La pandémie, une occasion de décoloniser la coopération internationale

Miriane Demers-Lemay
Collaboration spéciale
Une femme marchant dans le village inondé de Majak Awar, au Soudan du Sud. Depuis mai, près d’un demi-million de personnes ont été affectées par les inondations dans ce pays.
Photo: Adrienne Surprenant Associated Press Une femme marchant dans le village inondé de Majak Awar, au Soudan du Sud. Depuis mai, près d’un demi-million de personnes ont été affectées par les inondations dans ce pays.

Ce texte fait partie du cahier spécial Solidarité internationale

Incapables d’envoyer des coopérants à l’étranger en raison de la pandémie de COVID-19, les organisations québécoises de solidarité internationale ont dû revoir leur façon de faire… pour le mieux.

Les enfants ont été libérés massivement de centres de détention pour éviter leur contamination. D’autres ont interrompu leur scolarisation et ont augmenté leur temps d’exposition sur les écrans, ce qui les a rendus plus vulnérables à l’exploitation en ligne. La violence conjugale a explosé un peu partout dans le monde. Plus de 47 millions de femmes sont tombées dans l’extrême pauvreté au cours de la première année de la pandémie, selon ONU Femmes et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). En plus des changements climatiques, qui continuent de prendre de l’ampleur, la pandémie de COVID-19 a apporté de nouveaux défis à la coopération internationale.

« La pandémie est venue changer le contexte de travail, mais aussi, de façon assez profonde, l’organisation du travail [de la coopération internationale], indique Guillaume Landry, directeur général du Bureau international du droit des enfants (IBCR). Le modèle était souvent associé à un personnel qui possède les clés et des partenaires du Sud vus comme des récipients vides qui attendent qu’on leur verse du savoir. Un projet qui dépend de gens qui viennent de Montréal, c’est un risque ; ce n’est plus viable comme modèle. [En raison de la pandémie], il a fallu fonctionner autrement, mettre davantage en valeur nos équipes qui sont sur place dans la région et utiliser les technologies pour travailler d’une autre façon. »

Cette transition vers un modèle de coopération internationale plus horizontal entre le Nord et le Sud était déjà en branle au sein des organisations québécoises. Par exemple, les organisations paysannes du Sud collaborant avec l’Union des producteurs agricoles Développement international (UPA DI) étaient déjà entièrement responsables de la réalisation de leurs projets avant 2020. La pandémie est venue accélérer cette tendance.

« On parle de la décolonisation de l’aide et on était déjà dans ce mouvement. On avait intégré des partenariats Sud-Sud ou nationaux, mais il y avait une limite à ce type de volontariat avec les bailleurs de fonds, explique Jean-Alexandre Fortin, directeur général par intérim et responsable du volontariat à Solidarité Union Coopération (SUCO). On peut profiter de ces expériences pour les implanter à plus long terme. On essaie de voir, avec le bailleur de fonds, comment on peut prolonger ces mesures COVID jusqu’à la fin de décembre 2022. Grâce au virtuel, on est en train d’examiner comment les partenaires Sud-Sud et nationaux peuvent faire de petites productions audiovisuelles et contribuer à la sensibilisation des Canadiens. »

« Je pense que les changements sont là pour de bon, croit quant à lui Philippe Dongier, directeur général du Centre d’étude et de coopération internationale (CECI). On transforme la manière de travailler et on localise davantage, ce qui signifie qu’il y a plus de pouvoir dans les équipes sur le terrain. On a appris qu’on pouvait être très productifs sans être dans la même pièce. On parle du télétravail, on peut parler de télécoopération. »

Miser sur les crédits carbone

 

À Haïti, des producteurs de café reboisent des terres dégradées et en friche avec des plants de café et des arbres ; le nouveau couvert végétal s’insère ainsi dans la lutte contre les changements climatiques. Au Québec, l’UPA DI collabore avec ces producteurs afin d’assurer qu’ils puissent obtenir la certification internationale leur permettant d’avoir accès aux crédits carbone, explique le directeur général de l’UPA DI, Hugo Beauregard-Langelier. Comme lui, plusieurs membres des organisations de coopération souhaitent que les crédits carbone financent davantage de projets dans les pays en développement à l’avenir.

« C’est une question de justice climatique, dit Philippe Dongier. Dans les pays du Sahel, la grande majorité de la population vit d’une agriculture de subsistance très affectée par les effets des changements climatiques. Ces populations souffrent disproportionnellement par rapport aux pays qui sont les principaux responsables du réchauffement climatique. Il est important de s’attaquer à cette injustice climatique, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’investir plus de ressources pour aider les populations plus vulnérables à s’adapter à ces changements. »

« Il y a eu beaucoup de promesses, mais, concrètement, il y a encore très peu de fonds qui sont mis à contribution dans les pays industrialisés, ajoute Jean-Alexandre Fortin. Je pense que l’un des défis de la Conférence de Glasgow sur les changements climatiques, c’est de s’assurer que les fonds soient mis à la disposition des pays, des organisations et des populations. Parce que c’est une urgence climatique. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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