Ouverture de l’enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan

L’enquête publique du coroner sur la mort de Joyce Echaquan débute ce jeudi à Trois-Rivières. Une soixantaine de témoins, d’experts et d’avocats tenteront d’éclaircir les circonstances de ce drame au courant des prochaines semaines.
À la barre des témoins, jeudi matin, les proches de la défunte viendront parler de « comment ils ont vécu l’ensemble de ces événements » et faire le portrait de celle qu’ils aimaient. « Le public a connu Joyce à travers ce qui s’est passé au moment de son décès, mais Joyce, comme personne, était beaucoup plus que ça », explique l’avocat de la famille, Me Patrick Martin-Ménard, en entrevue au Devoir à la veille des audiences.
« C’est un exercice qui va être difficile », prévient le grand chef du Conseil de la nation atikamekw, Constant Awashish. « Il va y avoir beaucoup d’émotions, de la colère, de la tristesse. Je pense qu’il va y avoir un mélange de beaucoup d’émotions qui va traverser surtout le mari de madame Echaquan, mais aussi toute sa famille. »
Cette femme de 37 ans, d’origine atikamekw, est morte en septembre dernier sous les insultes racistes du personnel médical du Centre hospitalier régional de Lanaudière. La vidéo de ses derniers instants a secoué le Québec jusqu’aux plus hautes sphères politiques. Une enquête publique avait été commandée quelques jours après sa mort.
Cette enquête ne constitue pas un procès, mais plutôt une analyse pour « déterminer les causes et les circonstances du décès et de formuler, s’il y a lieu, des recommandations », stipule le Bureau du coroner. Le délai moyen entre la fin des audiences et le dépôt du rapport d’enquête est de 11 mois.
Il va y avoir beaucoup d'émotions, de la colère, de la tristesse.
La coroner Géhane Kamel présidera les audiences ; un choix « opportun » selon le Bureau du coroner, car elle préside par ailleurs un Comité sur la mortalité dans les communautés autochtones et inuites.
Racisme systémique
« C’est une étape extrêmement importante », précise Me Martin-Ménard. « C’est la première fois qu’on va pouvoir entendre des témoins directs de l’événement, savoir ce qui s’est produit et commencer à avoir des éléments de réponse pour connaître la cause du décès de Joyce Echaquan. »
La famille espère également que cette enquête permettra de « mettre en lumière des éléments ou des problématiques d’ordre systémique, notamment le racisme systémique », explique l’avocat. La famille souhaite qu’à la fin de cette enquête publique, il y ait des « recommandations qui vont permettre d’améliorer l’accessibilité aux soins de santé pour les communautés autochtones, d’améliorer la qualité des soins et d’assurer que les droits des clientèles autochtones dans le système de santé soient mieux respectés ».
Le chef atikamekw estime aussi que le Québec est mûr pour des changements. « Les Québécois ne sont pas bien avec le fait que les Premières Nations soient dans une situation précaire. Ce n’est pas par hasard que nous sommes dans une situation socioéconomique comme les Québécois avant la Révolution tranquille. […] Est-ce que [la coroner] va venir affirmer ce que les autres commissions antérieures ont dit, soit qu’il existe bel et bien un racisme systémique dans les services publics ? »
Parmi les autres personnes appelées à témoigner, citons le chirurgien Stanley Vollant, la présidente de Femmes autochtones du Québec, Viviane Michel, et l’ancien p.d.-g. du CISSS de Lanaudière Daniel Castonguay. Plusieurs infirmières, préposées aux bénéficiaires et médecins du centre hospitalier de Lanaudière livreront aussi leur point de vue.
« Tout le monde a été bouleversé par l’événement. Maintenant, on veut des réponses à nos questions », proclame le chef Constant Awashish. « Ça va être un exercice qui va permettre au moins d’arriver avec quelques réponses et enlever un certain poids. Bien que ça n’enlèvera pas tout le poids. »
Les audiences doivent se terminer le 2 juin.