Québec veut vanter son rejet des hydrocarbures à la COP26

En s’engageant à abandonner les hydrocarbures à la veille de la COP26, le gouvernement Legault souhaite affirmer son rôle de « leader » mondial en matière climatique, soutient le ministre Jonatan Julien en entrevue au Devoir. Québec n’est toutefois toujours pas capable de chiffrer les impacts qu’aura cette promesse sur l’atteinte de ses propres cibles.
À quelques heures du début de la conférence internationale sur le climat, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles est revenu sur la décision de son gouvernement de mettre fin à l’exploitation du pétrole et du gaz. Annoncée en grande pompe par le premier ministre François Legault lors de son discours d’ouverture, cette mesure « trace la voie pour le futur », a-t-il affirmé.
« Je suis pas mal certain que d’autres nations et d’autres pays nous suivront dans cet engagement-là. On ne sera pas gênés d’assumer ce leadership », a-t-il souligné.
Au Québec, une dizaine d’entreprises pétrolières et gazières possèdent des permis d’exploitation. Leurs claims s’étendent sur un territoire total de 32 000 km2. En mettant fin à ces activités, le gouvernement Legault veut lancer un message fort sur l’atteinte de ses cibles climatiques. Or, il n’est pas capable de dire quel impact sa mesure aura sur la réduction des émissions polluantes.
« Calculer des éventualités, c’est difficile. Je ne suis pas en mesure de le faire », a convenu M. Julien. En 2030, le Québec souhaite avoir réduit ses gaz à effet de serre de 37,5 % par rapport à 1990.
Dédommager les pétrolières
Le ministre de l’Énergie n’est pas non plus capable de fixer avec exactitude le montant que Québec versera aux pétrolières pour les indemniser. Une chose est sûre : des sommes seront dépensées.
« On a des gens qui se sont engagés dans un processus de bonne foi, qui ont acheté des licences, payé des frais », a observé M. Julien, en faisant référence aux entreprises d’exploitation pétrolière et gazière.
Jeudi, à l’Assemblée nationale, l’élu caquiste avait vivement répondu à la co-porte-parole solidaire Manon Massé, qui lui demandait de ne pas leur verser l’ombre d’un sou. Selon M. Julien, les pétrolières ont besoin d’un minimum de « prévisibilité ».
« On n’est pas une république de bananes, a-t-il martelé en entrevue avec Le Devoir. Quel message on enverrait si on disait à ceux qui s’étaient investis dans une aventure : c’est terminé. »
En plus de demander le remboursement de la valeur des permis, l’Association de l’énergie du Québec évalue l’option d’exiger des compensations pour les « profits perdus » dans l’aventure. L’organisme a déjà calculé que les recettes potentielles du gaz de schiste des basses terres du Saint-Laurent atteignent « de façon sommaire » de trois à cinq milliards de dollars.
Mis devant ces chiffres, vendredi, M. Julien a soutenu qu’« il ne faudrait pas non plus être trop jovialiste par rapport au potentiel de rémunération ». « On va être équitables et raisonnables. Ce n’est pas vrai, en fin de compte, qu’on va être trop dépensiers », a-t-il ajouté.
En 2017, le gouvernement de Philippe Couillard faisait le choix de mettre fin à l’exploration pour les hydrocarbures sur l’île d’Anticosti. Près de 100 millions de dollars avaient été déboursés en compensations.
Un projet de loi cette session
Pour aller de l’avant, Jonatan Julien souhaite déposer un projet de loi d’ici la fin de la session parlementaire. L’option d’une modification réglementaire a bien vite été écartée. « J’ai posé la question à mes juristes, qui m’ont conseillé de procéder par projet de loi », a-t-il dit.
« Moi le premier, si je pouvais arriver de façon plus expéditive à nos fins, je le ferais », a poursuivi le ministre.
Le projet de loi ne prévoira pas d’interdire le passage d’oléoducs en territoire québécois. Le ministre avait affirmé en septembre que cette option était « sur la table », avant de retirer ses propos quelques heures plus tard. En entrevue, il réitère qu’il est trop tôt pour y penser.
« Actuellement, on a besoin de transporter des hydrocarbures, a constaté M. Julien. Est-ce que c’est mieux de passer en train, en navire ou en pipeline ? Ce que je conçois, c’est que le pipeline est plus sécuritaire. »
« On comprend que ce n’est pas la voie de l’avenir, a-t-il ajouté. Mais entre aujourd’hui et le moment où on sera débarrassé complètement des hydrocarbures, il reste une période de temps. »