Montréal serre la vis à des propriétaires d’immeubles
Les gestionnaires d’immeubles locatifs de huit logements et plus posant des enjeux de salubrité ou de sécurité pourront écoper d’amendes salées et répétitives en vertu de la future certification obligatoire de « propriétaire responsable » de la Ville, qui devrait entrer en vigueur l’an prochain. Ils devront aussi dévoiler le loyer de leurs unités locatives une fois tous les cinq ans.
L’administration de Valérie Plante a dévoilé mardi les détails de cette certification, qui comptait parmi les promesses électorales de la cheffe de Projet Montréal dans le cadre des 100 premiers jours de son mandat. Elle s’appliquera à environ 250 000 logements, soit environ 35 % du parc locatif de la métropole.
« Ces histoires d’immeubles multi-logements infestés par la vermine ou dévastés par la moisissure, c’est inacceptable », a lancé mardi la mairesse Valérie Plante, qui a déclaré en conférence de presse à l’hôtel de ville vouloir « serrer la vis » aux propriétaires problématiques dans la métropole.
Afin d’obtenir cette certification, qui sera à renouveler tous les cinq ans, les propriétaires concernés devront prouver que chacun des logements locatifs dans leur immeuble n’est pas insalubre ou encore confronté à des enjeux de sécurité, notamment concernant leur structure et la solidité des balcons. Ils devront faire inspecter ceux-ci et s’engager à apporter les correctifs nécessaires dans les logements problématiques avant d’obtenir cette certification.
C’est donc un enjeu de taille qui attend les 16 inspecteurs du service de l’habitation de la Ville et les 125 autres répartis dans les arrondissements de la métropole, qui devront s’assurer du suivi de l’application des engagements que prendront ces propriétaires. « On est bien doté en personnel », a néanmoins assuré mardi le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais.
Les propriétaires devront aussi fournir le loyer de chacun de leur logement au moment d’obtenir cette certification en plus d’indiquer ceux qui sont vacants et occupés, de même que la taille de ceux-ci. Cette information sera accessible en ligne, sous forme de données ouvertes qui seront mises à jour tous les cinq ans. Les locataires pourront aussi consulter le statut de la certification des propriétaires assujettis à celle-ci.
Amendes
L’obtention de cette certification étant obligatoire, les propriétaires qui négligeront d’obtenir celle-ci ou qui la perdront à la suite du passage d’inspecteurs dans leur bâtiment pourront écoper d’amendes salées qui pourront être appliquées à répétition, au besoin. Pour les personnes physiques, celles-ci varieront de 250 à 625 $ pour une première infraction et de 1250 à 2500 $ pour une récidive. Pour les entreprises, ces amendes varieront de 500 à 1250 $ pour une première infraction, un montant qui pourra grimper jusqu’à 5000 $ dans le cas d’une récidive.
Ces amendes s’appliqueront par logement et à chaque visite des inspecteurs, lorsque des infractions seront constatées sur place, afin que la pression soit suffisante pour faire plier les plus grands propriétaires immobiliers qui refuseraient de respecter les exigences de salubrité et de sécurité de la Ville. « Ce n’est pas des peanuts quand on sait qu’on va être capable de leur imposer des infractions par jour et par loyer. Si vous êtes propriétaire d’un [immeuble de] 100 logements, ça va vous faire 100 fois le montant par jour. Donc, ça peut aller vraiment très vite et être très dissuasifs », estime M. Dorais.
« Dans les cas graves de non conformités, la certification pourrait être refusée ou révoquée », a-t-il ajouté. Les propriétaires récalcitrants pourraient aussi perdre l’accès à certaines aides financières de la Ville dédiées notamment à la rénovation de logements.
Des réactions aux antipodes
D’ailleurs, les gestionnaires de plusieurs immeubles de logements devront obtenir une certification pour chacun de ceux-ci. Les organismes publics, comme l’Office municipal d’habitation de Montréal, seront aussi assujettis à cette réglementation.
« On est consternés que la Ville de Montréal, sans consulter les propriétaires, met en place des mesures qui sont tout à fait inadéquates », a réagi mardi le président de l’Association des propriétaires du Québec, Martin Messier, en entrevue au Devoir. M. Messier estime que cette certification équivaut à « tirer une mouche avec un bazouka », compte tenu du fait que « la majorité des propriétaires » entretiennent bien leurs unités locatives. « C’est un énorme fardeau », ajoute-t-il au sujet des dépenses en inspections qui incomberont aux propriétaires concernés.
À l’inverse, le Front d’action populaire en réaménagement urbain a déploré par écrit que le futur registre des loyers ne s’appliquera pas à « tous les logements locataires » de la métropole, empêchant aussi de nombreux locataires d’être protégés « contre les hausses de loyer abusives ».
La Ville juge pour sa part que ce sont dans les immeubles de huit logements et plus que l’on recense le plus de problèmes d’insalubrité dans la métropole, d’où la décision de limiter l’application de cette certification à ceux-ci.
Pas avant 2027
Cette certification devra toutefois traverser plusieurs étapes avant d’entrer en vigueur. Elle fera notamment l’objet d’une résolution en séance du conseil municipal lundi prochain. La Commission sur le développement économique et urbain et l’habitation de la Ville mènera ensuite une consultation publique avant d’émettre des recommandations à l’endroit de l’administration de Valérie Plante.
« On va aller en consultation pour entendre les préoccupations et des idées pour bonifier. Présentement, il y a deux côtés de la médaille », a évoqué la mairesse de Montréal, qui assure être à l’écoute autant des préoccupations des locataires que des propriétaires dans ce dossier.
Des modifications officielles à la réglementation de la Ville concernant la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements devraient ensuite être adoptées à l’hiver 2023, avant de s’appliquer de façon progressive. Ces mesures ne concerneront ainsi d’abord que les bâtiments de 100 logements et plus, le 1er juin 2023, avant de viser progressivement des bâtiments de plus petite taille jusqu’au 1er juin 2027, date à laquelle tous les immeubles de huit logements et plus devront se plier à cette nouvelle réglementation.