D’importantes archives religieuses bientôt regroupées à Longueuil
Les imposantes archives d’une vingtaine de communautés religieuses menacées de déshérence seront regroupées à Longueuil, a appris Le Devoir. Elles seront protégées dans un nouveau bâtiment attenant à l’ancien manoir de briques rouges du maire Louis-Édouard Morin, rue de Normandie, d’ici trois ans si tout va au mieux. Ces précieux documents de congrégations de la grande région de Montréal contiennent des pans importants de l’histoire du Québec et de l’Amérique du Nord.
La Fondation Archives et patrimoine religieux du Grand Montréal (FAR) a acquis, pour la somme d’un million de dollars, cette vaste maison néogothique construite en 1874. La demeure de dix-huit pièces, agrandie au fil du temps, devra se doter d’infrastructures modernes vouées à la conservation des archives, selon les normes prescrites. Les différents ordres de gouvernement n’ont pas été sollicités. Selon les informations obtenues par Le Devoir, ce sont les communautés religieuses qui prendraient entièrement à leur charge les frais de ce sauvetage archivistique.
Selon l’acte de vente, l’organisme à but non lucratif se propose de « transformer et de modifier l’immeuble en un centre d’archives et de conservation du patrimoine religieux au moyen de la construction d’un bâtiment et de ses dépendances à ces fins ». Le projet, prévu à proximité de la cocathédrale du Vieux-Longueuil, est conditionnel à un changement de zonage. Le nouveau conseil municipal ne s’est toujours pas penché sur cette question. Rien n’est pour l’instant prévu à ce sujet pour sa séance du 14 décembre. Si le dézonage n’est pas obtenu, la vente pour un million de dollars sera annulée. La Ville de Longueuil attribue une valeur de plus de 1,8 million à ce bien immobilier.
Sœur Denise Riel, l’animatrice provinciale des religieuses des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM), se dit heureuse de voir la mémoire de sa communauté préservée grâce à un tel projet. « On vieillit et on diminue en nombre », résume-t-elle en entrevue au Devoir. « La gestion de ces documents devient pour nous difficile. Ils vont se défaire de la bâtisse derrière. Ça vient vite, ce projet. On attend les permissions de la Ville. » Les récentes élections municipales, « ça a retardé les choses », dit-elle.
Le projet répond à une urgence, précise sœur Riel. « Il y avait de petites communautés qui n’avaient pas d’espace, pas de moyens, pas de lieu. Et d’autres qui se demandaient où ça irait tout ça, parce qu’elles vendent leurs immeubles. »
Des annonces officielles sont encore prévues en février ou en mars prochain. Simon Bissonnette, le directeur du FAR, n’a pas souhaité répondre aux questions du Devoir pour le moment.
La maison d’un maire en affaires
Le premier propriétaire de cette demeure, le maire Louis-Édouard Morin, est connu pour avoir été un des principaux promoteurs des chambres de commerce au Québec, doublé d’un homme d’affaires actif dans les activités de pêche à Gaspé.
Son imposante demeure, reflet de sa puissance économique, est plantée au milieu d’un terrain imposant de plus de 9000 mètres carrés. Avant la construction des voies rapides de la route 132, la maison était située à peu de distance des battures du fleuve. De 1914 jusqu’en 1995, les lieux appartenaient aux Frères de la Présentation d’Irlande, avant d’être cédés à la Congrégation de Notre-Dame. Depuis, la demeure servait de maison de prière et de retraite.
Les archives de la Congrégation de Notre-Dame ne seront pas d’emblée intégrées à ce nouveau centre, indique au Devoir l’archiviste de cette communauté, Marie-Josée Morin, mais une réflexion, qui doit être conduite à compter de janvier, n’écarte pas cette possibilité.
Céline Widmer, qui a œuvré aux archives des Jésuites et au Musée McCord, sera la directrice de ce nouveau centre d’archives. Elle devra assurer le respect des budgets et des échéanciers établis pour la préparation du centre. Autrement dit, Mme Widmer devra collaborer avec une firme d’ingénierie pour établir les données techniques du projet.
La FAR compte s’adjoindre les services d’un porte-parole crédible dans le monde de l’histoire afin de favoriser la diffusion de sa mission à Longueuil. Diverses personnalités liées à l’histoire et aux communications ont été pressenties.
Le choix de Longueuil apparaît étonnant pour le président du Regroupement des archivistes religieux. « On espérait une réponse pour les communautés de Montréal. On voulait aussi que ce soit facile d’accès. Le choix de Longueuil, même symboliquement, c’est particulier. » L’organisme que préside David Bureau s’est trouvé mêlé au développement initial de ce projet par le financement d’une étude.
Pourquoi ne pas avoir utilisé, afin de loger les archives religieuses, la bibliothèque Saint-Sulpice à Montréal ? Cet ancien centre d’archives, auquel on cherche une vocation depuis des années, n’était-il pas tout désigné ? À l’évocation de cette idée, en 2020, Hélène Laverdure, conservatrice et directrice générale des archives de BAnQ, avait affirmé tout de go au Devoir que « ce serait magnifique, incroyable ».
Il avait également été question de loger cet ensemble archivistique dans l’ancien édifice de l’Hôtel-Dieu à Montréal. « Ça aurait demandé trop de réparations, trop d’investissement » aussi, avance sœur Denise Riel.
La possibilité d’utiliser le bâtiment des Sœurs grises, dans le Vieux-Montréal, a aussi été examinée. Mais une étude s’est avérée non concluante, des coûts moindres plaidant en faveur de Longueuil.