La traversée du désert des locataires avec animaux

Dénicher un logement est devenu très difficile par les temps qui courent, mais trouver un logement où les animaux sont acceptés est encore plus ardu. La dernière année, marquée par une pénurie de logements dans tout le Québec, a rendu la quête d’un toit très éprouvante pour les propriétaires de chiens, de chats et d’autres bêtes à poils ou à plumes.
Amélie Monette en sait quelque chose. À la recherche d’un logement, tous les jours, elle épluche les petites annonces sur différentes plateformes telles que Kijiji, Facebook et Marketplace, mais les perspectives sont peu encourageantes. « J’ai publié une annonce sur plus de 50 groupes différents, et elle a été partagée plus de 400 fois. Mais il n’y a rien en bas de 1000 $, à part les 3 1/2 », explique Mme Monette qui, en plus d’être mère de trois enfants, a deux chiens et deux chats.
Elle a même proposé un dépôt de garantie à des propriétaires qui, dans leur annonce, indiquaient « sans animaux », mais en vain. « C’est complètement déraisonnable de mettre tout le monde d’emblée dans le même panier. Les bonnes références antérieures devraient servir de garantie plutôt qu’un refus automatique. Des conditions pourraient aussi être ajoutées aux clauses du bail, comme des frais de restauration des lieux aux frais du locataire en cas de dommages par l’animal », fait-elle valoir.
La persévérance a fini par être payante pour une autre locataire avec qui Le Devoir s’est entretenu. Après des mois de recherche, cette locataire, qui a préféré garder l’anonymat compte tenu des difficultés auxquelles elle a fait face, a réussi à trouver un logement qui acceptait son golden retriever. Mais la recherche n’a pas été une sinécure. « Nous avons appelé des centaines de propriétaires et, chaque fois, c’était un non catégorique ou on autorisait un petit chien seulement. On a visité toutes sortes de logements, des délabrés et des très petits. Dans certains cas, des propriétaires ne sont pas venus au rendez-vous », relate-t-elle.
Elle a finalement réussi à trouver un propriétaire qui acceptait son chien, mais il lui a fallu convenir d’indiquer dans le bail que les chiens étaient interdits. « Comme ça, s’il arrive quelque chose, il pourra avoir un recours et nous demander que le chien dégage. » Elle déplore cependant de devoir payer pour les mauvais locataires : « Les propriétaires mettent tous les gros chiens dans le même bateau. Pour eux, les chiens, ça détruit tout ou ça jappe sans arrêt. »
Le chat ou le logement
La difficulté de se loger avec un animal de compagnie n’est pas nouvelle. « Le fait qu’on soit dans une crise du logement, ça exacerbe le problème, parce que les propriétaires ont le gros bout du bâton et peuvent imposer ce qu’ils veulent », explique Me Sophie Gaillard, directrice de la défense des animaux à la SPCA de Montréal.
Chaque année, l’organisme enregistre une hausse des cas d’abandons autour du 1er juillet, mais le phénomène ne se limite pas à cette période. « Dans les dernières semaines, on a reçu beaucoup d’animaux en raison des évictions », fait remarquer Laurence Massé, directrice des communications à la SPCA de Montréal.
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Les autres textes du Devoir de citéÀ la SPCA Laurentides-Labelle, à Sainte-Agathe-des-Monts, le problème est devenu courant. « Ç’a toujours existé, mais c’est pire avec la pénurie de logements. Ce qu’on voit, ce sont des gens désespérés qui doivent se séparer de leur animal parce qu’ils n’ont pas trouvé de logement », indique sa directrice générale, Corinne Gonzalez. « Encore hier, on a reçu un chat. Le propriétaire avait donné jusqu’à la fin de la journée au locataire pour se débarrasser du chat, sinon il le mettait dehors. Les gens ne connaissent pas leurs droits », déplore-t-elle.
Selon elle, ce ne sont pas seulement les propriétaires qui devraient avoir le droit d’avoir un animal. « Un animal, ça fait du bien à bien du monde », soutient Mme Gonzalez. Il n’est d’ailleurs pas question pour elle, propriétaire de quelques logements, d’interdire les animaux. Sa seule exigence : que la bête soit stérilisée. « Ça m’est déjà arrivé d’avoir des dommages dans un appartement, mais ce sont les humains qui les avaient faits », affirme-t-elle.
« Ce ne sont pas tous les propriétaires d’animaux qui sont responsables », admet pour sa part Linda Robertson, directrice générale de la SPCA Montérégie. « Il y a des gens qui partent à 6 h le matin pour travailler et reviennent à 10 h le soir. Ce n’est pas une vie pour un chien. » L’organisme a d’ailleurs resserré les critères d’adoption et, depuis 2016, il ne confie pas de chien aux familles ayant des enfants de moins de 10 ans.
Il y a des gens qui partent à 6 h le matin pour travailler et reviennent à 10 h le soir. Ce n’est pas une vie pour un chien.
Dépôt de garantie
Au Québec, la loi ne permet pas aux propriétaires d’immeubles locatifs d’exiger un dépôt de garantie de leurs locataires en cas de dommages. « Mais souvent, les propriétaires d’animaux vont le proposer eux-mêmes parce que c’est la seule manière pour eux de convaincre les propriétaires de les prendre », signale Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). « Pour beaucoup de gens seuls, un animal de compagnie, c’est un morceau important de leur vie. Ça leur apporte beaucoup de réconfort dans leur solitude. »
La présence d’animaux représente une difficulté supplémentaire pour les familles avec enfants, qui peinent déjà à se loger. « Un propriétaire ne peut pas refuser une famille avec des enfants en bas âge. Pas plus qu’il n’a pas le droit de discriminer en fonction de l’origine ethnique ou de l’orientation sexuelle. Mais les animaux ne sont pas un motif de discrimination », rappelle M. Roy-Allard.
Pour beaucoup de gens seuls, un animal de compagnie, c’est un morceau important de leur vie. Ça leur apporte beaucoup de réconfort dans leur solitude.
La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) estime que chaque propriétaire doit être libre d’accepter ou non les animaux dans ses logements. « On est très sensibles à la question », affirme le directeur général de la CORPIQ, Benoit Ste-Marie. Il cite un sondage Léger mené en 2015 auprès des membres de l’organisation. Ce coup de sonde avait révélé que 71 % des propriétaires autorisaient les chats. Quant aux chiens, un propriétaire sur quatre les accepterait, selon ce même sondage. « C’est beaucoup plus que ce que les gens pensent », soutient M. Ste-Marie.
Il fait valoir que les réticences viennent souvent des autres locataires, qui ne souhaitent pas une cohabitation avec les animaux dans leur immeuble. Le sondage de 2015 avait aussi été mené auprès de locataires, et une majorité de répondants, soit 63 %, avaient jugé qu’avoir un chien dans un appartement était inapproprié, indique M. Ste-Marie.
L’Ontario a rendu illégales les clauses de bail interdisant la présence d’animaux dans un logement, et plusieurs pays d’Europe ont des règles similaires. Mais les pétitions et les campagnes menées par la SPCA et par des groupes de défense des animaux au fil des ans n’ont jamais réussi à faire plier le gouvernement du Québec sur cette question.