Les femmes, perdantes dans la course au logement

Caroline Rodgers
Collaboration spéciale
Une manifestante lors d’un rassemblement le 24 avril dernier, à Montréal, où des centaines de locataires ont dénoncé la flambée des prix des loyers et la hausse des évictions.
Graham Hughes La Presse canadienne Une manifestante lors d’un rassemblement le 24 avril dernier, à Montréal, où des centaines de locataires ont dénoncé la flambée des prix des loyers et la hausse des évictions.

Ce texte fait partie du cahier spécial Journée internationale des femmes

De tous les enjeux concernant les femmes, s’il en est un qui fait consensus parmi tous les groupes d’aide et organismes communautaires, c’est le logement.

« Avec la pandémie, le rapport au logement a changé, et à Montréal, la crise du logement affecte particulièrement les femmes, surtout les locataires à faibles revenus et celles faisant partie de groupes minoritaires », explique Marie-Ève Desroches, chargée de projet à la Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM). « Les préjugés font en sorte que, dans un marché locatif compétitif comme nous avons présentement, de nombreuses femmes ne sont pas vues comme de bonnes locataires potentielles. »

On se souviendra que, l’année dernière, l’image d’une queue interminable de gens souhaitant louer un appartement à Verdun avait fait les manchettes.

« C’est certain qu’une femme ex-détenue ou faisant partie d’une minorité va perdre à cette compétition. Une femme qui n’a pas une bonne cote de crédit, qui n’a pas de bonnes références, va perdre dans cette course à un logement adéquat. Or, de notre point de vue, le logement est un droit et on ne devrait pas avoir à faire des pieds et des mains pour en avoir un. »

Derrière cette difficulté d’accès à un logement, d’autres problèmes plus profonds se profilent et l’iniquité salariale joue un rôle important.

« Les femmes ont davantage été touchées par les pertes d’emplois liées à la pandémie. On voit aussi une pauvreté importante chez les femmes plus âgées qui n’ont pas bénéficié de bons salaires au cours de leur vie. Les inégalités salariales et la précarité font en sorte que les femmes sont plus souvent locataires, et sont aussi plus dépendantes des logements sociaux. »

Logement et confinement

 

En 2019, la TGFM avait dressé un état des lieux sur la situation du droit au logement des femmes à Montréal. Une mise à jour après la pandémie démontre que la situation s’est encore dégradée.

Dans le contexte du confinement et des mesures sanitaires, le télétravail expose les femmes locataires à des problèmes de santé et à la violence conjugale.

« Les logements trop petits et mal insonorisés sont devenus des sources de conflits pour les familles. Avec le confinement, les conflits de voisinage ont vraiment explosé, et débouchent sur du harcèlement, des propos discriminatoires et du stress. Ce qui fait en sorte que les mères de famille monoparentale ne se sentent plus en sécurité, entre autres. »

La hausse des évictions et des reprises de logement touche également fortement les femmes, et certaines ne sont pas outillées pour naviguer à travers les recours possibles et faire valoir leurs droits.

Revendications

 

Comme de nombreux autres groupes, la TGFM demande au gouvernement des actions pour améliorer l’accès des femmes au logement en préservant un parc locatif abordable. On parle ici de l’établissement d’un registre des loyers, de mesures de contrôle des prix et d’interdiction des reprises de logements quand les taux d’inoccupation sont inférieurs à 3 %, entre autres.

Les inégalités salariales et la précarité font en sorte que les femmes sont plus souvent locataires, et sont aussi plus dépendantes des logements sociaux

 

Certaines mesures plus spécifiques aux femmes sont aussi revendiquées.

« On veut que les villes se dotent d’agents de milieu pour prévenir les situations de violence envers les femmes locataires. Par exemple, à Montréal, on commence à élaborer une certification pour les propriétaires responsables. Pour le moment, cette certification concerne seulement la salubrité et les hausses de loyer. »

« On aimerait qu’elle tienne aussi compte de la discrimination et du harcèlement sexuel. Quelqu’un ne peut pas être considéré comme un propriétaire responsable s’il y a eu du harcèlement dans un immeuble, ou que l’on entre chez les locataires sans leur consentement, par exemple. »

Les inquiétudes autour du logement social

 

Les logements sociaux sont évidemment au cœur des revendications. À Montréal, 23 000 personnes sont présentement en attente pour obtenir un logement dans un HLM.

« On a besoin d’investissements massifs dans les logements sociaux, et on a aussi besoin d’offrir une diversité d’options, notamment pour des femmes de groupes minoritaires. Car en ce moment, l’accès est limité aux femmes qui participent à certains programmes qui ne conviennent pas à toutes. On veut que les femmes aient le choix d’aller vivre dans un milieu qui leur convient. »

Un nouveau programme, le Programme d’habitation abordable Québec, annoncé récemment et doté d’un budget de 200 millions de dollars, suscite l’inquiétude des groupes communautaires.

« Il n’y a pas eu de vaste consultation auprès des groupes ni d’analyse différenciée selon les sexes. On nous parle de logement abordable sans définition claire. Pour nous, l’abordabilité ne doit pas être conçue en fonction des prix du marché, mais relative aux revenus. Idéalement, le coût d’un loyer ne doit pas dépasser 25 % des revenus d’une personne. De plus, ce programme semble favoriser de plus gros projets immobiliers, pour atteindre une cible plus élevée de logements. Les groupes de femmes favorisent le développement de plus petits projets, afin d’être en mesure d’offrir de meilleurs services et du soutien sur place aux locataires. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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