Les femmes écopent de la crise du logement

Un nombre croissant de femmes peinent à trouver un logement qui répond à leurs besoins et à leur capacité financière au moment même où la pandémie a augmenté les cas de violence conjugale, montre un nouveau rapport qui se veut une sonnette d’alarme auprès des décideurs.
Le Devoir a obtenu copie d’un volumineux rapport de la Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM) qui sera rendu public mercredi après-midi. Le document de 75 pages se base sur les témoignages de 59 groupes de femmes et organisations mixtes pour faire le point sur l’état du droit au logement des Montréalaises par rapport à ce qu’il était en 2019, lorsque la TGFM avait mené un exercice similaire. C’était bien sûr avant la pandémie.
« Les besoins de logements et le manque de ressources d’hébergement existaient avant la pandémie. Mais les besoins se sont beaucoup exacerbés », évoque l’agente de projet à la TGFM, Marie-Ève Desroches, en entrevue au Devoir, mardi.
Le rapport note ainsi que l’augmentation du coût des loyers, qui a atteint 4,6 % entre 2019 et 2020 sur l’île de Montréal, affecte particulièrement les femmes, dont le revenu médian s’établit à 82 % de celui des hommes, selon des données de Statistique Canada.
La quête d’un logement locatif est d’ailleurs particulièrement ardue pour les femmes de familles monoparentales qui tentent de dénicher une unité abordable, mais aussi de taille suffisante pour y accueillir leurs enfants. Ce sont ainsi 95 % des groupes qui ont répondu au sondage mené par la TGFM qui ont dit avoir été aux prises, depuis le début de la pandémie, à une hausse des demandes d’aide concernant l’accès à un logement.
Fuir la violence conjugale
En parallèle, la pandémie a exacerbé les situations de violence conjugale, dont les femmes sont les premières victimes. Ce sont ainsi 18 féminicides qui sont survenus depuis le début de l’année au Québec, contre 8 l’an passé et une moyenne de 10 dans les dernières années dans la province. Le rapport note d’ailleurs que le nombre de demandes d’aide acheminées à l’organisme SOS violence conjugale a considérablement augmenté depuis le début de la pandémie.
Or, pour de nombreuses femmes à faible revenu qui tentent de fuir un ménage violent, les options sont souvent limitées à Montréal, au moment où quelque 23 000 ménages sont sur une liste d’attente pour obtenir un logement social.
« Le marché privé est souvent inaccessible [aux Montréalaises à faible revenu], et il n’y a pas assez de logements sociaux. Donc, je vous dirais que la situation est critique », lance la directrice générale de Logifem, Sally Richmond, qui gère un refuge pour femmes et enfants en difficulté dans l’arrondissement du Sud-Ouest.
De plus en plus de femmes tentent ainsi d’avoir accès à des logements transitoires, provoquant un engorgement du système. L’organisme Mères avec pouvoir en gère une trentaine dans la métropole, où des femmes de familles monoparentales avec de jeunes enfants peuvent résider à faible coût pendant quelques années pour faciliter leur retour aux études ou sur le marché du travail. Annuellement, l’organisme est face à une liste d’attente d’une quarantaine de familles. Ce nombre a toutefois doublé depuis le mois d’avril 2020 pour osciller autour de 80 actuellement, indique la directrice générale, Valérie Larouche.
« C’est sans compter les femmes qui voudraient s’inscrire à notre liste, mais qui ne sont pas admissibles. On pourrait tripler ce nombre. C’est vraiment un chiffre effarant », soulève-t-elle. En vertu du programme de financement dont il bénéficie, l’organisme doit se limiter aux femmes à faible revenu et dont les enfants ont au plus cinq ans. « Nos critères sont très stricts », reconnaît d’ailleurs Mme Larouche.
« L’habitation, c’est un minimum »
Le rapport fait ainsi état de l’importance d’ajouter des ressources d’urgence pour offrir un toit aux personnes dans le besoin. Car, actuellement, « les ressources d’hébergement continuent d’être au maximum de leur capacité », rappelle Mme Desroches.
La TGFM presse d’autre part Québec de consacrer plus de ressources à la construction de logements sociaux et communautaires pour atteindre la cible de 23 000 unités construites d’ici cinq ans. Les villes pourraient pour leur part exempter l’ensemble des logements sociaux et communautaires des taxes foncières, propose le rapport.
« Aujourd’hui, c’est inacceptable que le statu quo demeure. L’habitation, c’est un minimum », tranche ainsi Valérie Larouche, qui espère une bonification du financement des organismes qui viennent en aide aux femmes afin que ceux-ci « puissent vraiment réaliser leur mission sur le terrain ».