Le manoir Taschereau détruit par un incendie criminel, confirme la Sûreté du Québec

Bien que l’immeuble ait été classé depuis 1978 par l’État, le Manoir Taschereau a été laissé à l’abandon à la suite des inondations de Beauce au printemps 2019 avant d’être détruit par un incendie criminel la semaine dernière.
Photo: Louise Bédard Bien que l’immeuble ait été classé depuis 1978 par l’État, le Manoir Taschereau a été laissé à l’abandon à la suite des inondations de Beauce au printemps 2019 avant d’être détruit par un incendie criminel la semaine dernière.

Une enquête de la Sûreté du Québec confirme que l’incendie qui a complètement détruit le manoir Taschereau est le fait de mains criminelles. À la suite d’une journée d’expertises, c’est le résultat auquel en sont arrivés les enquêteurs de la police nationale québécoise.

Les pompiers appelés sur les lieux mardi soir vers 23 h avaient constaté que tout le second étage flambait et qu’un autre foyer d’incendie se trouvait au rez-de-chaussée, au pied de l’escalier principal. Le brasier était déjà tel qu’il leur était impossible d’entrer.

Dans une entrevue au Devoir, le directeur des pompiers de Sainte-Marie, Serge Fecteau, ne cachait pas que la nature de cet incendie avait d’emblée été jugée bizarre. « Quand nous sommes arrivés, le feu était déjà répandu à la grandeur du second étage. Il attaquait aussi le toit. Et il y avait un autre feu devant la porte d’entrée, au pied de l’escalier. »

En février 2020, il y a tout juste un an, une autre maison patrimoniale d’un haut intérêt national, la maison Busteed en Gaspésie, la plus ancienne de la région, avait été incendiée par des mains criminelles, après qu’elle eut été laissée à l’abandon. La situation avait été dénoncée à plusieurs reprises sans que rien n’y fasse.

« Nonchalance et incurie »

Très impliqué dans la défense et la sensibilisation à l’égard du patrimoine au Québec, le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) accuse le ministère de la Culture et des Communications de « nonchalance et d’incurie » dans ce dossier. « Voilà les mots qui ont probablement conduit à cette autre flambée patrimoniale », avance le groupe, qui dénonce le fait que le bâtiment était laissé à l’abandon depuis 22 mois alors qu’il était en principe sous la protection de l’État.

« Après la démolition d’environ 400 maisons inondées en 2019 dans le centre-ville de Sainte-Marie, dont plus de 200 de bonne valeur patrimoniale, voilà qu’un des immeubles des plus significatifs de l’histoire de la ville et de la Beauce disparaît abruptement », regrette le groupe, qui constate que rien n’a été fait pour le sauver.

Photo: Société historique Machault En juin dernier, la plus vieille maison de Gaspésie, la maison Busteed, construite à Pointe-à-la-Croix en 1800, a elle aussi été rasée par un incendie criminel après avoir été laissée à l’abandon,alors qu’elle était en principe sous protection de l’État.

En octobre 2019, soit plusieurs mois après les inondations, le GIRAM avait déploré que le bâtiment n’ait toujours pas été nettoyé, ce qui laissait la possibilité de « développer de potentielles moisissures au sous-sol et [au] rez-de-chaussée ». Or la situation n’a pas été corrigée par la suite, avance le GIRAM.

À l’hiver 2020, Le Devoir avait pour sa part constaté que la maison se trouvait toujours bel et bien dans un état d’abandon et que des fenêtres étaient ouvertes, malgré la rigueur du climat de la saison.

Des moyens pour la sauver

 

Le ministère de la Culture et des Communications devait faire plus qu’informer le propriétaire de la nécessité d’agir, soutient le GIRAM. La ministre Nathalie Roy aurait dû se prévaloir du régime d’ordonnance de la loi parce qu’il existait « une menace réelle ou appréhendée que soit dégradé de manière non négligeable » ce bien de grande valeur patrimoniale.

La ministre pouvait « ordonner toute mesure nécessaire pour empêcher que ne s’aggrave la menace sur le bien ». Or cela n’a pas été fait, regrette le GIRAM.

La ministre de la Culture et des Communications n’a émis aucun commentaire à l’intention des médias depuis cette nouvelle destruction d’un bien culturel qui se trouvait sous la protection de l’État.

Les pompiers n’ont rien pu sauver du brasier. Le manoir Taschereau, construit entre 1809 et 1811, a été occupé par une succession de notables : seigneur, juge, évêque, premier ministre.

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