La force du collectif au ​Bâtiment 7

Rose Carine Henriquez
Collaboration spéciale
Des jardins aménagés à l’extérieur du Bâtiment 7
Sylvie-Ann Paré Des jardins aménagés à l’extérieur du Bâtiment 7

Ce texte fait partie du cahier spécial Innovation sociale

Bien que bon nombre de ses activités aient été mises à l’arrêt en raison de la pandémie, le centre autogéré Bâtiment 7 poursuit sa mission dans la communauté de Pointe-Saint-Charles, dans le sud-ouest de Montréal, surtout en matière d’autonomie alimentaire.

Ayant abrité autrefois les ateliers ferroviaires du Canadien National (CN), le Bâtiment 7, vaste espace de 8400 m2 (90 000 p2), a amorcé sa seconde vie en 2018 après plus d’une décennie de luttes populaires. Aujourd’hui, le lieu porte une identité plurielle en hébergeant à la fois le Détour, une épicerie à but non lucratif, la microbrasserie Les Sans-taverne et des locaux pour des ateliers divers, comme la menuiserie, la mécanique ou la création artistique. On y trouve même une salle de soins, une bibliothèque et salle d’arcade jeunesse… Au total, 17 projets autogérés se partagent le même toit.

Puis la pandémie est arrivée et, avec elle, un coup dur pour tous les projets à caractère social. Certains services jugés essentiels ont pu demeurer ouverts, comme le garage communautaire et l’épicerie. « Le Bâtiment 7 est un projet commun, alors comment fait-on quand on doit vivre avec des règles de santé publique et de distanciation sociale ? Ce n’est pas évident », souligne Judith Cayer, résidente, militante du quartier et coordinatrice du développement du Bâtiment 7.

Une réorganisation obligée

 

Rapidement, une coordination s’est mise en branle dans la petite épicerie de quartier pour d’abord répondre à l’urgence alimentaire. « Lorsque la pandémie a débuté, la demande a explosé, raconte Judith Cayer. Il y a eu un enjeu d’organisation de taille, de créer des équipes étanches pour s’assurer qu’il n’y a pas de contamination, et que l’épicerie demeure fonctionnelle. » L’endroit fonctionne grâce à de précieux bénévoles, et l’appel aux 600 membres inscrits afin de créer un roulement adéquat du personnel a porté ses fruits.

Judith Cayer se réjouit aussi des collaborations qui ont été mises en place avec les banques alimentaires du secteur. « Lorsqu’une famille allait à la banque alimentaire, elle recevait son panier, mais elle avait aussi un certificat cadeau pour aller au Détour s’approvisionner en fruits et légumes frais, explique-t-elle. Ça complétait l’offre de la banque alimentaire et ça amenait une nouvelle clientèle plus dans le besoin au Bâtiment 7. »

La pandémie a assurément rendu le vélo plus populaire que jamais, et les gestionnaires du Bâtiment 7 ont observé un vif engouement pour l’atelier de réparation. « Ç’a été leur plus grosse année. Tout le monde avait besoin d’un service de proximité de vélo », souligne Mme Cayer. Du côté du Détour, la livraison à vélo a été introduite dans les services, même si ce n’était pas prévu.

Place à l’agriculture urbaine

Avec les besoins de production locale et d’autosuffisance alimentaire exacerbés par la crise, les intervenants ont déployé à l’été 2020 le projet-pilote de la Fermette, qui a connu une réponse populaire inespérée, selon Judith Cayer. L’initiative a été menée de concert avec le Détour, le Club populaire des Consommateurs de Pointe-Saint-Charles et la corporation de développement communautaire Action-Gardien.

Ce nouvel espace accueille des jardins, un petit poulailler, une serre trois saisons et des conteneurs aménagés pour de la transformation alimentaire. « Ils retournent la terre décontaminée mais vraiment pauvre, une terre de roches qui, d’année en année, devient un site de verdure, luxuriant, nourricier, s’émerveille Judith Cayer. C’est incroyable ce qu’on fait de ces ruines de l’humanité, de ce site industriel qui était complètement en perdition. »

Dans les deux prochaines années, l’objectif est de faire des terres du lot 5, adjacent au Bâtiment 7 et d’une superficie de plusieurs milliers de mètres carrés, un espace réservé à la production maraîchère. « Notre ambition, c’est que ça se poursuive, que ça continue à se consolider. C’est sûr que, dans un nouveau projet, les gens apprennent à se connaître, donc il y a tout ce travail d’apprendre à travailler ensemble. »

Avec son histoire hors norme et ses multiples innovations, que ce soit en matière de fonctionnement et de gouvernance, le Bâtiment 7 répond à un besoin d’appartenance et participe à façonner une société selon la militante. Sa raison d’être est encore plus soulignée par la crise. « On est tellement repliés sur notre sphère individuelle en ce moment… Je pense qu’on sent avec une grande acuité le besoin de connexion, qui est un peu la nourriture de l’âme, conclut Judith Cayer. Sans connexion humaine, on dépérira dans notre coin, donc on a besoin de ces espaces dans lesquels on brise la chaîne de la solitude puis de l’individualisation. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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