Le SPVM souhaite utiliser les téléphones intelligents de ses policiers comme caméras corporelles

Le corps de police évalue cette option, ses dépenses ayant continué de grimper en 2021.
Photo: Josie Desmarais iStockphoto Le corps de police évalue cette option, ses dépenses ayant continué de grimper en 2021.

Les policiers de Montréal seront appelés à utiliser leur téléphone intelligent en guise de caméra corporelle, prévoit le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), dont les dépenses en heures supplémentaires ont bondi l’an dernier dans le contexte de la recrudescence des actes de violence par armes à feu.

Le SPVM a présenté jeudi soir les détails de son budget de fonctionnement aux élus membres de la Commission sur les finances et l’administration de la Ville, qui procède ces jours-ci à l’étude du budget 2022 de la métropole. Le corps de police a alors évoqué son intention de réaliser cette année « une démonstration de faisabilité technologique d’intégration de la caméra portative aux téléphones intelligents ».

« C’est un essai technologique qu’on prend, étant donné qu’on essaie d’être efficient et efficace dans l’utilisation de l’argent des contribuables », a indiqué le directeur du SPVM, Sylvain Caron. « On va voir quels seront les résultats de ce test technologique, pour voir ensuite si on fait un déploiement », a-t-il ajouté, sans toutefois s’engager à ce que l’essai ait lieu d’ici la fin de l’année.

Cette proposition survient dans le contexte où les dépenses du SPVM en 2021 ont largement dépassé le budget initial, qui était de 679 millions de dollars, pour atteindre plutôt 733 millions. En demandant dans un premier temps à ses policiers d’utiliser leur téléphone intelligent comme caméra portative, le SPVM opte donc pour une formule économique. Ce projet devrait d’ailleurs coûter 437 000 $, entrevoit le corps de police, soit une fraction de la somme d’environ 17 millions de dollars que la Ville a prévu dépenser d’ici 10 ans pour munir tous les policiers de la métropole de caméras portatives et résoudre les divers problèmes technologiques que ce projet entraînerait.

« Trouvez-moi un seul corps policier qui a équipé ses policiers avec des téléphones intelligents comme caméras corporelles », a répliqué au Devoir jeudi soir le vice-président de la Commission de la sécurité publique et élu d’Ensemble Montréal, Abdelhaq Sari. « On est dans un monde de licornes », renchérit le membre de l’opposition, qui estime que cette proposition « manque de rigueur ».

Un budget en croissance

 

Pour 2022, le budget du SPVM atteint 724,1 millions de dollars. C’est 45 millions de plus que le montant prévu l’an dernier. Une situation qu’ont contestée plusieurs résidents, qui avaient acheminé des questions écrites aux élus en prévision de cette présentation virtuelle. Certains ont souligné qu’il fallait, selon eux, privilégier le financement des organismes communautaires qui contribuent à la prévention du crime.

« C’est faux de dire que nous devons augmenter les subventions aux services communautaires en coupant le budget [du SPVM]. Nous devons faire les deux. Dans le budget, c’est exactement l’intention de cette administration. Nous avons doublé l’aide au milieu communautaire pour de nouveaux programmes qui seront mis en place cette année », a répondu le directeur général de la Ville, Serge Lamontagne, plus tôt dans la journée. Le fonctionnaire a ainsi insisté sur l’importance pour Montréal d’avoir un corps de police « fort » pour s’attaquer à la violence armée dans la métropole tout en assurant un bon soutien aux organismes communautaires.

« Depuis 2019, le service de police fait face à une situation hors du commun en matière de violence par armes à feu », a rappelé lui aussi le directeur du SPVM. Ce dernier a par ailleurs souligné que par habitant, les policiers de Montréal sont ceux qui coûtent le moins cher aux contribuables, par rapport aux villes de Toronto, Calgary et Winnipeg.

« On fait bonne figure, mais il n’en reste pas moins que les coûts sont énormes », a reconnu M. Caron. D’autant plus que le SPVM est le corps de police parmi ces quatre villes qui compte le plus de policiers par 100 000 habitants, soit 217, en 2020.

« On tente par tous les moyens de respecter la capacité de payer des citoyens, mais la sécurité publique, évidemment, coûte très cher, avec la masse salariale et tous les équipements requis pour faire face à la situation », a renchéri M. Caron.

Des policiers épuisés

 

Le document de présentation d’une trentaine de pages créé par le SPVM fait état d’un bond majeur des dépenses allouées au paiement d’heures supplémentaires l’an dernier, dû principalement à la « mobilisation massive des ressources policières dans la lutte aux violences par armes à feu » par le biais de diverses équipes spécialisées. Ainsi, l’an dernier, près de 55 millions de dollars ont été déboursés à cette fin, une hausse de plus de 50 % par rapport à 2020. Une situation qui vient montrer l’importance d’accélérer l’embauche de nouveaux policiers, estime M. Sari.

« On a un problème au SPVM pour couvrir le territoire », estime l’élu d’Ensemble Montréal. Ce dernier craint en outre que le manque d’effectifs pèse sur les épaules des policiers actuellement en poste. « Ils sont fatigués, ils sont à terre », indique M. Sari.

D’ailleurs, les données colligées par le corps de police font état d’une hausse de 26 % des accidents de travail « avec perte de temps » signalés pendant les trois premiers trimestres de 2021, par rapport à l’année précédente. Ce sont ainsi 6307 jours de travail qui ont été perdus l’an dernier, ce qui représente une augmentation de 17 % par rapport à 2020. « Le taux d’absentéisme » est élevé au SPVM, a confirmé M. Caron.

Le directeur du SPVM a également évalué que 60 policiers seraient ajoutés « au net » au corps de police une fois les départs à la retraite pris en compte, soit nettement moins que ce qu’avait promis la mairesse, Valérie Plante, en campagne électorale.

Avec Jeanne Corriveau

Corruption et collusion : Montréal a récupéré près de 50 millions

Le contrôleur général, Me Alain Bond, a soutenu jeudi que la Ville de Montréal avait pu récupérer près de 50 millions de dollars pour des sommes payées en trop à des firmes en raison de la fraude et de la collusion. Questionné par une élue lors de l’étude du budget municipal devant la Commission des finances, Me Bond a précisé que la Ville poursuivait des négociations avec des entreprises afin d’obtenir d’autres remboursements. « Présentement, il reste essentiellement deux grands défendeurs dans nos discussions, entre autres le Groupe Accurso, qui est sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers », a-t-il expliqué. La Ville souhaite parvenir rapidement à une entente avec le représentant de l’homme d’affaires.

Dans la foulée des travaux de la commission Charbonneau, Montréal a entrepris plusieurs procédures contre des firmes devant les tribunaux pour des contrats qu’il estime entachés par la fraude. En 2018, la Ville avait notamment déposé une poursuite de 14 millions de dollars contre 14 entreprises et individus, parmi lesquels Tony Accurso et Frank Zampino, l’ancien président du comité exécutif, en lien avec le contrat des compteurs d’eau.

Jeanne Corriveau

50 millions récupérés

Le contrôleur général, Me Alain Bond, a soutenu jeudi que la Ville de Montréal avait pu récupérer près de 50 millions de dollars pour des sommes payées en trop à des firmes en raison de la fraude et de la collusion. Questionné par une élue lors de l’étude du budget municipal devant la Commission des finances, Me Bond a précisé que la Ville poursuivait des négociations avec des entreprises afin d’obtenir d’autres remboursements. « Présentement, il reste essentiellement deux grands défendeurs dans nos discussions, entre autres le Groupe Accurso, qui est sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers », a-t-il expliqué. La Ville souhaite parvenir rapidement à une entente avec le représentant de l’homme d’affaires.

 

Dans la foulée des travaux de la commission Charbonneau, Montréal a entrepris plusieurs procédures contre des firmes devant les tribunaux pour des contrats qu’il estime entachés par la fraude. En 2018, la Ville avait notamment déposé une poursuite de 14 millions de dollars contre 14 entreprises et individus, parmi lesquels Tony Accurso et Frank Zampino, l’ancien président du comité exécutif, en lien avec le contrat des compteurs d’eau.

Jeanne Corriveau


À voir en vidéo