Une église poursuit Québec pour avoir imposé le passeport vaccinal

L’État québécois ne devrait pas se mêler de la pratique de la foi et certainement pas restreindre l’accès aux lieux de culte en imposant le passeport vaccinal et des limites au nombre de fidèles, soutient une église baptiste située en banlieue de Québec, qui réclame notamment 100 000 dollars en dommages punitifs au gouvernement dans une action en justice.
« Les églises sont des sanctuaires pour le peuple, pas un service de répression régenté par le gouvernement », a déclaré Guillaume Boucher-Roy, le pasteur de l’église baptiste de Saint-Augustin, dans un communiqué.
En effet, en imposant le passeport vaccinal — désigné par le mot allemand « Impfausweis » dans la poursuite —, l’État a « enrégimenté le clergé » dans son action de discrimination systématique et de harcèlement des personnes non vaccinées, affirme-t-il.
Or, le pasteur « croit sincèrement que les Saintes Écritures, tout comme la charité la plus élémentaire, lui prescrivent d’accueillir les gens à l’église sans distinction », est-il écrit dans une section de la procédure intitulée « La loi contre la charité et la foi ». « L’Impfausweis répugne à sa conscience. »
Il estime que le gouvernement devrait être tenu responsable des « souffrances morales et spirituelles que les dirigeants politiques ont infligées à ses ouailles » pendant la pandémie de COVID-19. Pour bon nombre d’entre eux, des « séries Netflix et des séances de yoga dans leur salon » ne peuvent assouvir leur quête de sens, a renchéri Me Samuel Bachand, qui a rédigé la poursuite.
Et alors que de nombreux lieux de culte ont offert des rassemblements virtuels — même l’eucharistie — durant la crise sanitaire, « Teams, Zoom, Skype et autres plateformes virtuelles n’offrent que des ersatz de présence humaine, sans profondeur et sans grande valeur spirituelle », contrairement au « rituel central » de la messe, poursuit-on dans la procédure.
Jusqu’à maintenant, les contestations visant à faire invalider des mesures sanitaires au Québec ont toutes échoué.
Vendredi, le cabinet du ministre de la Justice a indiqué qu’il n’allait offrir aucun commentaire, vu les procédures judiciaires en cours.
La police vide leur église
Le pasteur fait état dans la procédure d’une intervention policière s’étant déroulée dans son église le 23 janvier dernier, lors de laquelle les agents ont fait irruption en plein milieu d’une cérémonie religieuse, la déclarant « rassemblement illégal ».
Les fidèles ont été « identifiés » avant d’être expulsés, est-il écrit.
Le gouvernement de François Legault ne respecte pas la séparation de l’Église et de l’État, juge MeBachand, qui est l’avocat principal du Centre de justice pour les libertés constitutionnelles au Québec.
Le Centre, qui a contesté devant les tribunaux bon nombre de mesures sanitaires depuis le début de la pandémie, est aussi derrière cette action en justice.
Déposée le 25 février, elle s’attaque à la légalité et à la constitutionnalité des arrêtés ministériels et des décrets gouvernementaux de Québec qui ont mis des limites au nombre de personnes pouvant aller à la messe, et aussi imposé par la suite aux croyants de prouver qu’ils sont vaccinés avant de franchir le seuil des églises.
Le but est de les faire déclarer invalides et illégaux « afin d’empêcher que d’autres abus soient commis » par l’État, a précisé en entrevue Me Bachand.
Le passeport vaccinal n’est plus requis dans les lieux de culte depuis le 21 février, et il ne sera plus exigé dans les lieux publics à compter du 12 mars. Il n’y a d’ailleurs plus de limite au nombre de personnes pouvant assister à la messe.
Mais cela ne change rien à la raison d’être de l’action en justice, fait valoir l’avocat : ces mesures peuvent être réactivées à tout moment.
C’est pourquoi il est demandé que tous les décrets à ce sujet soient invalidés pour de bon et qu’un juge déclare qu’ils ont violé bon nombre de droits constitutionnels protégés par les chartes, dont la liberté de religion, la liberté d’association ainsi que le droit à l’égalité, au respect de la vie privée et aussi à la sécurité de la personne et à l’autonomie sur son propre corps.
Pour ces atteintes aux chartes québécoise et canadienne, des dommages punitifs de 100 000 dollars sont réclamés au ministre de la Santé et des Services sociaux.
Le préjudice a déjà été subi, insiste Me Bachand, et les atteintes aux droits constitutionnels « méritent une sanction judiciaire ».
Si le but premier de l’action est de faire invalider les décrets et arrêtés ministériels, les dommages punitifs vont « envoyer un signal au gouvernement », indique-t-il.
Quant au pasteur, il souligne dans le communiqué que plus jamais nous ne devrions accepter que les églises soient fermées dans un « délire germaphobe ».