Les régions plus touchées par les refus d'étudiants étrangers

Parmi la quinzaine d’universités québécoises, ce sont celles du réseau de l’Université du Québec (UQ), qui regroupe toutes celles situées en région, qui sont les plus pénalisées par les refus.
Photo: Alice Chiche Archives Le Devoir Parmi la quinzaine d’universités québécoises, ce sont celles du réseau de l’Université du Québec (UQ), qui regroupe toutes celles situées en région, qui sont les plus pénalisées par les refus.

Les cégeps et les universités francophones situées en région québécoise sont les plus grandes victimes collatérales des hauts taux de refus des étudiants étrangers par Immigration Canada, selon une analyse des plus récentes données compilées par Le Devoir. Alors que le rejet massif des étudiants d’Afrique francophone est décrié ces jours-ci à Ottawa, plusieurs acteurs du milieu de l’éducation au Québec tentent d’en expliquer l’effet sur leur « clientèle naturelle ».

Parmi la quinzaine d’universités québécoises, ce sont celles du réseau de l’Université du Québec (UQ), qui regroupe toutes celles situées en région, qui sont les plus pénalisées par les refus. Au cours des trois dernières années, les taux de rejet des demandes de visa d’études formulées par des étudiants étrangers se destinant à l’un ou l’autre de ces établissements ont souvent franchi la barre des 60 %, et même des 80 %. Quant aux universités anglophones, elles ont des taux de refus bien moindres.

Le bilan de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) est éloquent. L’an dernier, 79 % des 9000 étudiants ayant déposé une demande de permis d’études ont reçu une réponse négative d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). En 2020 et en 2019, les taux de refus ont été, respectivement, de 88 % et 78 %.

« Quand je regarde nos bassins de recrutement, c’est la France, la Belgique et les pays d’Afrique francophone », a soutenu Christian Blanchette, recteur de l’UQTR, pour expliquer le phénomène. Les étudiants provenant d’Afrique francophone essuient en effet les plus hauts taux de refus pour un permis d’études, qui vont jusqu’à 90 %, comme le rapportait Le Devoir en novembre dernier. Avec 2334 étudiants étrangers admis à l’UQTR pour l’année 2021-2022, les inscriptions sont toutefois en hausse. « Mais on est profondément tristes de penser qu’on pourrait en accueillir encore plus. »

À l’instar de l’UQTR, l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), qui admet beaucoup d’étudiants d’Afrique francophone, a vu plus de 70 % de ses 2000 étudiants étrangers se faire refuser le visa. C’est que l’UQAR a connu une explosion des demandes d’admission venant de l’Algérie, qui sont passées de 300 à 2200 l’an dernier, explique Benjamin Simard-Jean, responsable de l’internationalisation.

Or, depuis 2019, le taux de refus de permis d’études pour les Algériens est parmi les plus élevés et frise les 80 %, selon les données d’IRCC. « Sur les quelque 2000 provenant de l’Algérie, on n’en a eu que 20 qui sont venus », a dit M. Simard-Jean. « On ne veut pas dire que ce qui arrive est 100 % la faute d’IRCC, mais on demande que ce soit traité équitablement, comme pour ceux qui viennent de Chine et d’Inde. »

Des cégeps en région pénalisés

 

Au niveau collégial, les taux de refus de permis d’études seraient également plus élevés pour les établissements situés en région. Le cégep de l’Abitibi-Témiscamingue s’est heurté à des taux de refus de plus de 75 % ces trois dernières années. Les taux dépassaient les 60 % pour les cégeps de Trois-Rivières et de Chicoutimi. En revanche, certains cégeps en région ont connu de très faibles taux de refus l’an dernier, comme ceux de St-Félicien (17 %) et de Matane (5 %).

Le directeur des affaires internationales à la Fédération des cégeps, Francis Brown Mastropaolo, appelle à la prudence lorsqu’il s’agit de comparer les cégeps montréalais à ceux des autres régions du Québec. En particulier parce que les cégeps en région sont plus actifs dans le recrutement à l’étranger et s’exposent donc davantage à des refus.

Toutefois, selon des données d’IRCC analysée par la Fédération, les étudiants étrangers souhaitant intégrer le réseau collégial seraient plus susceptibles d’essuyer un refus pour leur visa d’études que ceux du niveau universitaire. Il cite en exemple le Maroc, pour lequel le taux de refus est de 55 % au niveau collégial, mais de seulement 35 % au niveau universitaire.

« Il y a un réel problème avec notre taux de refus [pour les étudiants] venant des pays francophones, croit M. Brown Mastropaolo. Il est plus haut que dans le reste de l’enseignement supérieur. Est-ce que c’est parce que certains ne savent pas c’est quoi un cégep ? »

Jeudi, devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, s’est dit ouvert à « produire un document » qui expliquerait le fonctionnement du système Chinook, un outil d’intelligence artificielle qui traite certaines demandes et que plusieurs accusent de biais discriminatoires.

Le ministre n’est pas non plus fermé à l’idée d’ouvrir un poste d’ombudsman de l’immigration, une suggestion du député bloquiste Alexis Duceppe-Brunelle. Si ce dernier reconnaît la volonté sincère du ministère, il déplore l’attitude de ses fonctionnaires, qui ne semblent pas vouloir reconnaître l’existence du problème. « Le plus gros problème, c’est justement qu’on nous dit qu’il n’y a pas de problème. Il faut être capable de le nommer pour pouvoir le régler. »

Avec Sandrine Vieira

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