La vaccination obligatoire des fonctionnaires fédéraux débattue en Cour

L’État refuse des alternatives, comme des tests de dépistage fréquents, et préfère la « coercition », a martelé Me Michael N. Bergman, un des avocats des fonctionnaires.
Photo: Graham Hughes Archives La Presse canadienne L’État refuse des alternatives, comme des tests de dépistage fréquents, et préfère la « coercition », a martelé Me Michael N. Bergman, un des avocats des fonctionnaires.

Les avocats d’un groupe de fonctionnaires fédéraux ont croisé le fer en Cour mardi avec ceux du gouvernement canadien au sujet du choix qui se dresse devant eux : se faire vacciner contre la COVID-19, ou perdre leur emploi.

Ces employés de la fonction publique fédérale cherchent à faire suspendre immédiatement cette obligation vaccinale en attendant le procès en bonne et due forme de cette politique, lors duquel ils demanderont qu’elle soit déclarée inconstitutionnelle — et invalidée.

Ils ont le droit de se poser des questions au sujet du vaccin, a plaidé l’un de leur avocat, Me Daniel Romano : « Est-ce qu’il fonctionne ? Est-il sécuritaire ? Est-il nécessaire ? »

Ils ne sont pas les premiers à contester en Cour les politiques de vaccination obligatoire : des sous-traitants du gouvernement fédéral l’ont déjà fait tout comme les travailleurs de la santé au Québec : ni l’un ni l’autre n’ont réussi à faire suspendre l’obligation vaccinale.

D’entrée de jeu, l’un des deux avocats des quelque 200 fonctionnaires a lancé que l’objectif principal de la politique fédérale n’est pas d’assurer la sécurité des employés de la fonction publique, mais qu’il est plutôt « de bien faire comprendre à la population canadienne que tout le monde doit être vacciné », a plaidé Me Michael N. Bergman.

Et puis, cette politique vaccinale est pleine de contradictions : pourquoi ceux qui travaillent de la maison doivent-ils se faire inoculer ? a-t-il demandé, avançant qu’ils ne posent pourtant aucun risque pour leurs collègues.

Le gouvernement fédéral prétend que le vaccin est un « outil crucial » pour protéger la population et sauver des vies, dont ses propres employés. Des exceptions à la vaccination sont d’ailleurs prévues, pour des motifs médicaux ou religieux, par exemple. Et une autre voie s’offre à certains employés : ils peuvent demander un « accommodement » et avoir la permission de travailler chez eux, sans vaccin.

Cette politique vaccinale est raisonnable dans le contexte de la pandémie mondiale auquel le monde fait face, a fait valoir l’une des avocates du gouvernement, Me Sharlene Telles-Langdon. Et même si le gouvernement avait pu faire d’autres choix, rien ne démontre que la politique choisie est exagérée ou disproportionnée.

Obligatoire… pour cet emploi

L’État refuse des alternatives, comme des tests de dépistage fréquents, et préfère la « coercition », a martelé Me Bergman.

Il n’a toutefois pas discuté du coût de ces tests répétés chaque semaine. Le gouvernement du Québec l’avait estimé à des millions par semaine pour ses travailleurs de la santé uniquement. Quant au gouvernement canadien, il allègue que les tests de dépistage n’offrent pas la même protection aux travailleurs : ceux qui sont infectés peuvent devenir sérieusement malades.

Mais les fonctionnaires devant la Cour mardi n’en démordent pas : l’obligation vaccinale porte atteinte à leur droit à l’inviolabilité de leur corps, qui est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.

« Mais personne n’est obligé de se faire vacciner », a rétorqué le juge Simon Fothergill de la Cour fédérale. Par contre, si un fonctionnaire désire rester à l’emploi du gouvernement, il doit se relever la manche, a souligné le magistrat pour bien examiner tous les aspects de ce débat.

Mais ils perdront leur emploi, qui est essentiel pour se nourrir et se loger, a répliqué l’avocat de ce groupe de fonctionnaires.

« Je ne suis pas sûr qu’il existe un droit à un emploi spécifique » a questionné le juge, qui a aussi ajouté : « Vos clients demandent d’être à l’abri des conséquences de leur décision ».

En effet, a souscrit Me Sharlene Telles-Langdon : et leur choix de ne pas se faire vacciner a aussi des conséquences sur la société.

Elle a aussi mis de l’avant cet argument : ce débat devrait plutôt faire l’objet d’un grief dans le cadre des mécanismes de relations de travail : la cour fédérale « n’est pas le bon endroit » pour débattre de cette question.

Les avocats des fonctionnaires ont aussi déposé de nombreuses déclarations sous serment de leurs clients détaillant leurs craintes du vaccin contre la COVID-19, notamment celle de subir un choc anaphylactique. Ils estiment de plus que les effets négatifs de ce vaccin sont sous-rapportés par les autorités. Inexact, selon l’avocate du gouvernement : les réactions ont été colligées, même lorsqu’il était loin d’être sûr qu’ils étaient une conséquence du vaccin.

L’autre avocat représentant le groupe de fonctionnaires, Me Daniel Romano, a fait valoir que les personnes vaccinées peuvent tout de même transmettre la COVID-19. Et qu’elles sont même plus susceptibles de transmettre le virus parce qu’elles ont moins de symptômes, allant souvent travailler ou au restaurant car elles ne savent pas qu’elles sont infectées.

Bref, des tests de dépistage fréquents seraient plus efficaces, a-t-il plaidé. Le gouvernement canadien prétend qu’il sauve le pays, « mais il s’y prend mal et même empire la situation », a ajouté Me Romano.

Pour les fonctionnaires, il n’y a pas de retour en arrière s’ils se font vacciner : « on ne peut pas le retirer » de leur corps, a tranché Me ​Bergman. C’est pourquoi il est préférable selon lui d’attendre que cette question de la validité de la politique vaccinale soit réglée par un procès. Dans l’intervalle, la suspension de la politique vaccinale est la voie à suivre, dit-il.

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