Des centaines de personnes rendent hommage à Thomas Trudel

Des centaines de citoyens et des élus de tous les paliers de gouvernement se sont réunis samedi dans un parc de Saint-Michel pour rendre hommage à Thomas Trudel, un jeune de 16 ans qui a perdu la vie en raison de la violence par armes à feu dimanche dernier. Parmi eux, ils sont nombreux à réclamer plus de policiers, mais aussi une meilleure prévention du crime dans ce secteur.
L’émotion était palpable au parc François-Perrault vers midi, où des centaines de parents, d’enfants, d’intervenants communautaires et d’élus étaient réunis pour rendre hommage à Thomas Trudel, qui a perdu la vie dimanche dernier, en soirée, près de l’intersection de la 20e avenue et de la rue Villeray. L’adolescent, qui se serait fait accoster alors qu’il était proche de chez lui, s’est alors fait tirer dessus. Un meurtre qui a bouleversé la classe politique et le quartier Saint-Michel dans les derniers jours.
« Non à la violence ! » pouvait-on lire sur plusieurs pancartes, brandies tant par des parents que des enfants pendant une marche qui a mené peu avant 13h les manifestants jusqu’à l’endroit où Thomas Trudel a perdu la vie, à quelques coins de rue du lieu de rassemblement initial.
Un long moment de recueillement a ensuite suivi en face d’un mémorial de fortune où des photos et des dessins représentant le jeune homme avaient été déposés aux côtés de fleurs et d’affiches lui rendant hommage ou encore pressant l’élite politique d’agir pour contrer la violence liée aux armes à feu. Le coeur lourd, des proches, des collègues de classe et des amis se sont enlacés tandis que des larmes coulaient sur leurs joues.

« Avant, on pensait qu’ici, dans le quartier, on avait la sécurité et la paix d’esprit et qu’on pouvait rester à la maison tranquille même quand nos enfants sortaient la nuit. Mais maintenant, je suis vraiment sous le choc parce que j’ai l’impression que je ne peux plus rester tranquille », a confié au Devoir Liliane Bibal. La mère de famille, qui a pris part à cet événement, se dit « très inquiète » pour la sécurité de ses enfants.
« On est ici parce qu’on veut dire au gouvernement et à nos politiciens que c’est assez et qu’on cherche la tranquillité », a ajouté Mme Bibal. Cette dernière espère notamment que la présence policière accrue qu’elle a pu constater dans les rues de Saint-Michel dans les derniers jours se poursuivra à plus long terme, afin de rassurer les résidents du secteur. Une demande partagée par plusieurs manifestants rencontrés par Le Devoir samedi.

« On veut de l’action »
Peu avant cette marche, le ministre du Patrimoine et lieutenant du Québec pour le gouvernement Trudeau, Pablo Rodriguez, a livré un vibrant témoignage, suivi par la ministre responsable de la Métropole Chantal Rouleau et de la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, notamment.
M. Rodriguez a ainsi qualifié le meurtre de Thomas Trudel de « tragédie sans nom », sans toutefois proposer des solutions concrètes à la violence par armes à feu aux manifestants réunis devant lui. Or, au-delà des mots, « on veut de l’action», ont lancé plusieurs parents au terme de l’allocution de l’élu fédéral.

Devant les manifestants, la nouvelle mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, Laurence Lavigne Lalonde, a d’ailleurs pressé Ottawa de resserrer les contrôles aux frontières pour limiter l’entrée d’armes à feu illégales au pays, ce qui lui a valu des applaudissements nourris.
Rencontré par Le Devoir pendant la marche qui a suivi cette série de discours, M. Rodriguez a toutefois assuré que des mesures sont déjà prises en ce sens.
« On augmente le nombre d’agents [à la frontière]. Ils sont mieux équipés pour débusquer les armes cachées. Ils vont avoir une meilleure capacité d’enquête et de traçage aussi », a-t-il dit, tout en ajoutant que des fonds ont été déployés pour lutter contre la violence par armes à feu.
« Est-ce que c’est assez? Non, ce n’est pas assez. Quand on voit la mort d’enfants, on sait que ce n’est pas assez. Il faut une intervention plus forte, plus ferme, de tous les paliers de gouvernement ensemble », a-t-il ajouté.
En ce qui a trait au contrôle des armes de poing, Ottawa n’est pas prêt à mettre en place une interdiction de la possession de celles-ci à l’échelle du pays. Le gouvernement fédéral s’engage toutefois à soutenir financièrement Québec s’il décide d’agir en ce sens, a dit M. Rodriguez.
Miser sur la prévention
La Ville de Montréal promet pour sa part d’améliorer le financement des groupes communautaires et des infrastructures publiques de Saint-Michel, comme ses parcs et ses bibliothèques, a indiqué Laurence Lavigne Lalonde, de Projet Montréal. Elle a par ailleurs demandé à Québec d’augmenter le financement dédié aux activités parascolaires dans les écoles.
«Ce n’est pas du tout le moment de se lancer la balle, de dire que c’est la responsabilité des autres. Nous avons tous une responsabilité. Les messages sont clairs », a insisté la mairesse d’arrondissement. D’autres conseillers de ce secteur ont pris part à cette marche, mais la mairesse de Montréal, Valérie Plante, brillait par son absence samedi.
Le député solidaire de Laurier-Dorion, Andrès Fontecilla, a aussi souligné l’importance de trouver un équilibre entre la répression du crime et sa prévention.
« On doit réprimer davantage [la violence par armes à feu] sans tomber dans le profilage, mais avant tout, on doit financer des politiques publiques dans tous les secteurs afin d’éloigner les jeunes de la culture de la violence », a-t-il fait valoir au Devoir, samedi.
« Quand j’entends les organismes communautaires nous dire qu’ils ont besoin d’aide, qu’ils ont besoin d’accompagnement, nous dire qu’on doit en faire plus en prévention, je pense que collectivement, on peut faire un bout de chemin ensemble », a également déclaré Dominique Anglade, visiblement émue.
Le meurtre de Thomas Trudel représente le 31e homicide à survenir à Montréal depuis le début de l’année. Le jeune homme compte d’ailleurs parmi les trois adolescents qui ont été victimes d’un homicide sur la place publique à Montréal cette année. Le 18 octobre dernier, Jannai Dopwell-Bailey, lui aussi âgé de 16 ans, a été poignardé à mort devant son école de l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, tandis que Meriem Bendaoui a été la victime collatérale d’une fusillade en février dernier. Elle avait 15 ans.