Les appels de Peel aux Québécois touchés par la loi 21 restent lettre morte

La police régionale de Peel en Ontario n’a pas réussi à recruter des policiers québécois touchés par la loi 21.
Cole Burston La Presse canadienne La police régionale de Peel en Ontario n’a pas réussi à recruter des policiers québécois touchés par la loi 21.

La police régionale de Peel, au nord de Toronto, n’a pas recruté de policiers québécois touchés par la loi 21 au cours des deux dernières années, malgré des démarches faites à cet effet à l’été 2019, selon ce qu’a appris Le Devoir.

Dans les jours qui ont suivi l’adoption de la Loi sur la laïcité, interdisant le port de signes religieux aux employés de l’État, en juin 2019, le Peel Police Services Board — le conseil d’administration de la police régionale — a adopté une motion encourageant les personnes exerçant le métier de policier, ainsi que ceux qui étudient pour le devenir, à rejoindre leur force policière. Une clause des droits acquis protège le port du signe religieux pour les policiers si ceux-ci en portaient déjà un au moment du dépôt du projet de loi, le 27 mars 2019. À condition que la personne « exerce la même fonction au sein de la même organisation », selon la loi.

Aucun policier n’a répondu à l’appel du conseil d’administration, a confirmé Charles Payette, adjoint du chef de la police. Un porte-parole de la police, Akhil Mooken, a fait savoir qu’un seul policier québécois avait été engagé depuis 2019. Mais son départ du Québec n’est pas lié à la loi 21.

L’absence de candidats pourrait être en cause : d’après Antoine Tousignant, porte-parole du Secrétariat du Conseil du trésor, entre novembre 2018 et janvier 2019, tous les corps policiers québécois ont été contactés par le ministère de la Sécurité publique et les données démontrent qu’« aucun agent de la paix ne porte un signe religieux visible dans le cadre de ses fonctions ». Certains corps policiers n’ont toutefois pas été en mesure de répondre.

Le Service de police de la Ville de Montréal dit n’avoir aucun policier touché par la loi, tout comme le Service de police de la Ville de Gatineau, tandis que la Sûreté du Québec dit ne pas avoir l’information. Sondos Lamrhari, la première étudiante voilée à l’École nationale de police du Québec (ENPQ), n’a pas souhaité faire part de ses plans de carrière au Devoir lorsque nous l’avons contactée. La Montréalaise est diplômée de l’ENPQ depuis février. Selon la loi 21, elle ne pourra être embauchée dans un corps policier du Québec si elle souhaite continuer de porter le voile.

Alain Normand, ancien gestionnaire des mesures d’urgence de la Ville de Brampton, n’est pas surpris de cette absence de recrutement. « Je suis presque certain que cette décision a été prise sans consultation auprès des responsables du recrutement », dit-il. Selon le nouveau retraité, le recrutement de policiers est régi par des normes sévères et des conventions collectives qui limitent grandement l’arrivée de nouvelles recrues ne possédant pas d’antécédents en Ontario.

Campagne publicitaire

 

La police régionale de Peel avait tout de même lancé une campagne publicitaire au Québec entre le 7 août et le 16 septembre 2019 invitant les policiers à s’établir dans la région, qui représente principalement les villes de Brampton et de Mississauga. Le service policier a dépensé 1500 $ en publicité numérique et dit avoir joint 85 000 personnes grâce à la campagne publicitaire.

Le maire de Brampton, Patrick Brown, alors membre du conseil, s’était dit « fier d’appuyer la motion » sur les réseaux sociaux. En décembre 2021, le conseil municipal de Brampton a adopté une motion permettant l’utilisation de fonds publics pour lutter contre la loi 21. Depuis, le maire a réussi à rallier plusieurs villes canadiennes, dont Toronto, London et Calgary. Il n’a pas répondu aux nombreuses demandes de commentaire du Devoir.

Recrutement à la ville

Cinq jours après l’adoption de la motion du conseil d’administration de la police, en juin 2019, le conseil municipal de Brampton et son maire ont encouragé les employés municipaux québécois touchés par la Loi sur la laïcité à se joindre à leur Ville. Cela comprenait les pompiers, qui sont sous la gouverne des municipalités.

Par courriel, un porte-parole de la Ville a indiqué ne pas pouvoir dire si des employés ont été engagés depuis l’adoption de la motion. Mais selon Paul Lecompte, le président de la section 1068 de l’Association internationale des pompiers (IAFF), qui représente les pompiers de Brampton, aucun Québécois ne s’est joint à l’équipe depuis le 26 juin 2019. Alain Normand dit être « certain » qu’aucun pompier québécois n’a été embauché entre 2019 et avril 2021, lorsqu’il a pris sa retraite.

Fabio Gazzola, le président de la section 831 du Syndicat canadien de la fonction publique (CUPE), affirme pour sa part qu’à sa connaissance, aucun employé municipal n’a été recruté depuis juin 2019. « Nous sommes l’une des villes les plus multiculturelles de l’Ontario et peut-être même du Canada, donc c’est bizarre de dire qu’on va aller engager des Québécois », dit-il.

Comme l’a fait la police régionale, la municipalité a déboursé 5000 $ en 2019 pour de la publicité sur les réseaux sociaux LinkedIn, Facebook et Instagram. Au moment de l’adoption de la motion, l’un des conseillers municipaux de Brampton, Gurpreet Dhillon, avait critiqué la mesure, la décrivant comme un « coup publicitaire ». « Est-ce raisonnable d’acheter de la publicité au Québec au lieu d’en faire dans nos médias ethniques locaux ? » avait-il demandé.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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