Modification des PREM: la FMOQ craint un «dangereux» précédent

En s’impliquant directement dans la redistribution des nouveaux médecins de famille, le premier ministre François Legault s’est aventuré en terrain glissant, selon la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. « C’est dangereux », estime son président-directeur général, Louis Godin.
Dans les dernières semaines, Le Devoir a révélé que le ministre de la Santé, Christian Dubé, a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour modifier lui-même les plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) pour 2022. Montréal et la Côte-Nord ont perdu au change, notamment, tandis que la Montérégie a gagné une vingtaine de nouveaux omnipraticiens.
Or, le ministre n’a pas participé tout seul au processus de réattribution. Mardi, à la période de questions, le premier ministre a confirmé avoir eu son mot à dire sur la décision. « Avec les PREM, le ministre de la Santé, puis j’ai même participé avec lui, on a essayé de répartir [les médecins] de façon équitable selon les besoins des régions », a-t-il lâché au Salon bleu.
« C’est clair que le modèle d’attribution habituel n’a pas été respecté », a réagi Louis Godin en entrevue avec Le Devoir, le lendemain.
Chaque année, un comité formé de fonctionnaires du ministère de la Santé et de différentes fédérations médicales fixe le nombre de nouveaux médecins de famille appelés à être envoyés dans chaque région du Québec. Leur méthodologie s’appuie sur une suite de calculs.
« Jamais vu ça »
Le ministre de la Santé a un droit de regard sur les PREM, et le cadre législatif établit qu’il peut les modifier. Mais les occurrences où il a fait appel à son pouvoir discrétionnaire sont rares, voire nulles, soulève Louis Godin.
« On sait que dans la loi, le ministre et, naturellement, le premier ministre ont un pouvoir discrétionnaire. Mais c’est vraiment une première. On n’avait jamais vu ça avant », a-t-il fait remarquer.
Le p.-d.g. de la FMOQ craint que le processus d’attribution des PREM ait été teinté de subjectivité. « C’est toujours dangereux, a-t-il affirmé. On manque de médecins, et plus on met d’éléments qualitatifs dans la répartition, plus ça risque de créer des inconforts. »
« Il faut essayer d’avoir le plus d’objectivité possible », a-t-il ajouté.
Le PQ y voit de l’ingérence
C’est le chef parlementaire du Parti québécois, Joël Arseneau, qui questionnait le premier ministre Legault lorsque celui-ci a admis avoir élaboré avec son ministre les PREM pour 2022. Mercredi, en mêlée de presse, l’élu péquiste a soutenu être sorti bouche bée de son échange avec le chef caquiste.
« Il y a une forme d’ingérence de la part du premier ministre dans le système de santé qui est troublante », a-t-il avancé.
Interrogé par Le Devoir sur les intentions derrière la décision, le cabinet du ministre Dubé avait maintenu début octobre que ce n’était « en aucun cas » un choix « politique ». La CAQ détient une grande majorité des circonscriptions en Montérégie, dont celle du ministre lui-même.
Pour expliquer les effectifs retirés à la métropole québécoise, l’attachée de presse du ministre Dubé soutient qu’encore trop de patients de la Rive-Sud vont se faire soigner sur l’île. « Il faut savoir que 25 % des patients inscrits [auprès] des médecins de Montréal proviennent du 450 », a-t-elle indiqué.
Québec prévoit ajouter environ 400 médecins de famille sur le terrain en 2022.