Le «Bonjour-Hi» des robots conversationnels

La start-up montréalaise Heyday développe une plateforme conversationnelle guidant les clients dans leur magasinage en ligne, mais également dans le service  après-vente.  Sur la photo,  les cofondateurs de l’entreprise, Étienne Mérineau et Hugues Rousseau.
MARIE-FRANCE COALLIER Le Devoir La start-up montréalaise Heyday développe une plateforme conversationnelle guidant les clients dans leur magasinage en ligne, mais également dans le service après-vente. Sur la photo, les cofondateurs de l’entreprise, Étienne Mérineau et Hugues Rousseau.

Le commerce en ligne a le vent dans les voiles depuis le début de la pandémie. Il en est de même des plateformes conversationnelles, sorte de robots polyglottes carburant à l’intelligence artificielle, qui prennent la forme de petites fenêtres apparaissant en marge de l’écran lors de visites sur les sites de commerces. Leur premier défi : établir la langue dans laquelle elle nous aborde.

« Une plateforme conversationnelle [chatbot] veut offrir une expérience qui se rapproche de celle en magasin. Elle se veut personnalisée. Tout le monde a intérêt à ce que la langue d’accueil soit la bonne, mais il arrive que ce ne soit pas le cas », reconnaît d’entrée de jeu Étienne Mérineau.

L’entrepreneur est le cofondateur et le vice-président marketing de Heyday, une start-up de Montréal qui développe une plateforme conversationnelle guidant les clients dans leur magasinage en ligne, mais également dans le service après-vente.

Nombre d’avenues sont possibles pour établir la langue de communication, explique-t-il. « Si vous avez un compte client avec l’entreprise, la question ne se pose généralement pas. Les informations du compte permettent au logiciel de choisir la bonne langue de communication. »

Tout le monde a intérêt à ce que la langue d’accueil soit la bonne, mais il arrive que ce ne soit pas le cas

Sinon, le compte Messenger est une autre avenue. « Mais il faut que le compte soit ouvert au début de la communication », dit-il. L’accès aux données des paramètres de la messagerie du géant américain Facebook « permet d’établir la langue d’usage, donc d’adapter la communication en conséquence ».

Quoique moins précise, la géolocalisation peut également être utilisée. « Si quelqu’un vient de Mascouche ou de la Gaspésie, les probabilités sont plus élevées que la langue d’usage soit le français », dit-il, soulignant que l’approche relève plus, dans ce cas précis, de la déduction.

Données personnelles

 

Mais souvent, ce sont en fait les contrats commerciaux avec les entreprises qui dictent la langue d’accueil d’une plateforme conversationnelle. Certaines sont plus sensibles au fait français dans la province. « Mais il y a des multinationales où c’est l’anglais qui est d’emblée proposé », note Étienne Mérineau, indiquant que Heyday peut, pour sa part, « en quelques secondes adapter les paramètres » en fonction de ce qui est demandé.

La délicate question de la personnalisation de la langue d’accueil relève d’une autre tout aussi délicate question : celle de l’accès aux données des utilisateurs. « Les données, c’est l’oxygène de l’intelligence artificielle. Ce sont les données qui permettent de personnaliser l’expérience client », indique-t-il.

Une directive du Parlement européen encadre les activités de cueillette et de traitement des données. « C’est une tendance qui va dépasser l’Europe. Si, dans une perspective citoyenne, je trouve cela très bien, ça complexifie l’accès aux données, et donc à la personnalisation de l’expérience », indique-t-il.

Dans les derniers mois, Heyday a fait une demande de brevet pour une technologie qui permet d’adapter la solution aux réponses des utilisateurs. « Si on vous accueille en anglais, mais que vous répondez en français, la conversation va automatiquement se poursuivre en français », note-t-il.

L’innovation est mieux adaptée à la navigation sur de petits écrans. « De plus en plus de personnes utilisent leur téléphone et ça devient difficile d’aller changer les paramètres d’un site », note-t-il.

Jauger le sentiment des clients

 

Si les plateformes conversationnelles font de la relation avec le client leur pain et leur beurre, d’autres entreprises utilisent l’intelligence artificielle pour analyser les rétroactions et communications des clients. C’est le cas de Keatext, une jeune pousse montréalaise créée en 2015 par Narjès Boufaden.

Détentrice d’un doctorat en linguistique informatique de l’Université de Montréal, la p.-d.g. de l’entreprise résume ainsi la place que Keatext occupe dans l’écosystème : « Nous faisons partie de la deuxième ligne dans la relation des entreprises avec les consommateurs. »

La technologie de Keatext collecte et analyse en temps réel les réactions des clients pour jauger « les sentiments et les besoins des consommateurs ». Elle puise ses informations dans les réactions publiées sur les comptes Facebook d’entreprises, les correspondances par courriels et les sondages effectués.

La technologie, qui s’appuie également sur l’intelligence artificielle, adapte son analyse automatiquement aux dialectes, aux différences langagières, aux niveaux de langage, en décryptant au passage les communications tronquées et les expressions déformées.

Si un régionalisme comme « chuton », propre à Lanaudière, apparaît dans des commentaires, la solution lui associe « une intention » en fonction du contexte. « Ce n’est pas une définition précise, mais ça permet de mesurer l’intention », explique-t-elle, soulignant qu’au final, la langue de communication importe peu.

Cette connaissance du lexique, alimentée par les commentaires, est une petite mine d’or pour les entreprises. L’analyse en temps réel, acheminée à un tableau de bord que consulte l’employé d’une compagnie, permet à celle-ci de réagir en conséquence.

Un exemple ? « Prenons une boutique de chaussures », dit Mme Boufaden. Si des commentaires font état de la taille d’un modèle de chaussures qui serait en fait plus petite que ce qu’elle devrait être en réalité, l’équipe marketing pourra en faire mention sur les sites de vente en ligne. « En s’adaptant de la sorte, on améliore l’expérience client et on réduit les erreurs de commandes et les coûts qui y sont liés : remboursement ou transport dû à des échanges », indique-t-elle.

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