Le Musée de la civilisation se défend

Selon Stéphan La Roche, les dimensions trop petites de la  Maison Chevalier et le fait qu’elle soit un bien patrimonial classé ont empêché son intégration dans le parc immobilier des Espaces bleus.
Photo: Renaud Philippe Le Devoir Selon Stéphan La Roche, les dimensions trop petites de la  Maison Chevalier et le fait qu’elle soit un bien patrimonial classé ont empêché son intégration dans le parc immobilier des Espaces bleus.

Le président-directeur général du Musée de la civilisation, Stéphan La Roche, s’est défendu vendredi d’avoir procédé dans l’opacité pour la vente de l’édifice patrimonial de la Maison Chevalier à un groupe qui possède Ameublement Tanguay.

M. La Roche a réagi pour la première fois aux critiques qui fusent depuis que la transaction a été ren due publique, à la mi-octobre, après son autorisation par le gouvernement.

« Il n’y a pas eu d’opacité dans ce dossier, a-t-il déclaré en entrevue au Devoir. Ça n’a jamais été fait en catimini ni de manière rapide et brusquée. »

M. La Roche reconnaît à demi-mot qu’il aurait pu opter pour un appel public de projets avant de vendre l’édifice bâti en 1752, dont l’évaluation municipale est de 2,2 millions de dollars.

« Ce qu’on a cru, peut-être à tort, c’est que si on avait fait ça, on se serait retrouvé avec des offres qui n’auraient pas été conformes au contexte patrimonial », a-t-il expliqué.

Le Musée craignait qu’un processus ouvert l’oblige à « gérer des demandes farfelues ».

Le ministère de la Culture a autorisé l’institution à entamer le processus de vente en 2018.

Mais dès 2016, des « démarches exploratoires » ont été effectuées auprès de la Coopérative du quartier Petit-Champlain qui, selon M. La Roche, a signifié son désintérêt en 2018.

En 2016 le ministère de la Culture a proposé que la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) l’édifice au sein de son parc immoblier de place Royale. L’organisme a fait les plans d’un projet d’hôtel, mais le ministère a ensuite avisé le Musée que la SODEC ne ferait pas l’acquisition de l’immeuble.

«Il n’y a pas eu de suivi probablement parce qu’ils se sont rendus compte que le projet financièrement ne tenait pas la route», a dit M. La Roche.

La Ville de Québec et son partenaire, l’Organisation mondiale des villes du patrimoine, ont été approchés en 2017. En 2019, ils ont également indiqué au Musée qu’ils n’achèteraient pas la Maison Chevalier, située dans le Vieux-Québec.

Finalement, Gestion 1608, une filiale du Groupe Tanguay, a contacté directement le Musée, à l’automne 2020. En novembre, une offre était déposée et en décembre, le conseil d’administration l’approuvait.

« De bonne foi »

« Ça s’est fait très rapidement », admet M. La Roche, sans révéler le prix de la transaction, qui sera rendu public plus tard.

Le Devoir rapportait vendredi que le Musée n’avait pas donné suite à une deuxième manifestation d’intérêt de la Coopérative du quartier du Petit-Champlain, en novembre 2019. La directrice générale Sandra Turgeon a affirmé qu’elle aurait aimé être informée avant que l’offre de Tanguay soit acceptée.

M. La Roche a estimé que la Coopérative avait envoyé des signaux contradictoires. « Ils auraient dû se manifester avant », a-t-il répondu pour se justifier.

Devant les critiques qui fusent, M. La Roche a tenu à défendre sa façon de procéder.

« On a agi de bonne foi, on a respecté toutes les règles », a-t-il dit en plaidant sa bonne foi.

Conscient que la transaction suscite des commentaires, M. La Roche a démenti tout lien avec des acheteurs.

« Je ne les connais pas les Tanguay, a-t-il affirmé. Toutes sortes d’affaires ont circulé. »

M. La Roche a expliqué que la Maison Chevalier, dont le Musée était responsable depuis les années 1980, ne faisait pas partie de ses collections. De ce fait, elle n’est pas soumise aux politiques qui prévoient un appel public de propositions lorsque le Musée cède des biens dont la valeur excède 75 000 dollars.

« C’est un bien immobilier, ça ne peut pas être un bien de collection, les gens sont confus », a-t-il soutenu.

Le Musée a examiné la possibilité d’utiliser la Maison Chevalier pour accueillir les Espaces bleus, un nouveau programme patrimonial du gouvernement qui prévoit l’injection de 259 millions de dollars.

Mais selon M. La Roche, ses dimensions trop petites et le fait qu’elle soit un bien patrimonial classé ont empêché son intégration dans le parc immobilier des Espaces bleus, placés sous la gestion du Musée.

« Il y a peu de choses qu’on peut faire à l’intérieur, a-t-il dit. On ne peut pas tasser les murs, on ne peut pas changer les fenêtres. C’est difficile d’aménager des conditions muséales dans un bien classé. »

Il est persuadé que les nouveaux propriétaires maintiendront l’accès au public de cette maison, malgré des critiques de son prédécesseur, Michel Côté, qui déplorait la transaction en rappelant qu’il s’agissait de la seule maison de cette époque qui pouvait être visitée dans le secteur du Petit-Champlain et de la place Royale.

« M. Tanguay a répété qu’il veut rendre accessible la maison au public », a affirmé M. La Roche.

« Cachotteries »

La députée libérale Christine St-Pierre a accusé les dirigeants du Musée d’avoir manqué de transparence, en plus d’écorcher M. La Roche.

« Ils laissent planer une perception de cachotteries qu’il y a eu des choses qui se sont faites derrière des portes closes de façon anormale, a-t-elle dit en entrevue. C’est une société d’État le musée, ce n’est pas une business. Et le p.-d.g. du Musée a travaillé comme un amateur. »

Selon Mme St-Pierre, porte-parole des dossiers de culture, il aurait fallu procéder par appel de propositions.

« Ils auraient dû faire un appel d’intérêt et voir quels sont les partenaires intéressés, a-t-elle précisé. Ils auraient dû mettre sur pied un comité indépendant qui aurait analysé les propositions. »

De son côté, la députée de Québec solidaire Catherine Dorion, porte-parole des dossiers de patrimoine, a regretté le départ de la Maison Chevalier du giron public, tout en se rangeant derrière la transaction et l’autorisation gouvernementale qui lui a permis d’aller de l’avant.

« Le musée a fait de son mieux », assure-t-elle.

Mme Dorion a appris avant qu’elle soit élue députée que la Maison Chevalier était à vendre.

« Quand la maison a été forcée d’être mise en vente, oui, on en a entendu parler, a-t-elle expliqué. Moi, c’est parti de ma tête et je n’étais pas députée à ce moment-là. »

Elle a plaidé son horaire chargé pour expliquer pourquoi elle n’est pas intervenue pour tenter d’empêcher la transaction avant son annonce.

« Je fais des 70 heures semaine et à aucun moment, je ne chôme », a-t-elle dit.

Ce qu’on a cru, peut-être à tort, c’est que si on avait fait ça, on se serait retrouvé avec des offres qui n’auraient pas été conformes au contexte patrimonial.

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