Un nombre de cas de COVID-19 difficile à quantifier
L’ampleur de la vague Omicron dépasse les autorités chargées de la quantifier. Le virus se propage si vite que même les tentatives de traçage des cas contacts tombent en désuétude.
L’Organisation mondiale de la santé estime que la pandémie est « sous contrôle » lorsque le taux de positivité des tests en laboratoire se situe sous la barre des 5 %. Le taux de 24,9 % établi dimanche au Québec — un record absolu — « montre qu’on n’a pas tout à fait le contrôle sur notre épidémie et qu’on sous-estime les cas », confirme la Dre Judith Fafard, directrice médicale du Laboratoire de santé publique du Québec.
Tout comme la Dre Fafard, la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva ne peut estimer les données réelles de contamination. Un simple constat autour de soi permet de constater l’écart entre le nombre de tests PCR effectués et le nombre de cas positifs repérés uniquement par un test rapide, note-t-elle. « On a tellement vu de gens qui ont annulé des partys parce qu’ils avaient des gens symptomatiques chez eux et positifs aux tests antigéniques. Ça signifie que le nombre de cas qu’on a actuellement n’est pas représentatif de ce qu’on a dans la population. »
Le taux de positivité est aussi très élevé puisque le gouvernement n’invite plus que les personnes symptomatiques à se faire dépister.
Même la courbe des hospitalisations, un indicateur « tardif » mais rigoureux, ne permet pas d’estimer avec précision l’ampleur de la poussée actuelle de contamination. Les études préliminaires indiquent que le taux d’hospitalisation à cause du variant Omicron est plus faible qu’avec les variants précédents, ce qui brouille les comparaisons, mentionne la Dre Fafard. « Ça se peut que cet indicateur d’hospitalisation, on ne puisse pas le comparer avec celui de Delta ou d’Alpha. »
« Quand on va voir le taux de positivité redescendre, ça va nous donner quand même une idée de la circulation du virus dans la communauté », nuance-t-elle.
Le nombre réel de cas de contamination risque ainsi de demeurer à jamais inconnu. Il existe toutefois une méthode scientifique pour prouver que l’on a été contaminé une fois la maladie derrière nous. « Ça peut se faire. Certaines sérologies nous permettent de faire la différence entre une immunité acquise par la vaccination et une immunité acquise par l’infection », explique Judith Fafard. Or, cette analyse a posteriori ne peut pas déterminer si la contamination s’est produite lors de la vague Omicron ou lors d’une vague précédente. « Ça m’étonnerait que ça soit offert à tout le monde », ajoute la Dre Fafard.
Le traçage maintenant désuet
Non seulement ce nombre de cas réels est plus élevé que ce qui est annoncé quotidiennement, mais les autorités sont également dépassées dans leur quête de traçage de tous les cas contacts.
La faute revient à la période d’incubation très courte d’Omicron qui se situe entre un jour et demi et trois jours dans la plupart des cas. « Le temps d’avoir la déclaration du cas, de joindre la personne, de poser des questions sur ses contacts, il y a déjà eu une deuxième génération qui a eu le temps de transmettre le virus à une troisième génération, explique la Dre Fafard. Le traçage des contacts avec Omicron, je ne veux pas décourager le monde, mais ça risque de ne pas donner beaucoup de bénéfices. »
La responsabilité revient maintenant aux individus de juguler la transmission, note Mathieu Maheu-Giroux, épidémiologiste à l’Université McGill. « Si les gens utilisent les tests rapides et appellent eux-mêmes leurs contacts si positifs, c’est du traçage. Et ça peut aider à réduire la transmission. »
Le temps d’avoir la déclaration du cas, de joindre la personne, de poser des questions sur ses contacts, il y a déjà eu une deuxième génération qui a eu le temps de transmettre le virus à une troisième génération
La capacité de dépistage de l’État québécois plafonne aux alentours de 45 000 tests par jour, en raison des appareils de laboratoire, qui ne peuvent fournir davantage de résultats. « C’est comme si votre micro-ondes fonctionnait 24 heures sur 24. À un moment donné, il va y avoir des défectuosités. Il y a une limite à pousser ces machines-là », explique la Dre Fafard.
La Santé publique travaille actuellement sur une plateforme en ligne « d’autodéclaration » afin de recenser tous les cas positifs qui n’iront pas se faire tester en laboratoire.