De nouveaux points de convergence sur l’accessibilité au logement en Ontario

Un groupe d’étude ontarien récemment formé pour s’attaquer au problème de l’accessibilité au logement abordable dans la province pourrait avoir trouvé des solutions qui plaisent à la fois à la base progressiste-conservatrice et aux urbanistes en quête de nouvelles formes de logement, selon certains experts. Le mariage des intérêts est unique, mais les recommandations ne sont qu’un début, disent-ils.
Le groupe, composé de membres du monde universitaire, communautaire et de l’industrie immobilière, propose plusieurs mesures qui réduisent la lourdeur administrative lors du processus de constructions multi-unités dans les grandes villes. Ce processus est depuis longtemps peu commode, selon plusieurs architectes et urbanistes torontois. D’après des médias ontariens qui ont obtenu une version préliminaire du rapport, le groupe recommande entre autres l’élimination du zonage d’exclusion et l’augmentation des coûts pour contester un projet.
En ce sens, le groupe de travail, à quatre mois des élections provinciales, pourrait avoir trouvé un terrain d’entente avec certains membres du milieu de l’urbanisme qui souhaitent densifier les villes et limiter l’étalement urbain, que le gouvernement est accusé d’encourager avec son projet d’une nouvelle autoroute. « Le groupe a proposé une solution à la crise du logement sans augmenter l’intervention de l’État. C’est intéressant du point de vue politique », observe la politologue Alison Smith, qui fait des recherches sur l’accès au logement à l’Université de Toronto. « Presque tout le monde s’entend sur le fait que le système est brisé », souligne Craig Ruttan, directeur des politiques de logement à la Chambre de commerce de la région de Toronto.
Propositions « radicales »
Les propositions du groupe d’étude sont « radicales », affirme la professeure Alison Smith. Le groupe d’étude recommande d’éliminer le zonage d’exclusion dans les villes de plus de 100 000 habitants. Tout terrain résidentiel devrait dorénavant permettre la construction d’immeubles d’au plus quatre étages ou quatre unités, juge le comité. À Toronto, près du tiers de la superficie de la ville a présentement un tel zonage, ce qui empêche la construction multi-unités. Ainsi, 24 % du parc immobilier torontois est formé de maisons unifamiliales (coûtant en moyenne 1,3 million de dollars) contre 7 % à Montréal.
« Comment pouvez-vous avoir des maisons dispendieuses près d’infrastructures de transport en commun ? » se demande l’architecte torontoise Naama Blonder, du cabinet Smart Density. Un travail avait déjà été amorcé au niveau municipal pour faciliter la construction multi-unités, mais les efforts sont encore à l’étape consultative. « Mon souhait, c’est que les recommandations du groupe de travail à la province nous aident dans nos efforts et nous amènent à éliminer le zonage d’exclusion », a fait savoir le conseiller municipal Brad Bradford.
D’après les informations rapportées par le diffuseur public TVO, le groupe d’étude recommande, entre autres, l’élimination du processus d’approbation des plans d’implantation pour les projets de moins de dix unités s’ils sont conformes au zonage. En vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire, certaines zones de Toronto sont sujettes à un examen des planificateurs municipaux pour les bâtiments de plus de quatre étages ou quatre unités.
Des promoteurs immobiliers cherchent constamment à éviter le processus, révèle Naama Blonder. « Chaque semaine, j’ai un promoteur qui m’appelle et me demande quel est le maximum permis pour éviter une approbation du plan d’implantation. On perd des logements, parce qu’ajouter un an au processus a un impact important », lance l’architecte. La Banque mondiale classe le Canada, représenté par Toronto, 64e au monde dans un classement sur la facilité d’obtenir un permis de construction.
Les neuf membres du comité recommandent de faire passer le coût des appels des partis tiers au Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire de 400 $ à 10 000 $, de façon à réduire le nombre d’appels d’associations de quartier. Le tribunal devra trouver un équilibre, pense Craig Ruttan. « En ce moment, une seule personne en colère qui n’est même pas un voisin peut faire appel, ce qui retardera un projet immobilier », dit-il.
Assez pour régler le problème ?
La professeure Alison Smith salue les recommandations du rapport, mais s’inquiète du fait qu’on y trouve peu de recommandations spécifiquement pour le gouvernement. « Ce n’est pas juste le secteur privé qui va régler la crise de logement », dit-elle. L’offre de logement abordable est gérée au niveau municipal en Ontario — la seule province à avoir un système du genre —, mais le financement pour les municipalités ne suit pas, décrit Alison Smith.
Mais Naama Blonder, qui dit avoir parlé avec un membre du comité, explique que ce dernier s’intéressait au logement abordable, et non « très abordable ». « Ce sont des recommandations pour des gens comme toi et moi qui cherchent un logement et qui sont chassés du marché », dit-elle. À Toronto, un logement « très abordable » est défini comme coûtant au plus 40 % du taux de marché ; un logement « abordable », entre 80 et 100 %. Mais les deux qualificatifs sont interreliés : une meilleure offre de logement abordable pourrait permettre à ceux à la recherche d’un logement « très abordable » d’en trouver un plus facilement.
Il reste maintenant à savoir ce que fera le gouvernement Ford du rapport, souligne l’architecte Naama Blonder. « Rien n’a été adopté, note-t-elle, mais on dit les bonnes choses. » « J’espère que le gouvernement agira rapidement lorsque le rapport sera terminé », lance Craig Ruttan, de la Chambre de commerce de la région de Toronto.
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.