Idem dans le milieu universitaire québécois, où les écarts de salaires sont encore de l’ordre de sept dollars l’heure. « Une majorité d’étudiantes fréquentent les universités québécoises, mais on n’a pas de données différenciées sur les directions, les rectorats, les chaires de recherche, sur les cycles supérieurs », indique Marie Langevin.

Les moyens de ses ambitions

 

Affaires mondiales Canada a promis 300 000 dollars par an et la Commission canadienne pour l’UNESCO soutiendra les chercheuses du Sud par des bourses. « Ça nous assure un financement structurel récurrent. On va pouvoir engager une coordonnatrice, des chercheuses, une équipe », dit Caterine Bourassa-Dansereau, qui explique que l’OFDIG se concentrera sur l’économie, les systèmes éducatifs et l’enseignement supérieur et la recherche.

Le projet germait à l’AUF depuis 2018, notamment au Bureau des Amériques et au Réseau francophone des femmes responsables dans l’enseignement supérieur et la recherche (RESUFF). L’UQAM a répondu présente sous l’impulsion de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) et du Service aux collectivités, très actifs parmi les groupes de femmes.

Les choses se sont mises en place très vite. Les bureaux régionaux de l’AUF ont lancé un appel aux chercheuses, et les codirectrices ont reçu des dizaines de candidatures. Les travaux ont déjà commencé avec un premier noyau de quatre universitaires du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Maroc et d’Ontario. « C’est un bel exemple de mobilisation régionale francophone », soulève Caterine Bourassa-Dansereau, qui explique que l’équipe travaillera également à l’autre mandat de l’OFDIG, soit répertorier les actions et les étudier.

Le cas des relations internationales

 

Plusieurs exemples de réalisations sont sortis le même jour au cours d’une table ronde en ligne organisée par la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Québec sur le thème de la « place des femmes dans les relations internationales » qui réunissait plusieurs personnalités féminines venues donner une perspective francophone.

La consule générale de Suisse à Montréal, Line Marie Leon-Pernet, a raconté sa participation dans un nouveau réseau de femmes diplomates suisses pour le processus de paix. L’ancienne députée bruxelloise et sénatrice fédérale Simone Susskind, fondatrice de l’organisme Actions en Méditerranée, est venue parler d’un programme d’échange entre des parlementaires tunisiennes et des députées et mairesses de Belgique.

La députée libérale de Hull, Maryse Gaudreault, à titre de présidente du Réseau des femmes parlementaires de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, a témoigné de ses efforts pour élargir la politique contre le harcèlement de l’Assemblée nationale à tous les autres parlements francophones.

Elle a fait se dresser bien des cheveux en racontant les conclusions d’une étude produite par l’Union interparlementaire en 2016 auprès d’élues de 39 pays : 82 % des répondantes avaient subi de la violence psychologique ; 44 % avaient reçu des menaces de mort ou de violence physique ; 33 % avaient été victimes de violence économique et 26 % de violence physique. « Peu importe la situation des pays, ce que vivent les femmes parlementaires est remarquablement similaire d’un pays à l’autre », signale-t-elle.

Marie Langevin se réjouit d’ailleurs que l’OFDIG soit au Québec, car les Québécois n’ont pas de quoi se vanter en matière d’égalité des genres. « On a fait de grands pas au Québec entre 1990 et 2022, mais le dernier bout de chemin sera très dur. Ça ne se réglera pas tout seul. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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