Des Bouchervillois veulent être raccordés au réseau d’aqueduc de la ville

Des habitants des secteurs ruraux de Boucherville réclament une fois de plus que leur résidence soit raccordée au réseau d’aqueduc de la ville. Une pétition en ce sens a récolté près de 500 signatures depuis la semaine dernière. Toutefois, la facture salée liée à ces travaux qui ne concerneraient qu’une centaine de résidents fait hésiter l’administration municipale. Une histoire qui en rappelle bien d’autres à travers le Québec.
François Champagne, l’instigateur de la pétition, réside dans la rue de Montbrun, à l’extrémité est de Boucherville. Sa conjointe, Marie Bémeur, et lui ont acheté leur maison en 1987. Trente-deux ans plus tard, la maison n’est toujours pas reliée à l’aqueduc de la ville. « [Quand on a acheté la maison], on se disait que Boucherville était une ville en développement, que l’aqueduc allait arriver », dit Mme Bémeur.
Le couple dénonce une injustice et le manque flagrant de volonté de laVille. D’autant que les maisons construites de l’autre côté de leur rue dans les années 2000 sont reliées à l’aqueduc municipal, notent-ils. « Ça fait trois maires qui nous négligent. Pourtant, l’eau, c’est essentiel. »
Environ une centaine de résidents des secteurs ruraux de Boucherville utilisent des puits artésiens pour s’approvisionner en eau potable. Mais l’assèchement des puits, les odeurs, le goût bizarre de l’eau et son alcalinité causent plusieurs désagréments. Trop sulfureuse, l’eau des puits abîme la plomberie et les appareils électroménagers, comme les laveuses et les réfrigérateurs, soutient Mme Bémeur.
Le raccordement des résidences à l’aqueduc est réclamé depuis plusieurs années. Une pétition semblable avait d’ailleurs été lancée en 2018. À l’époque, le maire Jean Martel avait invoqué des coûts trop élevés pour ne pas entreprendre les travaux.
De 17 à 20 millions de dollars
Le directeur général de la Ville de Boucherville, Roger Maisonneuve, estime qu’implanter l’aqueduc dans tous les secteurs de la municipalité qui ne sont pas encore servis coûterait entre 17 et 20 millions de dollars. À cela, il faut aussi ajouter des frais pour la connexion de chaque résidence, précise-t-il.
D’autres villes de la province font face au même problème. À Sherbrooke, une dizaine de résidents du secteur Rock Forest ont réclamé au début de l’année d’être raccordés au réseau d’aqueduc municipal. Et, bien que les propriétaires des maisons concernées s’étaient engagés à payer les travaux, le conseil municipal a refusé leur demande puisque les demeures se trouvaient à l’extérieur du périmètre urbain.
Un combat similaire a lieu à Trois-Rivières. Depuis 2016, des résidents du secteur Pointe-du-Lac, qui ont remarqué la présence de métaux lourds dans l’eau de leurs puits, réclament le raccordement de leurs demeures au réseau d’aqueduc de la ville, sans succès pour l’instant.
D’autres histoires semblables partout au Québec ont aussi été médiatisées au cours des dernières années.
« Chaque kilomètre de tuyau coûte très cher, donc il y a un moment à partir duquel la densité est si faible qu’il devient trop coûteux pour la municipalité de raccorder ces gens-là », explique Manuel J. Rodriguez, professeur titulaire à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval. Ce dernier estime qu’environ 10 % de la population québécoise tire son eau potable d’un puits artésien individuel. Ces personnes sont responsables de leur propre puits et sont donc exemptées de la taxe sur l’eau.
C’est, approximativement, la portion de la population québécoise qui tire son eau potable d’un puits artésien individuel. Ces personnes sont responsables de leur propre puits et sont donc exemptées de la taxe sur l’eau.
Reste que « ce n’est pas le meilleur scénario » pour ce qui est de la qualité de l’eau, puisque ces puits ne sont pas assujettis aux mêmes normes qu’un système d’aqueduc, reconnaît le professeur Rodriguez, qui est aussi titulaire d’une chaire de recherche sur la question.
Boucherville se dit « ouverte »
Le « principe de base », souligne le directeur général de Boucherville, Roger Maisonneuve, c’est que les propriétaires de nouvelles maisons doivent assumer l’entièreté des coûts du prolongement d’aqueduc.
Il soutient toutefois que la Ville a fait preuve d’ouverture dans le cas des résidents des secteurs ruraux. Plus tôt cette année, Boucherville s’est dite prête à payer le tiers de la facture. La Ville a également demandé au gouvernement provincial de l’aider à financer ce type d’installation, mais Québec a refusé.
« On est rendus à aller consulter les résidents du secteur et à leur demander s’ils sont prêts à payer les deux tiers de la somme sur 20 ans. S’ils sont d’accord, probablement que ça va pouvoir s’effectuer dans les prochaines années. […] Mais il n’y a jamais eu une majorité de personnesprêtes à payer 100 % du coût ou, jusqu’à tout récemment, les deux tiers », soutient-il.
M. Champagne se dit toutefois prêt à s’entendre avec la Ville. « Ce n’est pas qu’on ne veut pas payer. On comprend qu’il va falloir payer quelque chose. » Ce qu’il regrette avant tout, c’est que ces travaux n’aient pas été effectués il y a longtemps, bien avant les nombreux développements immobiliers de la ville. « Ça fait tellement longtemps qu’on paie pour tous les à-côtés. On aurait dû être “plogués” bien avant. La facture aurait déjà été payée », dit-il.