La discrète place des femmes à la tête des entreprises

Les femmes à la tête d’entreprises sont encore peu nombreuses, même au Canada. Mais la présence de celles qui ont franchi le fameux plafond de verre commence à se faire sentir... et à faire réfléchir. Les femmes font-elles de meilleures chefs d'entreprise ? Deuxième texte de trois.
La représentation des femmes à des postes de gouvernance au sein des entreprises canadiennes s’améliore depuis quelques années, « mais de nombreux progrès restent à faire », croit l’économiste et administratrice de sociétés certifiée Louise Champoux-Paillé, qui mène ce combat depuis plus de trente ans. Portrait de la situation en quelques graphiques.
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Les femmes font-elles de meilleures chefs d’entreprise?
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Rares sont les femmes qui occupent la direction d’entreprises canadiennes cotées à la Bourse de Toronto, selon un récent rapport des Autorités canadiennes en valeurs mobilières. En 2020, seulement 4,6 % d’entre elles étaient dirigées par des femmes. Pour les entreprises québécoises, le constat n’est que très légèrement mieux, soit 6,6 %. Même constat d’infériorité numérique à la présidence des conseils d’administration — occupée par une femme dans 5,9 % des cas au Canada et 9,8 % des cas au Québec. « C’est encore très très peu ! » constate Mme Champoux-Paillé.

« On voit, par contre, un peu plus de progrès dans les conseils d’administration », souligne-t-elle. Mais le Canada part de loin. En 2015, seulement 49 % des entreprises comptaient au moins une femme dans leur conseil d’administration. C’est donc dire qu’unpeu plus de la moitié des conseils d’administration étaient entièrement composés d’hommes. Aujourd’hui, le constat est un peu plus reluisant. Près de 80 % des conseils d’administration d’entreprises canadiennes comptaient au moins une femme. Le Québec fait mieux que le reste du pays en la matière, puisqu’il avait déjà atteint ce taux en 2015, qui s’élève désormais à plus de 90 %.
De façon générale, la place des femmes dans les conseils d’administration a presque doublé entre 2015 et 2020, passant de 11 % à 20 %. « Mais pour qu’une minorité ait de l’impact sur un groupe majoritaire en matière de prise de décision, il faut qu’elle ait à peu près 30 % de représentation au sein d’un conseil », souligne Mme Champoux-Paillé.
« Pour moi qui siège à des conseils depuis de nombreuses années, j’ai pu remarquer que, quand il y a complémentarité entre les femmes et les hommes, on considère davantage d’éléments dans la prise de décision, qui en devient ainsi meilleure », insiste-t-elle.
Des avancées inégales
Les progrès réalisés en matière de représentation féminine ne sont pas les mêmes selon la taille des entreprises, constate par ailleurs Mme Champoux-Paillé. « Dans les très grandes entreprises, on atteint le fameux 30 % de représentation des femmes dans des conseils d’administration — donc, c’est une évolution significative. Mais dans les plus petites entreprises, leur représentation est beaucoup moins importante », déplore-t-elle. L’administratrice de société voit toutefois d’un bon œil le fait que les grandes entreprises puissent « servir d’exemple » aux plus petites, qui devraient finir un jour par leur emboîter le pas.
Pour que les choses changent dans la bonne direction, il faut de la « volonté », insiste-t-elle. « Et on voit que les mentalités changent, que de plus en plus de présidents de grandes entreprises affirment l’importance d’avoir des femmes dans des postes de haute direction… Il y a des alliés chez les hommes pour atteindre cet objectif de parité », observe celle qui trouve que les mentalités évoluent aussi en général dans la société. « Il y a une trentaine d’années, on n’en parlait pas autant ! »
Des mesures pour faire bouger les choses
Au Canada, en 2020, plus de la moitié (54 %) des entreprises étudiées dans le rapport des Autorités canadiennes en valeurs mobilières avaient adopté une politique d’inclusion des femmes au sein des conseils d’entreprises — laissant tout de même 35 % d’entre elles qui ne s’étaient pas dotées de politiques pour l’inclusion des femmes. Pour ce qui est de cibles à atteindre en matière de parité, seulement un quart des entreprises (26 %) s’en étaient fixées — contre plus des deux tiers qui ont fait le choix de ne pas s’en imposer (69 %).
Pourtant, l’adoption de politiques et de cibles favorise concrètement l’inclusion de femmes au sein des conseils d’administration d’entreprises, plaide Mme Champoux-Paillé. Et qu’en est-il des quotas ? « C’est sûr que cela permettrait d’arriver rapidement à la parité ou dans la zone de parité, reconnaît-elle. Mais ce n’est pas vraiment dans la culture canadienne que d’en mettre en place. » Pour l’administratrice de sociétés, par contre, une chose est sûre : « Si on veut avoir de la relève, c’est important d’avoir des engagements concrets de la part des entreprises pour encourager la représentation des femmes. »
Et selon elle, le fait que certaines entreprises résistent encore aux politiques de diversité sur le principe de la méritocratie ne tient plus la route. « Ça revient continuellement. Or, les femmes sont de plus en plus nombreuses à avoir tous les talents nécessaires pour siéger à des conseils d’administration ou être à la tête d’entreprises. Elles ont des compétences et des expériences diversifiées. Peut-être que cet argument de la méritocratie tenait la route il y a quelques dizaines d’années, quand il y avait un moins grand bassin de femmes candidates. Mais là, on ne manque pas de talents ! »
Méthodologie : Les données s’appuient sur le sixième examen des autorités en valeurs mobilières de l’Alberta, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario, du Québec et de la Saskatchewan, portant sur la représentation féminine aux postes d’administrateurs et de membres de la haute direction. Ce rapport s’appuie sur l’étude d’un échantillon de 610 émetteurs cotés à la Bourse de Toronto.