Trudeau se défend de faire de la désinformation

Justin Trudeau a dû se défendre, lundi, de promettre une fois de plus d’intervenir dans les champs de compétence des provinces. De passage à Halifax, il s’est engagé à éliminer les listes d’attente en santé de même qu’à embaucher 7500 médecins de famille et infirmières.
Photo: Johnny Greig Getty Images Justin Trudeau a dû se défendre, lundi, de promettre une fois de plus d’intervenir dans les champs de compétence des provinces. De passage à Halifax, il s’est engagé à éliminer les listes d’attente en santé de même qu’à embaucher 7500 médecins de famille et infirmières.

Une vidéo qui devait mettre la table pour l’annonce de 9 milliards de dollars de Justin Trudeau en santé s’est retournée contre les libéraux lundi. Twitter a ajouté l’étiquette de « média manipulé » sous un extrait d’Erin O’Toole publié la veille par la vice-première ministre sortante, Chrystia Freeland, et les conservateurs demandent maintenant l’ouverture d’une enquête sur cette affaire.

Le chef conservateur a accusé son rival libéral « d’induire les gens en erreur », « d’importer des tactiques américaines de manipulation des médias » et de mener « une campagne de division ». L’extrait vidéo d’une trentaine de secondes présente un montage de propos tenu par M. O’Toole lors d’un débat dans le cadre de la course à la direction où il se dit d’accord avec l’ouverture au secteur privé en santé.

Or, dans la version longue de la vidéo, il ajoute du même souffle que l’accès universel aux soins de santé demeure primordial, mais cette phrase a été coupée par les libéraux. La politique de Twitter pour identifier le contenu tronqué avait été imposée en 2020 dans le cadre de l’élection présidentielle américaine. Les gazouillis étiquetés comme étant manipulés ont moins de visibilité sur le réseau social.

« Ce qui est important dans tout ça, c’est que M. O’Toole a clairement dit qu’il appuyait un système de santé à deux vitesses », s’est défendu M. Trudeau. Il a ensuite souligné que l’intégralité de la vidéo se trouvait dans un gazouillis subséquent. La publication de Chrystia Freeland visait à illustrer le contraste entre les libéraux et les conservateurs sur la question du privé en santé, a-t-on indiqué en coulisse.

Ce qui est important dans tout ça, c’est que M. O’Toole a clairement dit qu’il appuyait un système de santé à deux vitesses.

 

M. O’Toole a esquivé les questions des journalistes qui tentaient de savoir quels services de santé pourraient, selon lui, être privatisés au pays. « Permettez-moi d’être clair : je soutiens à 100 % notre système de santé public et universel, a-t-il répondu sans revenir sur ses déclarations passées. En fait, ça a été notre épine dorsale durant cette pandémie avec les travailleurs de première ligne. C’est pourquoi dans notre plan nous donnerions 60 milliards de dollars additionnels pour protéger notre système. »

L’avocat du Parti conservateur a fait parvenir une lettre au commissaire aux élections pour lui demander d’ouvrir une enquête et, à court terme, de prendre des mesures correctrices.

Les résultats d’abord

Parallèlement, Justin Trudeau a également dû se défendre de promettre une fois de plus d’intervenir dans les champs de compétence des provinces. De passage à Halifax, en Nouvelle-Écosse, il s’est engagé lundi à éliminer les listes d’attente en santé de même qu’à embaucher 7500 médecins de famille et infirmières en injectant 9 milliards de dollars. En échange, il demande des résultats concrets de la part des gouvernements provinciaux.

« Ça fait des années qu’au Canada, on parle d’investissements en santé — un milliard de plus ici, 100 millions de plus ici, plusieurs milliards de dollars là, a affirmé le chef libéral. On parle toujours de l’argent qu’on investit en santé, on ne parle pas assez souvent des résultats en santé. »

Le Canada se mettra-t-il donc à embaucher du personnel de la santé ? « Nous allons travailler avec les provinces et les territoires pour nous assurer qu’ils ont les effectifs dont ils ont besoin pour répondre à la demande des Canadiens », a-t-il précisé.

Pourtant, les défis de recrutement du personnel de la santé sont nombreux au Québec, que ce soit à cause des heures supplémentaires obligatoires, qui découragent les infirmières, ou de l’attrait moins grand de la médecine familiale pour les étudiants, qui préfèrent se tourner vers des spécialités. L’argent ne peut pas tout régler rapidement, selon Maude Laberge, professeure en science de l’administration de l’Université Laval et chercheuse au Centre hospitalier universitaire de Québec.

« C’est sûr que c’est une annonce électoraliste parce que la population a vu l’impact que la COVID-19 a eu sur le système de santé et on sait que les ressources actuelles sont épuisées, a-t-elle fait remarquer. Donc, c’est comme si ça a l’air d’une solution simple à des problèmes complexes qui sont prévalents dans le système de santé au Québec ou ailleurs au pays. »

Désaccord sur l’empiétement

Les provinces demandent depuis des mois une hausse de 28 milliards des transferts en santé, qui ferait passer la contribution du gouvernement fédéral de 22 % à 35 %. Au Québec, cela représenterait une somme de 6 milliards de dollars supplémentaire cette année.

« La santé est un champ de compétence qui relève uniquement et exclusivement du Québec, a rappelé l’attaché de presse du premier ministre François Legault, Ewan Sauves. Le gouvernement fédéral doit augmenter ses transferts en santé. Le Québec pourra ensuite décider où l’argent doit être investi. » M. Legault doit présenter ses demandes aux partis fédéraux au cours de la semaine.

Le Bloc québécois a réclamé une entente asymétrique. « Prenez la part du Québec de la somme que vous voulez investir et envoyez-la à Québec, a demandé son chef, Yves-François Blanchet. Québec gérera fort bien, avec compétence, et dans l’intérêt supérieur des Québécois, les enjeux d’embauche dans le système de santé. »

Il a ensuite accusé les libéraux de jouer « la carte anti-Québec » en allant à l’encontre des volontés du Québec pour courtiser le vote du Canada anglais.

Le chef néodémocrate, Jagmeet Singh, a indiqué pour sa part que la reconnaissance des champs de compétence des provinces « ne doit pas être une excuse » pour que le fédéral évite d’intervenir dans les soins de santé. « Quand on en parle avec les gens, ils ne se préoccupent pas des compétences, a-t-il soutenu. Ils veulent voir des résultats. » En 2019, M. Singh n’avait pas hésité à promettre de construire un hôpital dans la ville ontarienne de Brampton s’il devenait premier ministre du Canada.

Plus tard dans la journée, le Nouveau Parti démocratique a accusé le Parti libéral de recycler une promesse non tenue qui figurait dans son programme électoral de 2019. Les libéraux s’étaient alors engagés à verser 6 milliards de dollars aux provinces en quatre ans pour les soins de santé. Ils ont finalement versé 4 milliards comme aide d’urgence durant la pandémie.

Avec Marie Vastel 

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