Alex Nevsky fait son retour après avoir réparé les pots cassés

Dix mois après avoir été emporté par la vague de dénonciations qui a secoué le Québec, Alex Nevsky amorce son retour dans l’espace public avec le lancement d’une nouvelle chanson. Une pièce qu’il n’aurait jamais sortie, dit-il, sans l’accord et le soutien de son ex-compagne, Stéphanie Boulay, qui l’avait dénoncé.

« Je me permets de sortir une chanson parce que je me sens en paix et je sais que Stéphanie est en paix [et] que j’ai son soutien. Je n’essaie pas de revenir de façon sneaky », assure Alex Nevsky en entrevue.

L’auteur-compositeur-interprète s’est fait discret depuis juillet, se tenant loin de la sphère médiatique et des médias sociaux où il ne fait que de rares apparitions avec sa fille ou derrière son piano. S’il a décidé aujourd’hui de refaire surface, c’est parce qu’il se sent « heureux » et « solide » pour affronter l’opinion publique, et surtout parce qu’il a « réparé ce qui devait être réparé » avec son ex-compagne, la chanteuse Stéphanie Boulay.

Celle-ci a confirmé au Devoir avoir été avertie de son lancement musical et avoir été consultée « quant à la ligne éditoriale qu’il aurait suite à ce retour ». « Je me suis sentie respectée par cette démarche, qui est dans la continuité de celle entamée il y a quelques mois. […] Je ne serai pas triggered de voir un poster d’Alex Nevsky […] d’entendre sa voix à la radio ou à la télé. Je sens que j’ai retrouvé une certaine symétrie des pouvoirs. J’ai retrouvé ma dignité », confie l’aînée du duo Les sœurs Boulay.

Rappelons que l’été dernier, au début de la vague de dénonciations d’inconduites sexuelles, Alex Nevsky avait pris les devants en présentant sur les réseaux sociaux ses excuses à « toutes celles qu’[il] a pu blesser ou offenser par [ses] actes », reconnaissant avoir eu un « comportement toxique ». Il avait expliqué avoir ouvert les yeux après le courriel d’une ancienne amoureuse — sans la nommer — qui décrivait leur relation de deux ans « abusive ».

Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir Stéphanie Boulay trouve important que les personnes qui ont, ou qui ont eu, des comportements toxiques entament un « processus intime, sincère et réellement réparateur pour les victimes ».

Le hic : la principale intéressée, Stéphanie Boulay, n’avait jamais été consultée et avait encore moins donné son consentement à un tel message. Elle le lui avait reproché publiquement par la suite, dévoilant être l’autrice du fameux courriel.

« Ça a vraiment été une erreur de publier mon message, c’était maladroit, c’était pas le bon chemin, admet l’homme de 35 ans. En faisant ça publiquement, je pensais faire œuvre utile. Je me suis tellement trompé. J’ai juste participé à ce que j’essayais de dénoncer, je manquais complètement d’écoute. » Il dit regretter la façon dont les choses se sont déroulées, estimant avoir manqué « d’intelligence et de sensibilité ». Mais il ne regrette aucunement « la conclusion » de cette histoire.

Car depuis, les deux artistes ont réussi à créer un dialogue, à défaire les nœuds et à panser les plaies. En décembre, ils avaient déjà annoncé sur leur compte Instagram respectif avoir entrepris « ensemble, une démarche réparatrice » et avoir « fait la paix ».

« J’ai eu la chance — supervisée par une personne neutre — d’être devant quelqu’un capable de me regarder en face, sans public et sans caméra, et de me dire “je suis désolé”. On sous-estime le pouvoir de ces mots, lorsqu’ils sont dits sans volonté de bien paraître aux yeux du public [ou] de regarnir son compte en banque », confie aujourd’hui Stéphanie Boulay.

Question de responsabilité

 

Sans vouloir entrer dans le détail de leurs discussions, Alex Nevsky indique avoir laissé son ex-compagne exprimer comment elle s’était sentie dans leur relation et après son message lancé sur la Toile. « J’ai écouté sans jamais invalider [ses propos], que ce soit par orgueil ou par ego ou par peur […] pour ensuite en parler et avancer ensemble. »

Il dit également s’éduquer au quotidien sur les enjeux de la masculinité toxique et sur les violences sexuelles à travers des discussions avec ses proches ou en suivant des comptes Instagram offrant des contenus féministes sur ces questions. Il évoque aussi sa lecture du livre Pour l’amour des hommes de Liz Plank et sa découverte du mouvement « Parle à tes boys ». « Je suis responsable de rester éveillé [sur ces sujets]. »

Stéphanie Boulay trouve important que les personnes qui ont, ou qui ont eu, des comportements toxiques entament un « processus intime, sincère et réellement réparateur pour les victimes ». À cet égard, elle juge qu’Alex Nevsky a « de façon vulnérable et transparente, tenté de réparer les torts qu’il a causés ».

La victime qui reçoit des excuses est libre de les accepter ou non, de pardonner ou non. Ça dépend des besoins de chacun. 

 

Qualifierait-elle ses excuses et sa démarche d’exemplaires ? Oui, dit-elle, bien qu’il existe d’autres bonnes façons de le faire. Elle ne souhaite pas ici glorifier le pardon, qui « n’est pas toujours possible ou souhaitable ». Chose certaine : « revenir sous les projecteurs sans s’être excusé directement, sans demander l’avis de ses victimes, sans assumer ses erreurs, sans avoir vérifié auprès de ses victimes ce qui pourrait être fait pour les réparer », n’en est pas une, selon elle. « S’excuser à son public, s’excuser sur les réseaux sociaux, se justifier, ça ne sert qu’à redorer l’égo. Ça ne soulage ni n’apaise personne de directement concerné. […] Ça ne fait que raviver les blessures des survivant.es. C’est violent. » Les diffuseurs et les producteurs devraient aussi faire des choix plus respectueux envers les survivantes, ajoute-t-elle.

Pour Catherine Rossi, professeure en criminologie à l’Université Laval et spécialiste en justice réparatrice, une bonne démarche consiste à offrir des excuses pour « rétablir la dette d’honneur » de la victime et non obtenir son pardon. « La victime qui reçoit des excuses est libre de les accepter ou non, de pardonner ou non. Ça dépend des besoins de chacun. » Pour de telles excuses, un face à face ne doit jamais être forcé, poursuit la chercheuse. « Les excuses peuvent se recevoir par lettre, par personne interposée, par bande audio ou dans une sortie publique. Peu importe, tant que les deux personnes sont d’accord et au courant de chaque étape de la démarche de réparation. »

Dans le cas de violences intimes, elle juge toutefois que la justice réparatrice improvisée n’est pas toujours une réussite. « Les gens n’ont pas tous les moyens, la force, les outils pour régler leurs problèmes à l’amiable, sans l’aide des programmes créés pour ça. »

Rassemblement pandémique

Pour Alex Nevsky, plongé dans un marasme dont il ne pensait pas sortir de sitôt, sa nouvelle chanson est arrivée par surprise en janvier. « Depuis plusieurs semaines, je jouais au piano et c’était toujours des sessions de danse pour ma fille et ma blonde. Après une quinzaine de fois, je suis allé m’enfermer dans le studio pour écrire », raconte-t-il. Est ainsi née Mer de splendeur, coécrite avec Daniel Beaumont. On y parle d’arcs-en-ciel, de vagues, de polarisation et d’ennui : de la pandémie donc, sur une mélodie entraînante. Une chanson qui veut « rassembler » et rappeler qu’« on est tous dans la même merde et dans la même splendeur. » D’où cette volonté de prononcer le refrain de sorte que certains entendront « merde » et d’autres « Mer de » splendeur.


 

Une version précédente de cet article, qui indiquait erronément que Stéphanie Boulay était la cadette du duo Les sœurs Boulay, a été modifiée.



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