Le Québec préélectoral

Sur la scène politique québécoise, plusieurs questions restent en suspens à neuf mois des élections générales.
Illustration: Sébastien Thibault Sur la scène politique québécoise, plusieurs questions restent en suspens à neuf mois des élections générales.

Le variant Omicron est venu tapisser de points d’interrogation une année préélectorale qui en comportait déjà plusieurs. Le Devoir propose un regard sur les inconnues qui pourraient influencer 2022 d’ici le scrutin d’octobre. 

À quand la fin de l’état d’urgence ?

L’état d’urgence sanitaire, en vigueur au Québec depuis mars 2020, permet notamment au gouvernement de fermer des lieux de rassemblement, d’ordonner des confinements et de conclure des contrats sans appels d’offres. L’automne dernier, le premier ministre François Legault s’est engagé à mettre fin à l’exercice de ces pouvoirs exceptionnels une fois achevée la vaccination des 5-11 ans.

Il répondait ainsi aux partis de l’opposition, qui réclament depuis des mois au gouvernement d’y mettre un terme ou, à tout le moins, qu’il cesse de le renouveler tous les dix jours par décret. Ils suggèrent notamment de soumettre la question au Parlement, comme le permet aussi la Loi sur la santé publique.

C’était toutefois avant l’arrivée du variant Omicron. Sans grande surprise, la levée de l’état d’urgence sanitaire semblait plus incertaine que jamais du côté du cabinet de M. Legault, avant les Fêtes. La vaccination des 5-11 ans n’a pas été mentionnée. « Il est […] difficile de nous prononcer sur le moment précis de la fin de l’urgence sanitaire, vu la flambée des cas et des hospitalisations actuelle », a répondu l’attachée de presse Nadia Talbot.

Une nouvelle enquête sur les CHSLD ?

Trois instances différentes ont jusqu’ici posé leur loupe sur l’hécatombe printanière dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Le Protecteur du citoyen a rendu son rapport l’an dernier. Le Commissaire à la santé et au bien-être doit le faire en janvier. Celui du Bureau du coroner est attendu plus tard cette année. Cette dernière enquête, menée par l’intransigeante coroner Géhane Kamel, bénéficiera dès le début de l’année du témoignage attendu de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais.

Les taches d’ombre restent cependant trop nombreuses aux yeux des groupes d’opposition, qui ont profité de l’automne pour canarder le gouvernement au sujet de sa gestion de la pandémie et exiger de nouveau une enquête publique indépendante. Jusqu’à maintenant, le premier ministre ne mord pas et s’en remet aux investigations en cours. Exaspéré avant la relâche parlementaire des Fêtes, François Legault a demandé ceci aux élus de l’autre côté du Salon bleu : « Au-delà du discours, qu’est-ce que vous proposez ? »

Une autre année de pénuries ?

En décembre, le premier ministre François Legault a fait face au décès d’un homme de l’Abitibi-Témiscamingue après qu’il se fut heurté à une urgence fermée en raison du manque de personnel. Une enquête du coroner déterminera si cette situation est en cause, mais cet épisode a rendu plus importants que jamais les résultats attendus des nombreux incitatifs financiers annoncés par le gouvernement pour régler la pénurie de main-d’œuvre dans le réseau de la santé.

Au cours de l’automne, des primes de 12 000 $ à 15 000 $ ont été promises pour attirer 4000 infirmières. Un montant forfaitaire de 12 000 $ par année a été ajouté pour les inciter à aller travailler deux ans en région. Début décembre, 1356 personnes avaient été embauchées. À la fin de l’année, M. Legault s’est donné encore un an pour combler le manque de personnel dans les services essentiels, dont la santé. Il dévoilait alors un vaste plan de qualification ciblant notamment la formation d’infirmières, avec un généreux programme de bourses.

Quelques jours avant l’ajournement des travaux, l’opposition dressait un bilan mitigé des incitatifs financiers. L’arrivée d’un nouveau variant et l’approche de l’échéance électoralepourraient accentuer la pression sur le gouvernement.

Qui remportera Marie-Victorin ?

La circonscription électorale de Marie-Victorin, délaissée par la députée Catherine Fournier après son élection comme mairesse de Longueuil, n’attend plus que le déclenchement d’une élection partielle. Aucun scrutin complémentaire n’a eu lieu depuis celui de Jean-Talon, en 2019. Le prochain donnera le coup de départ officiel à l’année préélectorale, si Omicron ne force pas le gouvernement à faire un accroc à la loi électorale — celle-ci l’oblige théoriquement à lancer l’élection cette année.

Dans une circonscription où rien n’est gagné d’avance, la Coalition avenir Québec attend toujours de présenter son candidat. Le Parti québécois s’est pour sa part tourné vers Pierre Nantel, ex-député néodémocrate et candidat du Parti vert du Canada. Le chef péquiste non élu, Paul St-Pierre Plamondon, a longtemps été pressenti pour la circonscription longueuilloise, un bastion de longue date de son parti. Il a finalement choisi de laisser sa place et d’attendre les élections générales avant de se mouiller. Où ? Il l’annoncera « bien avant le printemps », a-t-il promis.

Quel sera le sort politique d’Éric Duhaime ?

Le Parti conservateur du Québec (PCQ) s’est avancé d’un pas sur l’échiquier politique cette année. Après l’élection d’un nouveau chef, Éric Duhaime, la formation a recruté la députée Claire Samson, en rupture de ban avec la Coalition avenir Québec après avoir fait un don au PCQ.

Dans un récent sondage Léger, les appuis au PCQ oscillaient autour de 5 %, en queue de peloton. Dans la région de Québec, toutefois, ils grimpent à 15 %, faisant du PCQ le premier adversaire de la CAQ dans la capitale et ses environs, devant Québec solidaire, le Parti libéral et le Parti québécois. Malgré un recul de 3 % dans les intentions de vote, M. Duhaime soutient que sa formation accumule les contributions et multiplie ses membres.

Surfant sur la vague de mécontentement provoquée par les mesures sanitaires, le PCQ pourrait récupérer le créneau du vote de protestation. Occupé par l’Action démocratique du Québec, à laquelle M. Duhaime a appartenu un temps, celui-ci est ensuite passé à la CAQ. Jusqu’à la dernière campagne de 2018, où le parti l’a mis de côté pour adopter un positionnement de parti de gouvernement. La perspective de la vaccination obligatoire, évoquée par le ministre de la Santé, Christian Dubé, pourrait fournir au chef conservateur de nouvelles munitions.

La réforme de la loi 101 va-t-elle bon train ?

Le gouvernement l’avait présentée en grande pompe le printemps dernier. Voilà que la réforme caquiste de la « loi 101 » s’éternise. En cinq séances parlementaires distinctes à la fin de la session automnale, les élus n’ont réussi à se pencher que sur 6 des 201 articles du projet de loi de Simon Jolin-Barrette.

Au Parlement, les avis sont partagés. Aux yeux du Parti québécois, le projet de loi 96 n’aidera en rien à ralentir ce qu’il qualifie de déclin abrupt de la langue française. Même au gouvernement, tous ne s’entendraient pas sur la nécessité de modifier ou non la réforme, que plusieurs experts, dont le sociologue Guy Rocher, ont jugée insuffisante.

Les prochaines étapes d’étude du projet de loi seront déterminantes lors de cette dernière session avant les élections. Le ministre responsable aura plus ou moins cinq mois pour l’amender ou l’adopter tel quel. Rien ne dit non plus si certains groupes parlementaires tenteront de retarder son adoption. Pour le moment, M. Jolin-Barrette n’« envisage pas » le recours au bâillon.

Loi 21 : quel résultat pour cette bataille légale et politique ?

La Cour d’appel du Québec se prononcera à son tour sur la légalité de la Loi sur la laïcité de l’État québécois, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale malgré l’opposition des libéraux et des solidaires en juin 2019. La décision du tribunal ne scellera toutefois pas le sort de la loi interdisant le port de signes religieux chez certains employés de l’État, comme les enseignants, les policiers, les juges et les gardiens de prison.

À moins d’un rebondissement, la Cour suprême du Canada sera saisie du dossier. Les opposants à la loi 21, galvanisés par l’appui moral et financier du Rest of Canada (ROC), recevraientvraisemblablement les renforts du procureur général du Canada.

Pour l’instant, le premier ministre fédéral, Justin Trudeau, s’en remet aux Québécois qui, selon lui, « commencent à voir » ses « conséquences réelles [sur] un individu, une communauté, une école, des enfants ». Pour la Coalition avenir Québec et le Parti québécois, M. Trudeau a tout faux : les Québécois appuient largement la loi 21 — une loi « modérée », selon le premier ministre québécois, François Legault. Ils le démontreront lors des prochaines élections générales, le 3 octobre, sont-ils persuadés.

Un autre bilan climatique vert pâle pour le Québec ?

C’est uniquement à la fin de cette année que sera rendu public le prochain bilan climatique du Québec. Les Québécois pourront alors savoir à quel point l’année pandémique de 2020 a contribué au ralentissement des émissions de gaz à effets de serre. Lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale en décembre, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, avait dit s’attendre à une baisse « vraisemblable » des chiffres en 2020. « Mais il ne faudra pas se fier là-dessus », avait-il ajouté.

Le Québec a retranché une minime part de ses émissions polluantes depuis 1990. S’il doit les réduire de 37,5 % en 2030, il ne l’a fait que de 2,7 % jusqu’ici. Et le gouvernement a environ huit ans pour accélérer la cadence. « C’est une marche colossale à franchir d’ici 2030 », a convenu M. Charette à la fin de 2021. En 2022, le gouvernement caquiste aura l’occasion de mettre à jour son plan d’action vert, censé poser les bases concrètes de sa réponse environnementale. Le ministre Charette promet des mesures supplémentaires.



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