Des divisions sur la laïcité persistent

L’interdiction du port de signes religieux chez les enseignants divise « profondément » les francophones et les anglophones, montre un sondage commandé par l’Association d’études canadiennes près d’un mois après la mise à l’écart d’une enseignante voilée d’une classe de troisième année.
D’ailleurs, l’idée d’affranchir les commissions scolaires anglophones de la Loi sur la laïcité de l’État plaît à quelque 50 % des Québécois d’expression anglaise, mais à seulement 11 % des Québécois d’expression française, selon le coup de sonde effectué par la firme Léger il y a dix jours.
En contrepartie, 29,1 % des anglos et 70,1 % des francos s’opposent à une levée de l’interdiction du port de signes religieux pour les écoles primaires et les écoles secondaires publiques de langue anglaise du Québec.
Deux ans et demi après son adoption, la loi 21 demeure une source de division au Québec, selon 71,9 % des anglophones et 38,1 % des francophones interrogés par Léger.
Qui plus est, les Québécois qui s’opposent à la Loi sur la laïcité de l’État sont considérés comme « déloyaux » à la nation par 34,1 % de la population francophone et 11,3 % de la population anglophone, peut-on lire dans le rapport de sondage dont Le Devoir et The Gazette ont obtenu copie mardi.
Intervention du fédéral
L’Association d’études canadiennes a cru bon sonder une nouvelle fois le cœur et les reins des Québécois — et des Canadiens — sur la loi 21, quelques semaines après la réaffectation à d’autres tâches de Fatemeh Anvari, qui enseignait dans une école primaire de Chelsea tout en tenant à porter son hidjab.
D’ailleurs, selon le sondage, 61,3 % des anglophones et 31,6 % des francophones désapprouvent la décision qu’a prise la Commission scolaire Western Québec de retirer à Mme Anvari sa tâche d’enseignante après la lui avoir donnée en contravention avec la loi 21.
« Ce n’est pas correct de voir cela au Canada », avait déploré le premier ministre canadien, Justin Trudeau, en décembre dernier. Le chef du gouvernement fédéral se gardait, disait-il, la possibilité d’« intervenir au bon moment » dans le « processus de contestation judiciaire, [qui, pour l’instant] se fait de façon tout à fait appropriée et légitime par les Québécois ».
Les Canadiens ont des réticences à l’idée qu’Ottawa prenne part à la bataille judiciaire contre la loi interdisant le port de signes religieux par certains employés de l’État québécois, qui se transportera selon toute vraisemblance devant la Cour suprême du Canada. En effet, 39 % des personnes sondées d’une rive à l’autre par Léger sont d’accord avec l’envoi du procureur général du Canada dans le camp des opposants à la loi 21. Quelque 29 % des répondants sont pour leur part en désaccord. Les autres (32 %) ne savent trop quoi en penser ou préfèrent ne pas afficher leurs couleurs.
Cela dit, une majorité de Canadiens (63 %) et de Québécois (57 %) trouve « important » que le plus haut tribunal du pays détermine si la loi 21 — une loi « modérée », selon le premier ministre québécois, François Legault — est discriminatoire envers les croyants.
Le sondage Léger-Association d’études canadiennes a été réalisé en ligne auprès de 1547 Canadiens âgés de 18 ans ou plus entre le 7 et le 9 janvier 2022. Un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur de plus ou moins 2,9 % dans 19 cas sur 20.