Près de 60 000 élèves du primaire à Montréal sont non vaccinés

À quelques jours de la rentrée scolaire en présentiel, près de 60 000 élèves montréalais de 5 à 11 ans n’ont toujours pas reçu leur première dose de vaccin contre la COVID-19. Le Devoir a appris que dans 58 écoles primaires, le taux de vaccination était de moins de 30 % en date du 10 janvier. Parmi ces établissements, 16 affichaient même un taux de 5 % et moins, selon un document de la Direction régionale de santé publique de Montréal obtenu par le journal.
La couverture vaccinale varie grandement dans les 459 écoles primaires de la métropole, révèlent les données de la Santé publique de Montréal. Lundi, plus d’un établissement sur dix ne franchissait pas la barre des 30 % d’élèves vaccinés. Plus du quart enregistrait un taux de vaccination oscillant entre 30 et 50 %. Cliquez sur la carte pour voir où se situe votre école de quartier.
« C’est extrêmement préoccupant quand on constate à quel point les taux de vaccination sont bas dans certains quartiers, dit Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire. Quand on voit des taux de 25 ou 30 %, c’est peu. De toute évidence, le message du gouvernement et de la Santé publique ne passe pas dans certains quartiers [comme] Saint-Léonard, Montréal-Nord et Saint-Michel. »
À titre d’exemple, le quart des élèves sont vaccinés à l’école Léonard-De Vinci, située à la limite du quartier Saint-Michel. Cette proportion est encore plus faible à l’annexe du même établissement. Dans Saint-Léonard, l’école Lambert-Closse présente un taux de vaccination de 22 %.
Trois établissements juifs orthodoxes ont des taux encore plus bas, les pires à Montréal. À l’École première Mesifta du Canada, l’École Beth Jacob de Rav Hirschprung (section anglaise) et l’École communautaire Belz (Campus Ducharme, section anglaise), entre 1 % et 3 % des élèves ont obtenu une première dose.
Au palmarès de la meilleure couverture vaccinale, les Écoles juives populaires et les Écoles Peretz (section anglaise) arrivent en tête avec 91 % d’élèves vaccinés.
Le tableau ci-dessous vous permet de consulter rapidement la couverture vaccinale d’une école, en tapant son nom.
Un retour en classe qui inquiète
Kathleen Legault s’inquiète du retour en classe lundi, surtout dans les écoles où le taux de vaccination est faible. « Est-ce qu’il va falloir penser à des mesures additionnelles pour sécuriser ces milieux ? Par exemple, est-ce qu’on pourrait faire des efforts supplémentaires sur le plan de la vaccination ? Est-ce qu’on pourrait avoir des protocoles de gestion des cas qui sont adaptés ? Est-ce qu’on pourrait penser à des masques N95 [pour le personnel] parce qu’il y aura peut-être plus de contagions ? »
La présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, Catherine Beauvais-St-Pierre, déplore que le personnel enseignant ne connaisse toujours pas le plan de match du gouvernement à quelques jours de la rentrée. Des membres risquent d’être isolés en raison de la COVID-19, fait-elle valoir. « Il va manquer du monde, dit-elle. On ne sait pas si le gouvernement a un plan clair. On se sent vraiment dans l’inconnu. »
Nathalie Grandvaux, directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales du CHUM, estime pour sa part qu’il est « très risqué » de reprendre le présentiel dans les écoles lundi, à moins que le gouvernement « arrive avec un plan de contingence qui soit clair » et qui prévoit une stratégie quant aux tests de dépistage rapide et à la ventilation des classes. « Il faut laisser la possibilité aux professeurs qui veulent porter les N95 de le faire et de se protéger, c’est certain », pense-t-elle.
La couverture vaccinale dans les écoles doit aussi être améliorée, ajoute Nathalie Grandvaux. « Si on a des écoles dans lesquelles on a 30 % des élèves avec une dose, autant dire que la grande, grande majorité n’est pas vaccinée, et c’est là qu’on risque de voir de toute manière des classes fermer », dit-elle. Ce « chaos désorganisé » risque de nuire à la santé mentale des jeunes, peut-être même plus qu’une semaine supplémentaire à la maison, croit-elle.
La Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, est en faveur du retour en classe lundi pour le bien-être des enfants. Selon elle, la couverture vaccinale pour une dose dans les écoles n’est pas un facteur déterminant dans la décision que doit prendre à court terme Québec au sujet du présentiel.
« Ce qu’on voit dans les études, c’est qu’une dose de vaccin ne change pas grand-chose dans le sens où ça va peut-être prévenir les complications, comme le syndrome inflammatoire multisystémique, mais ça ne diminuera pas la contagiosité », explique-t-elle.
Pour réduire la transmission, il faudrait que les enfants soient vaccinés deux fois. « La donnée qui est difficile à obtenir, c’est le pourcentage d’enfants qui ont contracté Omicron depuis la mi-décembre, poursuit la Dre Quach-Thanh. J’ai l’impression qu’il y en a énormément. Une fois que tu as eu l’Omicron, tu n’es plus à risque de l’attraper et comme tu ne l’attraperas pas, tu ne seras pas contagieux non plus. »
À la Direction régionale de santé publique de Montréal, on indique que les écoles ayant les moins bons taux de vaccination seront ciblées prochainement afin de faire un « autre tour de roue ». Le Dr Paul Le Guerrier, coordonnateur de la campagne de vaccination contre la COVID-19, indique que l’opération est plus complexe pour les 5 à 11 ans que pour les jeunes de 12 ans et plus, car elle doit être menée en même temps que celle de la troisième dose des adultes. Et le personnel est limité. « C’est sûr qu’il y a plus de difficultés de dire : “on met toutes nos énergies pour augmenter la couverture vaccinale des 5-11 ans” », remarque-t-il.
Le Dr Marc Lebel, président de l’Association des pédiatres du Québec, rappelle que les autorités s’attendaient à ce qu’un certain nombre de parents ne souhaitent pas faire vacciner leurs enfants. Il juge que les jeunes doivent retourner en classe, quelle que soit la couverture vaccinale actuelle. Leur santé mentale et leur scolarisation en dépendent, avance-t-il.
Le médecin, qui pratique au CHU Sainte-Justine, ne nie pas que le réseau de la santé se trouve dans une « situation très tendue ». Mais peu d’enfants sont hospitalisés en raison d’une infection à la COVID-19, fait-il valoir. « Le virus respiratoire syncytial, c’est 350 hospitalisations en moyenne par année à Sainte-Justine, précise le Dr Lebel. L’influenza, c’est 150 à 200. On a de façon absolue beaucoup plus d’hospitalisations pour d’autres virus [que pour la COVID-19]. Et on ne ferme pas les écoles. »
Méthodologie
Le Devoir a obtenu les données de couverture vaccinale des 459 établissements d’écoles primaires de la Ville de Montréal pour les enfants de 5 à 11 ans (au moins une dose). Elles proviennent d'un document de la Santé publique, qui, elle, s'appuie sur des données de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Les 13 écoles qui comptent 20 enfants et moins ont été retirées de la carte et du tableau par souci de protection de la vie privée. Les données de l’école Bancroft ont été corrigées pour ajuster le nombre d’enfants total et le taux de vaccination, qui est ainsi passé de 18 à 51,4 %.
Les données étaient manquantes pour six écoles : l’Académie Beyachad, campus pour filles ; l’Académie Beyachad, campus pour garçons ; l’École communautaire Belz, Campus Ducharme, section française ; Yeshiva Gedola-Merkaz Hatorah de Montréal, section anglaise ; l’École Très-Saint-Sacrement (Très-Saint-Sacrement, édifice du Savoir) et l’École Peter Hall inc., Campus Côte-Vertu. Les proportions citées dans l’article tiennent ainsi compte des 453 écoles pour lesquelles nous avions l’information.