Le cancer de la thyroïde, hantise de Jacinthe

On entend souvent parler du délestage depuis le début de la pandémie, mais ses effets demeurent abstraits. Alors que les hôpitaux font face à un manque de ressources critique, Le Devoir a décidé de mettre des mots et des visages sur les statistiques. Aujourd’hui, l’histoire de Jacinthe.
Jacinthe Laporte, 45 ans, a une petite bosse dans le cou. Elle est à peine visible au commun des mortels, mais Jacinthe ne pense qu’à elle.
Il s’agit d’une masse sur sa glande thyroïde. La maladie du goitre est répandue dans sa famille et elle a elle-même été opérée d’urgence à 17 ans pour une tumeur qui s’est révélée bénigne.
Qu’en est-il cette fois-ci ? L’endocrinologue qu’elle a consulté a fait valoir qu’il y a 33 % de risque que ce soit cancéreux. Un risque notable mais insuffisant pour que sa chirurgie soit jugée prioritaire. Les cancers dépistés doivent être traités avant. Or, dans son cas, l’opération joue à la fois le rôle du dépistage et celui du traitement.
« Il n’y a aucun moyen de savoir si c’est cancéreux sans passer à la lamelle », résume-t-elle.
La petite bosse est apparue en 2019. En novembre, on lui a alors dit qu’elle serait opérée d’ici six mois. Et la pandémie est arrivée, avec de nouveaux reports de six mois.
« Il faut que je sois prête un petit peu tout le temps, avec quatre enfants à gérer, sans savoir ce sera quand », raconte-t-elle au téléphone tandis qu’on entend derrière sa fille en pleine pratique de violoncelle.
Ce qui peut être préparé
Tous les six mois, elle revoit son chirurgien, qui lui dit qu’il n’a pas de disponibilité pour l’opérer. À défaut de quoi, il réalise une nouvelle biopsie pour mesurer la progression de la masse. « De fois en fois, ça ne s’aggrave pas. Ça grossit mais ça ne s’améliore pas, donc il n’y a rien pour rassurer. »
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Ce n’est pas rien pour Jacinthe, qui est sujette à l’anxiété. « C’est l’anxiété qui est de plus en plus difficile à gérer », souligne-t-elle d’ailleurs.
« Quand la fille des acteurs Violette Chauveau et Normand Chouinard est décédée l’an dernier, elle était en attente d’une chirurgie. Ça m’a tellement donné un coup au cœur ! Ça m’a fait un choc, je me suis mise à trembler. »
Afin de gérer son stress, Jacinthe a décidé d’intervenir sur ce qu’elle contrôle dans sa vie. Après quinze années d’union, elle et son conjoint se sont mariés. Ils ont acquis sa maison de rêve, elle a bouclé un vieux projet de livre. Puis elle a rédigé son testament, choisi et acheté son lot au cimetière. « J’haïs ça ne pas être prête et ça, je peux le préparer. »
Si vous souhaitez nous faire part d’une histoire sur les conséquences du délestage, écrivez à nos journalistes Isabelle Porter et Jessica Nadeau : iporter@ledevoir.com et jessicanadeau@ledevoir.com