Deux ans après son dépôt, 68 des 142 recommandations du rapport Viens en cours de réalisation

De 51 l’an dernier, Québec est parvenu à mettre en œuvre — partiellement ou totalement — 68 des 142 recommandations de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (Commission Viens).
Deux ans après le dépôt du rapport Viens, et à l’approche du premier anniversaire du décès de Joyce Echaquan, le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a dit cultiver l’« espoir », bien qu’il « reste beaucoup à faire ».
Il s’est engagé à publier la liste des actions mise en œuvre par Québec sur le site Web de son ministère. Il a cependant invité le public à « s’attarder au volet qualitatif plus qu’aux chiffres ». Ce n’est pas un « exercice mathématique » ; « pas une liste d’épicerie », a-t-il insisté. « Il est difficile de résumer l’amélioration de la qualité de vie des Autochtones avec un simple chiffre, un pourcentage. »
M. Lafrenière a insisté sur l’importance de lancer des mesures qui « ont des retombées réelles sur la qualité de vie des membres des communautés autochtones ». À ce jour, il a « engagé » 125 des 200 millions réservés à la mise en œuvre du rapport Viens. Sa présentation a été «saluée» par le Regroupement des centres d’amitié autochtone du Québec, qui a néanmoins plaidé pour un «financement structurant» des centres d’amitié, qui offrent des services aux Autochtones en milieu urbain.
« Un projet de société »
À l’approche du premier anniversaire de la mort de Joyce Echaquan sous les insultes racistes du personnel du Centre hospitalier régional de Lanaudière (couramment appelé l’hôpital de Joliette), le ministre Lafrenière a invité « tous les Québécois à se rappeler de cet électrochoc qu’on a eu l’an passé ».
Les mois ayant passé, « je ne viens pas vous dire que tout est réglé, que tout va bien », a-t-il ensuite affirmé. « Est-ce que sur le terrain, il y a des avancées ? Oui. Est-ce que ça va bien partout ? Non. Est-ce que j’entends qu’il y a encore des gens qui ont des problèmes de relations, de mauvais traitements ? La réponse, c’est oui », a-t-il dit au sujet des soins de santé.
À ce jour, la discrimination que vivent les Autochtones dans le système de santé demeure quasi-impossible à mesurer, puisque Québec ne la documente pas et ne compte pas le faire. Le gouvernement mise jusqu’ici sur la création de divers postes visant à accueillir davantage d’employés atikamekw dans les rangs du CISSS de Lanaudière. C’est d’ailleurs un « modèle » que Québec souhaite « exporter dans tous les centres », a rappelé M. Lafrenière.
« C’est un projet de société. Il y a plusieurs changements qui vont s’opérer au cours des prochaines décennies, ça va prendre beaucoup de temps », a commencé le ministre. « Mais de voir la relation Autochtones-services de santé comme un bloc homogène, [c’est] un raccourci. Il y en a pour qui ça se passe très bien », a-t-il poursuivi.
De la «discrimination systémique»
La Commission Viens, mise sur pied dans la foulée d’allégations d’abus policiers à l’endroit de femmes autochtones de Val-d’Or, a conclu en 2019 que les Autochtones du Québec vivent de la discrimination systémique, un concept que le gouvernement Legault ne reconnaît pas.
Vendredi, Femmes autochtones du Québec (FAQ) s’en est une fois de plus désolé. «FAQ réitère sa position quant à l’importance de reconnaître le problème avant de [s’y attaquer]», a écrit l’organisme dans un communiqué. Il a ajouté que FAQ «n’a encore reçu aucun montant», des 125 millions engagés, «pour la sécurité des femmes et des filles autochtones».
La Commission Viens recommandait aussi à Québec de reconnaître, par une motion, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. L’Assemblée nationale l’ait fait, mais le premier ministre du Québec hésite toujours à mettre ses principes en œuvre, puisqu’il juge qu’il donnerait ainsi « un droit de veto sur tous les projets économiques ou, en tout cas, sur plusieurs projets économiques ».
En point de presse, Ian Lafrenière a dit que cette reconnaissance ne faisait pas partie de ses priorités. «Rapidement — et sans enlever l’importance de cette déclaration là— il y autres choses qui se sont présentées devant nous, a-t-il dit, en soulignant qu’«on ne pourra pas tout faire». À court terme, le ministre a dit souhaiter «améliorer la qualité des services dans les communautés».
Ottawa a adopté en juin un projet de loi sur la mise en oeuvre de la Déclaration. Avec cinq autres provinces, Québec avait auparavant envoyé une lettre au gouvernement fédéral pour souligner que le projet de loi est «contraire aux principes du fédéralisme coopératif», selon La Presse. En réaction, FAQ a dit espérer vendredi que les discussions entre Québec et Ottawa «ne changeront pas le principe même de la Déclaration».
Langues autochtones: pas de statut officiel en vue
Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a affirmé vendredi que Québec n’avait pas l’intention d’octroyer un statut officiel aux langues autochtones par le biais de son projet de « loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français ».
À quelques jours du début des auditions sur le projet de loi 96, le ministre a déclaré que Québec misait sur le « statu quo », «en ce sens qu’on ne veut pas changer le statut [des langues autochtones] ou faire en sorte que certaines avancées faites du côté autochtone soient perdues ». Il a dit vouloir miser davantage sur la «promotion» des langues autochtones. « On a le même objectif quand on parle de la nation québécoise et des différentes nations sur le territoire du Québec: on veut préserver notre culture, notre langue, alors je pense qu’on a un objectif commun. Comment ça va se matérialiser? On va voir avec eux», a-t-il dit. À son avis, la reconnaissance comme langue officielle est «une des facettes». « Il y a d’autres possibilités», a-t-il fait valoir.
Québec solidaire a répliqué que « le statu quo est inacceptable », puisque « plusieurs langues autochtones sont en train de disparaître ». « Il est plus que temps de reconnaître que les premières langues parlées sur le territoire du Québec ont droit à un statut particulier et on doit faire mieux pour les protéger et les développer », a déclaré Manon Massé.
Au début du mois, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) a publié un communiqué dans lequel elle déclare que le projet de loi 96 «est une attaque en règle contre les droits linguistiques constitutionnels des Premières Nations» et qu’elle « s’y objecte avec force ».
Le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, s’est dit désolé de voir « les gouvernements provinciaux, en particulier le gouvernement Legault au Québec, déchir[er] leurs chemises au nom de leurs soi-disant prérogatives constitutionnelles » pour des« raisons électoralistes et partisanes ». « Cependant, quand vient le temps de respecter les dispositions de la même Constitution qui permettraient de rendre justice aux peuples autochtones, le discours change!», a-t-il ajouté.
L’APNQL, des représentants de la communauté de Kanesatake, de même que le professeur Jean Leclair, spécialiste en droit constitutionnel et du droit autochtone, participeront aux audiences sur le projet de loi 96.