Nous sommes 321 millions de francophones dans le monde

Jean-Benoît Nadeau
Collaboration spéciale
Année après année, le centre de gravité de la francophonie s’ancre de plus en plus en Afrique.
Illustration: Tiffet Année après année, le centre de gravité de la francophonie s’ancre de plus en plus en Afrique.

Ce texte fait partie du cahier spécial Francophonie

Le tout récent rapport de l’Observatoire de la langue française (OLF) intitulé La langue française dans le monde révèle de nouveaux chiffres : 321 millions de francophones, sur tous les continents et dans tous les pays, avec une majorité d’Africains (51 % des locuteurs) devant l’Europe (42 %).

« C’est 21 millions de plus qu’il y a trois ans, dont 19 sur le continent africain. La grande dynamique africaine se confirme », dit Alexandre Wolff, directeur de l’OLF, le bras démographique de l’Organisation internationale de la Francophonie.

« Un francophone, pour nous, c’est une personne qui peut écouter un bulletin de nouvelles en français. On travaille sur cette base-là », explique-t-il. « Ça veut dire qu’au Canada, il y a 11 millions de francophones, soit 28 % de la population », complète Richard Marcoux, professeur de sociologie à l’Université Laval et directeur de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone, qui compile les données démographiques depuis 2010.

Les deux chercheurs insistent sur le fait que 163 millions d’Africains francophones et 136 millions de francophones en Europe constituent une agrégation de données diverses. « Pour bien comprendre ce qui se passe, il faut considérer les dynamiques nationales », dit Richard Marcoux.

La vie francophone est bien différente dans les 13 pays africains où le français est parlé par 50 % de la population (Côte d’Ivoire, Congo, Gabon, Cameroun, entre autres) si on compare avec la vingtaine qui se situe sur le palier des 20 à 50 %. « Les parents l’utilisent davantage pour parler à leurs enfants. Ça ne change rien au nombre de locuteurs, mais on est devant des locuteurs qui l’utilisent plus », explique Alexandre Wolff. « D’autres études montrent, par exemple, que les femmes sénégalaises, à niveau d’éducation égal, vont juger plus négativement leur propre français que les hommes. »

La dynamique est différente en Europe, où la langue française est encore très pratiquée et enseignée, avec 10 millions d’apprenants en français langue étrangère. « Dans les pays qui n’ont qu’une langue seconde obligatoire, on apprend surtout l’anglais, sauf dans les pays anglophones, où c’est le français, explique Alexandre Wolff. Mais dès qu’un pays exige une troisième langue, le français est partout, et particulièrement fort en Europe de l’Ouest. »

Surveiller l’éducation

La tendance qui se dessine est celle d’un ralentissement de la croissance, comme si le français approchait d’une sorte de palier. Il continue de progresser démographiquement, mais son autre moteur, celui de l’éducation, est moins fort, si bien qu’il continue de croître parce que la population croit, mais beaucoup moins en pourcentage de celle-ci.

Richard Marcoux donne l’exemple du Mali, qu’il connaît bien pour y avoir vécu cinq ans. Entre 1960 et 2020, la population malienne a quadruplé, mais le nombre de locuteurs francophones s’est multiplié par 33. Or, explique-t-il, depuis plusieurs années, les systèmes éducatifs plafonnent presque partout. « Au Mali, la moitié des jeunes de 6 à 14 ans ne fréquentent pas l’école ou n’ont pas de diplôme primaire. »

En Europe, le portrait diffère aussi, puisqu’on note un recul du nombre d’apprenants, qui ne s’est pas encore traduit sur le nombre de locuteurs de langue seconde, mais qui aura un impact.

Les deux chercheurs expliquent que l’OLF dispose de données assez solides pour se permettre d’étudier de près les dynamiques linguistiques. « Les enquêtes de la firme de sondage Kantar TNS, basées sur des échantillons de 1000 répondants dans 30 villes africaines, nous renseignent sur la manière dont les locuteurs perçoivent leurs compétences », explique Richard Marcoux.

Cette nouvelle édition de La langue française dans le monde examine également le français dans le cyberespace, où le français est quatrième — ou deuxième selon de nouveaux indicateurs. Ici, l’OLF s’appuie sur les études de Daniel Pimienta, un grand spécialiste de la question, qui a conçu son propre indice de cybermondialisation. Cet indice permet de qualifier certaines données brutes. Par exemple, si l’usage de l’hindi s’apprête à dépasser le français sur le Web, ça veut d’abord dire qu’Internet progresse en Inde, pas que l’hindi devient une langue internationale.

Pour chacune de ses compilations, l’OLF présente également une série d’études plus qualitatives. En 2018, celles-ci portaient sur l’employabilité. Cette année, le grand projet de recherche concernait les variétés du français. Une grosse équipe d’une cinquantaine de chercheurs a donc exploré la question dans dix pays :Algérie, Bénin, Cameroun, Ghana, Côte d’Ivoire, Liban, Madagascar, Maroc, République démocratique du Congo, Tchad.

« Ça montre qu’on enseigne souvent une variété de français standard très différente du français que les enseignants vont même utiliser pour parler aux élèves, expliquer ou donner des consignes ou leur donner des instructions, illustre Alexandre Wolff. Ça montre que la langue évolue, mais aussi qu’il y a peut-être un enjeu si l’enseignement ne tient pas compte des variations en présence. » 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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