Décès de Joyce Echaquan: des responsables inconnus des experts

La directrice des affaires autochtones au ministère de la Santé, Julie Gauthier, est venue présenter lundi le rôle des « responsables des dossiers autochtones » des établissements de santé du Québec, à la grande stupéfaction d’experts qui n’avaient jamais entendu parler de ces postes.

« On arrive à la fin des audiences, et c’est la première fois que j’entends parler de ça », a lancé la coroner Géhane Kamel, au 11e jour de son enquête sur la mort de Joyce Echaquan. Cette femme atikamekw est morte le 28 septembre sous les insultes racistes de membres du personnel du Centre hospitalier de Lanaudière, couramment appelé hôpital de Joliette.

« J’apprends ça ce matin », a aussi déclaré l’avocat représentant les Atikamekw de Manawan, Jean François Arteau. Il a précisé au passage qu’il travaillait avec les Autochtones depuis 25 ans.

À (re)voir: notre entrevue du Dr Stanley Vollant

Julie Gauthier, en poste depuis 2019, a ensuite nommé Éric Salois comme étant le « responsable des dossiers autochtones » au CISSS de Lanaudière. M. Salois est à la retraite depuis deux mois, a plus tard confirmé le CISSS dans un courriel au Devoir.

Québec a récemment annoncé que l’ancien poste de M. Salois serait pourvu par un représentant de la communauté atikamekw, dans un effort pour rebâtir les ponts avec les membres de cette communauté.

Des postes « variables »

Devant la coroner, Mme Gauthier a reconnu que ces responsables occupent des postes « variables » dans l’organigramme, mais a souligné que certains sont « assez haut » dans la hiérarchie. D’autres, a-t-elle ajouté, « cumulent d’autres fonctions » que celle de responsable des dossiers autochtones. Dans certaines régions, les contacts avec les populations autochtones sont d’ailleurs limités, tandis qu’ailleurs, ils sont beaucoup plus fréquents, a-t-elle affirmé.

Mme Gauthier a rappelé que Québec avait l’intention de rendre publics, sous peu, des « guides » à l’intention des gestionnaires et de la haute direction des établissements de santé. Pour rappel, Québec s’est engagé en mars à intégrer, « bientôt », la notion de sécurisation culturelle dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Il s’agit là de l’une des recommandations du rapport Viens, remis au terme de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec.

Selon Mme Gauthier, il ne faut surtout pas que le réseau se contente des formations de trois heures actuellement données aux travailleurs de la santé. Sauf qu’il ne faut pas nier l’importance de celles-ci non plus, a-t-elle fait valoir. Pour certains soignants, les « informations de base » contenues dans cette formation sont « un premier pas », « un premier contact » avec les réalités autochtones, a-t-elle dit.

Peur de se faire soigner

 

Juste avant Mme Gauthier, le chirurgien innu Stanley Vollant a déclaré que les Autochtones avaient peur de se faire soigner. Une enquête du Devoir a récemment démontré que cette crainte traverse les communautés et les territoires.

En citant des conséquences dévastatrices sur sa propre famille, le Dr Vollant a rappelé que les Autochtones entretiennent une méfiance envers le système de santé et que celle-ci est notamment ancrée dans l’histoire des sanatoriums et des pensionnats.Il a ajouté que la mort de Mme Echaquan avait alimenté cette suspicion encore davantage. « J’ai plusieurs amis autochtones, récemment, qui ont été hospitalisés et qui m’ont dit : peux-tu vérifier si j’ai été bien traité ? », a-t-il dit.

Le chirurgien s’est par ailleurs dit « tanné des commissions d’enquête ». « On connaît les solutions », a-t-il dit, en plaidant pour un passage à l’action. À son avis, le refus du gouvernement Legault de reconnaître le racisme systémique revient à appeler « l’éléphant dans la pièce » un « pachyderme à grandes oreilles ». Reste que le Dr Vollant s’est dit prêt à faire un « sacrifice sur la sémantique » pour encourager l’action.

« Rien de nouveau »

En après-midi, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, a lui aussi montré des signes de lassitude. « Il n’y a rien de nouveau », a-t-il dit : ni dans les témoignages entendus dans les audiences (parce que des cas semblables ont déjà été documentés) ni dans les recommandations à apporter (parce qu’il les répète depuis des années).

Entre autres demandes, le chef Picard a donc de nouveau incité Québec à adopter le principe de Joyce, qui vise « à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé ».

Le D Vollant a quant à lui dit souhaiter que les ordres professionnels encouragent l’éducation de leurs membres afin qu’ils sachent comment soigner les Autochtones tout en les rassurant. Il a aussi insisté sur la formation des agents de liaison et recommandé que les directions soient responsables du bon fonctionnement de ces postes et en rendent compte.

À l’hôpital de Joliette, l’agente en poste le jour de la mort de Joyce Echaquan s’était vu interdire l’accès à l’urgence et n’avait eu aucun soutien de l’administration afin de pouvoir pleinement exercer son rôle.

Avec La Presse canadienne

 

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