Le Tribunal administratif du logement s’engage à rectifier le tir

Le Tribunal administratif du logement du Québec (TAL) a temporairement bloqué jeudi l’accès aux dossiers du plumitif par l’intermédiaire de son site Web, promettant de revoir ses pratiques pour éviter un usage malveillant de ses données. Comme le révélait Le Devoir, ces dossiers étaient mis en ligne sans protection et pouvaient être téléchargés anonymement par n’importe qui, ce qui représente un risque important pour la vie privée — et parfois même la vie tout court — des personnes citées dans ces dossiers.
« Le Tribunal est préoccupé par la situation et s’affaire actuellement à trouver une solution permettant d’assurer un meilleur équilibre entre l’accès aux informations judiciaires et la protection de ces données contre l’usage frauduleux qui pourrait être fait », a fait valoir l’organisme par voie de communiqué.
En rendant publics les dossiers qui lui sont soumis par des locataires et propriétaires de logements, le TAL se conforme à une loi provinciale qui vise à permettre l’accès par des tiers à ces documents. Or, comme l’ont constaté des experts en sécurité informatique, il peut être tentant pour une personne mal intentionnée de télécharger en lot ces données pour les revendre ensuite sur le Web obscur (« Dark Web »).
Le Tribunal est préoccupé par la situation et s’affaire actuellement à trouver une solution permettant d’assurer un meilleur équilibre entre l’accès aux informations judiciaires et la protection de ces données contre l’usage frauduleux qui pourrait être fait
Joint par Le Devoir, le TAL dit avoir pris la mesure de cette situation et s’engage à apporter des améliorations à son site Web afin d’empêcher un tel usage abusif. La loi exige de rendre publiques des informations personnelles, mais vu le risque, l’ancienne Régie du logement les retirera de son site Web le temps de trouver un moyen d’en restreindre l’accès tout en respectant la loi.
Interruption généralisée
Le service semble aussi interrompu pour les médias. Le TAL a accepté dans un passé récent, jusqu’à lundi dernier, d’envoyer des documents par courriel à propos de dossiers en cours aux journalistes du Devoir qui en faisaient la demande.
Jeudi, nous avons plutôt été redirigés vers les services en ligne, qui étaient pourtant suspendus. « En utilisant les services en ligne de notre site Web, vous avez toujours accès aux plumitifs et aux décisions de ces deux dossiers », a indiqué un relationniste, après que le communiqué annonçant la suspension eut été publié.
Il a ensuite prétendu avoir toujours accès à ces services en ligne, en contradiction avec l’annonce de la suspension. Le courriel subséquent invitait plutôt à formuler une demande d’accès à l’information. Nos appels téléphoniques sont aussi restés sans réponse.
Effacement impossible
Publier sur Internet des données personnelles — même si elles ne sont pas jugées confidentielles — peut avoir des conséquences graves. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a déjà exigé la fermeture de sites étrangers qui indexaient et repartageaient illégalement les dossiers de citoyens canadiens mis en ligne par les tribunaux du pays.
Certains cas extrêmes sont plus délicats encore. Des gens qui désireraient faire retirer de dossiers passés certaines informations personnelles — comme leur adresse résidentielle — ne peuvent le faire : leur seul recours est d’intenter une poursuite à la Cour du Québec, ce qui coûte cher et qui peut prendre des années à se régler.
« Une ordonnance de confidentialité peut être demandée en cours d’instance. Une fois la décision rendue, le Tribunal n’a plus compétence afin de rendre une telle ordonnance. […] Une partie peut alors s’adresser à la Cour supérieure à cette fin »,indique le TAL.
Avec Sarah R. Champagne